Hichem Elloumi, PDG de COFICAB - «La Tunisie a besoin de constructeurs automobiles à haute valeur ajoutée»
La production tunisienne en composants automobiles est dans sa grande majorité destinée à l’Union européenne. C’est le premier secteur exportateur avec plus de de 2 milliards d’euros, les matériaux les plus exportés étant les câbles et les câblages, sans oublier les filtres, les composants électriques, électroniques et mécaniques.
La production tunisienne en composants automobiles est dans sa grande majorité destinée à l’Union européenne. C’est le premier secteur exportateur avec plus de de 2 milliards d’euros, les matériaux les plus exportés étant les câbles et les câblages, sans oublier les filtres, les composants électriques, électroniques et mécaniques.
Dans l’entretien ci-après, Hichem Elloumi, PDG de COFICAB, leader dans le domaine des composants automobiles en Tunisie, vice-président de l’UTICA, membre fondateur de la Tunisian Automotive Association (TAA), ne cache pas son optimisme quant à un futur du secteur de l’industrie économique.
WMC : Comment décririez-vous le secteur des composants automobiles dans notre pays aujourd’hui ?
Hichem Elloumi : C’est un secteur à fort potentiel qui se développe et qui attire beaucoup d’investissements, constitué en grande partie des extensions réalisées par les équipementiers. Chaque année plusieurs milliers d’emplois sont créés.
Par ailleurs, nous assistons aujourd’hui à un mouvement des équipementiers depuis les pays d’Europe de l’Est (Roumanie, Bulgarie), qui ont aujourd’hui rejoint l’UE, vers les pays d’Afrique du Nord dont la Tunisie. Nous pouvons citer Leoni, Dräxlmaier et Yazaki, soient des constructeurs automobiles d’envergure qui consolident de plus en plus leur positionnement dans notre pays.
Le climat de l’investissement en Tunisie s’apprête-t-il au développement de l’industrie automobile ?
Il est évident que nous devons l’améliorer en limitant les prérogatives de la toute puissante bureaucratie tunisienne, en simplifiant les procédures et en améliorant le rendu du port de Radès.
Nos zones industrielles doivent, elles aussi, répondre aux standards internationaux. Ceci étant, le site Tunisie reste compétitif. Et sur le plan social, le contexte est constructif entre l’UTICA et l’UGTT, les négociations aboutissent très souvent à des solutions aux problèmes qui peuvent se poser. Les conflits existent mais nous les gérons et nous les résolvons.
Le développement du secteur des
Nous avons besoin d’un investissement structurant de l’ordre de 400 à 500 millions d’euros
composants automobiles peut-il avoir un effet d’entraînement sur l’industrie toute entière en créant de nouvelles chaînes de valeurs et en allant jusqu’au montage des véhicules sur place ?
La Tunisie a besoin de constructeurs automobiles avec une valeur ajoutée. Aujourd’hui, il n’y en a pas. Nous avons besoin d’un investissement structurant de l’ordre de 400 à 500 millions d’euros, pas celui d’assemblage ou de montage. Il faut qu’il y ait un constructeur d’envergure qui choisisse la Tunisie en tant que site de production à l’export.
Toutes les conditions sont réunies aujourd’hui pour attirer ce genre d’investisseurs.
La tendance est aujourd’hui à l’industrie verte y compris bien entendu celle touchant au secteur de la construction automobile. Vous y êtes ou pas encore ?
La tendance est là et de toutes les manières, en tant qu’industriels tunisiens, nombreuses sont les entreprises tunisiennes qui répondent à la certification iso 14001 qui consiste à prendre en compte l'impact environnemental dans notre management en prenant les mesures adéquates pour le préserver et l’améliorer.
Nous travaillons à rendre notre industrie moins nocive à l’environnement. Nos clients exigent des certifications prouvant notre respect de l’environnement dont le recyclage des déchets industriels et la préservation du sol en n’y déversant pas de produits polluants. En fait, nous travaillons à mettre en place des stratégies prenant en compte le développement durable. D'ailleurs, avec l’augmentation des tarifs de la STEG, l’industrie s’oriente de plus en plus vers l’usage des énergies renouvelables.
Dans la loi transversale sur l’amélioration du climat d’affaires, il y a une partie consacrée aux énergies renouvelables où les entreprises à forte consommation énergétiques sont encouragées à produire leur propre énergie à travers des moyens de production verts.
Les voitures électriques sont tendance à l’international et particulièrement en Europe où le parc automobile est sans cesse renouvelé et où des campagnes sont lancées régulièrement pour développer la voiture du lendemain. Pensez-vous que les industriels des composants automobiles pourraient accompagner cette évolution et résister aux nouvelles donnes ?
En ce qui nous concerne, et pour ce qui est du câblage destiné aux voitures électriques, il faut juste que les câbles soient plus épais de plus grosse section, mais il y aura moins de composants en nombre, différents et avec une valeur ajoutée encore plus importante. Le temps de la voiture électrique viendra mais ce n’est pas pour tout de suite. Et n’oubliez pas, elle
la Tunisie a tous les atouts pour devenir un site occupant les premiers rangs de l’industrie automobile mondiale
coûte plus cher aussi.
Dans un pays comme la France, des subventions sont accordés pour encourager l’acquisition de voitures hybrides ou électriques ?
Nous avons intérêt, vu l’état du parc automobile énergivore et polluant, à travailler plus pour encourager les véhicules électriques en éliminant, à titre d’exemple, les droits de douanes. User d’énergies renouvelables pour approvisionner les voitures électriques est une piste à creuser. Il y a tout un bilan à faire. L’évaluation du coût des énergies fossiles est à faire pour mesurer la pollution et les excès d’émissions de gaz à effet de serre, menace importante à cause de leur effet polluant.
Il est évident que les transports sont responsables d’une part substantielle dans les émissions de gaz, c’est pour cela que nous devrions procéder à des études pour voir si les centrales électriques approvisionnées en gaz et en pétrole sont plus polluantes que les voitures ou pas.
Ceci dit, les moyens de transport sont voués rapidement à évoluer, ne serait-ce qu’à cause de l’épuisement à venir des ressources énergétiques primaires.
La moyenne d’âge d’un véhicule est généralement de l’ordre de 10 ans, et ce qui est problématique dans notre pays est la cherté des voitures à cause de la chute de la valeur du dinar. Le renouvellement du parc automobile tunisien ne se fera certainement pas demain et dépendra en grande partie de l’amélioration du pouvoir d’achat de nos concitoyens dans les années à venir.
Pouvons-nous espérer voir l’UTICA organiser les assises de l’industrie automobile et y exposer ses stratégies pour développer le secteur ?
Je suis membre de la TAA (Tunisian Automotive Association, ndlr) qui a organisé en 2018 la 1ère édition d’un Salon professionnel biennal destiné au développement de l’industrie automobile. L’initiative de cette association vient de nombre d’équipementiers étrangers et Tunisiens qui ont voulu développer le secteur indépendamment de la dimension syndicale relevant des prérogatives de l’UTICA.
La TAA se donne pour mission de mettre en place des stratégies visant l’expansion de l’industrie automobile, la défense du site Tunisie à l’international et le lobbying pour attirer de nouveaux investissements et des constructeurs d’envergure.
J’estime pour ma part que la Tunisie a tous les atouts pour devenir un site occupant les premiers rangs de l’industrie automobile mondiale à condition d’améliorer la logistique (ports) et de simplifier les réglementations.