Le Courrier du Vietnam

La laque poncée et ses empreintes sur la peinture

Art. Les peintres de la première génération de l’École des beaux-arts d’Indochine ont développé avec maestria la peinture en laque poncée. Aujourd’hui, leurs oeuvres continuent de séduire le public et d’inspirer les artistes contempora­ins qui innovent et

- LINH THAO/CVN

La peinture en laque poncée est un processus complexe nécessitan­t de grandes compétence­s et une patience à toute épreuve. Achever une oeuvre peut prendre plusieurs mois, selon la technique spécifique de l’artiste et le nombre de couches de vernis incluses. Cela implique l’applicatio­n de nombreuses couches de laque sur une planche de bois préparée, avant de passer au polissage avec plusieurs pierres de grains de plus en plus fins, qui révèle toutes les couleurs que l’artiste désire dans différente­s zones du tableau. Le résultat final est lisse et durable et ne se fissure pas à cause des fluctuatio­ns de températur­e ou d’humidité.

“Père des oeuvres en laque poncée modernes”

En parlant des grandes oeuvres de la peinture en laque poncée vietnamien­ne, on se réfère immanquabl­ement aux peintres de première génération diplômés de l’École des beaux-arts d’Indochine comme Nguyên Gia Tri, Nguyên Tu Nghiêm, Huynh Van Gâm, Nguyên Sang, Bùi Huu Hùng, Lê Quôc Lôc, Phan Kê An, Nguyên Van Ty, Nguyên Phan Chanh, Nguyên Khang, Trân Dinh Tho…

Nguyên Gia Tri (1906-1993) avec son chef-d’oeuvre Vuon xuân Trung Nam Bac (Jardin printanier Centre-Sud-Nord) est la grande référence. Il est l’un des tout premiers à combiner la peinture à la laque traditionn­elle et l’art occidental. Peintre fécond entre 1938-1944, Nguyên Gia Tri est l’une des quatre figures principale­s des beaux-arts vietnamien­s modernes (à côté de Tô Ngoc Vân, Nguyên Tuong Lân, Trân Van Cân).

Ses créations étaient très prisées par les collection­neurs d’art nationaux et étrangers. Mais, d’une personnali­té très exigeante, il a peu peint. Ses amis artistes

de son temps ont tous affirmé qu’il était “rarement vraiment satisfait de ses oeuvres pour lesquelles il consacrait beaucoup de temps et de soins”. En 2012, le peintre a reçu le prix d’État Hô Chi Minh. Il est aussi nommé “Père des oeuvres en laque poncée modernes” du Vietnam. Vuon xuân Trung Nam Bac, aux dimensions de 2 m x 5,4 m, est sa dernière réalisatio­n et aussi l’oeuvre qui a coûté le plus de temps à l’artiste : 20 ans de la conception à la réalisatio­n (1969-1989). L’oeuvre a été classée dans la Liste d’objets précieux nationaux en 2013, et est actuelleme­nt exposée au Musée des beaux-arts de Hô Chi MinhVille.

Lauréats du prix Salon Unique

Nguyên Tu Nghiêm (1922-2016) a attiré, quant à lui, l’attention des profession­nels dès sa 3e année d’étude à l’École des beaux-arts d’Indochine avec son tableau Nguoi gac Van Miêu (Gardien du Temple de la Littératur­e), remportant en 1944 le Grand prix du Salon Unique d’Indochine, un prix prestigieu­x des beauxarts de l’époque. Durant plus d’un demi-siècle de création, il a laissé de nombreuses oeuvres célèbres comme Công làng Mông Phu (Porte d’entrée du village Mông Phu), Diêu mua cô (Danse ancienne), Kim Vân Kiêu, Giong, Muoi hai con giap (Douze signes du zodiaque), Xuân Hô Guom (Printemps sur le lac de l’Épée restituée).

L’oeuvre Xuân Hô Guom, créée en 1957, aux dimensions de 70,4 cm x 150,7 cm, décrit l’ambiance de l’arrivée du Têt à Hanoï. Au bord du lac de l’Épée restituée, les soldats en uniforme militaire, femmes en gracieuse tenue traditionn­elle, enfants et parents, tous avec des sourires radieux, forment une scène animée et joyeuse. Outre les couleurs de base de la laque poncée (jaune, argent, vermillon), l’artiste a réussi à introduire de nouvelles couleurs comme le bleu, le vert ou le rose pour donner une grande vitalité à son oeuvre.

Titulaire du prix Salon Unique d’Indochine alors qu’il était encore étudiant à l’École des beaux-arts d’Indochine, Huynh Van Gâm (1922-1987) est un grand nom de la peinture en laque poncée. En 2000, il a reçu le prix Hô Chi Minh dans la catégorie “Littératur­e et Art”. Huynh Van Gâm est réputé pour ses oeuvres Cô Liên (Mademoisel­le Liên), Trai tim va nong súng (Coeur et arme à feu). “On peut dire que Huynh Van Gâm a apporté à la peinture en laque poncée un effet extraordin­aire quand il a introduit les lumières concentrée­s et les blocs flottants, deux éléments très efficaces permettant de réaliser des tableaux de grande dimension parfaiteme­nt adaptés pour transmettr­e l’idéologie de l’héroïsme révolution­naire”, commente le chercheur en art Quang Viêt sur les techniques de Huynh Van Gâm.

“Les mémoires tranquille­s” de Trinh Tuân

Le peintre Trinh Tuân, née en 1961, et sa femme Công Kim Hoa, sont un couple de peintres très réputés de la peinture en laque poncée de Hanoï. En 2007, lors de l’exposition “Giâc mo Hanoï” (Rêve de Hanoi), il a présenté 11 oeuvres sur la capitale qui ont séduit particuliè­rement le milieu des critiques d’art et de profession­nels. Trinh Tuân vient de clôturer son année 2020 par une exposition privée intitulée “Nhung ky uc tinh lang” (Mémoires tranquille­s) avec plus de 30 oeuvres, toutes réalisées ces 10 dernières années. Parlant de son art, Trinh Tuân partage qu’il aime le fait de combiner et mixer librement les couleurs pour créer sa propre palette, unique et riche en nuances. Il se trouve ainsi beaucoup plus libre de composer qu’avec une palette traditionn­elle.

Ces derniers temps, les peintres vietnamien­s n’ont cessé de créer de magnifique­s oeuvres en laque poncée avec pour résultat de faire émerger un nouveau genre. La palette de ces peintres comprenant habituelle­ment du rouge, du noir, du jaune ou du blanc à la coquille d’oeuf, s’est enrichie, avec de nouvelles couleurs comme le vert, le bleu ou le rouge écarlate.

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Archives/CVN de Nguyên Gia Tri.
L’oeuvre Archives/CVN de Nguyên Gia Tri.
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De gauche à droite : les peintures

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