Rendre justice à Trân Tô Nga et à toutes les victimes
Droits. Malgré une nouvelle déception judiciaire, l’ancienne correspondante de guerre Trân Tô Nga continue son combat pour la reconnaissance des méfaits de l’agent orange/dioxine sur la santé de millions de Vietnamiens.
Si le Vietnam s’est rapidement tourné vers l’avenir au sortir de la guerre en 1975, les ravages causés sur la santé et l’environnement par l’agent orange/dioxine font aujourd’hui encore toujours des victimes.
Elle-même gravement touchée par ce produit chimique, Trân Tô Nga mène un combat sans relâche pour que les entreprises ayant produit l’agent orange admettent leur responsabilité.
Les conséquences de l’agent orange
Selon l’Association vietnamienne des victimes de l’agent orange (VAVA), ce sont près de 5 millions de personnes qui ont été exposées à ce défoliant au Vietnam. Parmi elles, des centaines de milliers sont déjà décédées et des millions d’autres souffrent encore et toujours de maladies graves, de malformations et de handicaps. En 2004, les victimes vietnamiennes de l’agent orange/dioxine avaient intenté une action collective devant la Cour fédérale de Brooklyn, à New York, contre 37 compagnies américaines - fournisseurs des produits chimiques toxiques utilisés par l’armée américaine au Vietnam - pour réclamer des indemnités pour leurs vies brisées. Mais l’affaire avait abouti à un non-lieu.
C’est en 2013 que Mme Nga, aujourd’hui âgée de 79 ans, a déposé en France, une plainte pour la première fois contre 14 entreprises chimiques américaines ayant fourni à l’armée américaine le défoliant responsable de millions de victimes pendant la guerre du Vietnam.
Trân Tô Nga, elle-même victime
Diplômée d’une université de Hanoï en 1966, Mme Nga est devenue correspondante de guerre de l’Agence d’Information de Libération (Thông tân xa giai phong), un des deux organes prédécesseurs de l’Agence Vietnamienne d’Information (VNA en abréviation anglaise). Elle a travaillé dans certaines des zones les plus touchées par l’agent orange dans le Sud, telles que Cu Chi, Bên Cat et le long de la piste Hô Chi Minh, subissant finalement elle-même les effets délétères de ce poison.
Elle souffre d’un certain nombre de maladies et d’infections aiguës reconnues par le gouvernement américain comme étant liées à la dioxine.
Parmi ses trois enfants, le premier est mort de malformations cardiaques à l’âge de 17 mois, le second souffre d’une maladie du sang. Un petit-fils de Mme Nga souffre également de maladies liées à l’agent orange.
Dans ce combat judiciaire, Mme Nga n’est pas toute seule. Elle reçoit le soutien des associations engagées dans le même combat qu’elle. On peut citer entre autres Vietnam Dioxine, Stop Monsanto-Bayer, Combat Monsanto, Youth for Climate Paris et Union générale des Vietnamiens de France. Le Tribunal de grande instance d’Évry accepta la plainte après qu’une modification de la loi autorise désormais un ressortissant français à intenter
de juridiction qui entrait en contradiction avec les principes modernes du droit international et national.
D’après Pham Truong, responsable des affaires extérieures de la VAVA, le tribunal aurait pu faire beaucoup plus pour exercer son droit et sa responsabilité d’avoir un jugement raisonnable. Le tribunal n’a pas examiné attentivement les facteurs pertinents tels que le fait que ces entreprises américaines n’étaient pas obligées de participer à des appels d’offres pour produire des produits chimiques toxiques à des fins lucratives. Il n’a pas non plus tenu compte du fait que les entreprises chimiques ont intentionnellement modifié le processus technique pour raccourcir le temps de production de l’agent orange/doxine, réduire les coûts et augmenter les bénéfices.
Réagissant à la décision du Tribunal de grande instance de la ville d’Evry, Mme Nga a déclaré qu’elle n’était pas surprise car elle s’y était préparée. Elle a aussi affirmé qu’elle ferait appel immédiatement, entamant une nouvelle bataille, peu importe la difficulté de celle-ci.
“Mon temps est peut-être limité, mais pour la jeune génération, tout le pays et le monde entier, il ne l’est pas. Pendant ce temps, les crimes de ces entreprises chimiques sont toujours là, ils créent toujours des tragédies pour les humains. Ce combat ne doit pas s’arrêter”, a-t-elle affirmé avec une conviction sans faille.
Si le combat judiciaire doit être poursuivi, Mme Nga a réussi à attirer l’attention du monde entier sur le sujet. En témoigne en France par exemple les rassemblements et les marches organisés en son soutien et ayant rassemblé des centaines de milliers de participants dans plusieurs villes. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes inspirent de Mme Nga car elle se bat pour une cause juste et universelle. dduu66aauu1122aaooûût t22002211
n tant que chercheur de premier rang sur l’environnement, pourriez-vous évaluer les conséquences de la guerre chimique sur l’environnement au Vietnam, dans le district d’A Luoi de la province de Thua Thiên-Huê en particulier ?
L’opération Ranch Hand, (“ouvrier agricole”) entre 1961 et 1971, est considérée comme la plus grande guerre de destruction écologique de l’histoire (écocide). L’utilisation massive de 100.000 tonnes de produits chimiques toxiques, dont l’agent orange avec une concentration de 20 à 40 fois supérieure à celle utilisée en agriculture, a bouleversé la structure forestière et la biodiversité.
Selon les statistiques du Département américain de la défense, 86% des missions de pulvérisation se sont concentrées sur des forêts intérieures, des mangroves et 14% sur des cultures agricoles. Conséquences : sur une vaste zone de forêts intérieures, touchées par la dioxine à plusieurs reprises, de nombreux grands arbres forestiers ont été morts. Le couvert forestier dans la zone en amont de 28 réseaux hydrographiques a été détruit. Les forêts ne peuvent pas retenir l’eau, ne régulent pas les débits, les rivières
de Dông Son, il y avait une concentration de dioxine de 897,85 pg/g.
Pourriez-vous nous informer du processus de plantation d’une barrière de féviers pour isoler les hommes et les animaux d’A Luoi de la zone contaminée ?
En 1975, je m’y suis rendu pour la première fois avec d’autres collègues pour étudier les séquelles écologiques de la guerre. Des milliers de litres de défoliants ont été largués par l’Armée américaine sur le district d’A Luoi dont la plupart des gallons contenaient de la dioxine. J’ai examiné presque toutes les forêts au Vietnam, il y a des régions qui sont plus gravement décimées qu’A Luoi, mais j’ai eu un coup de coeur pour cette région. Je ne sais pas pourquoi. J’y suis attaché et j’y ai consacré beaucoup d’énergie et d’efforts. Après diverses études, nous avons conclu qu’un mur et des barbelés n’étaient pas adaptés pour circonscrire les hectares de terre contaminée par la dioxine de l’ancienne base aérienne d’Asho. Parce que les habitants détruisent les barbelés pour récupérer le fer. Après plusieurs voyages à A Luoi, j’ai pensé à une mesure