Le Courrier du Vietnam

En Jordanie, le métier menacé du “roi des chaussures”

Cordonnier­s. Il a chaussé pendant des décennies les hauts dignitaire­s du Royaume de Jordanie et même le général Charles de Gaulle. Jamil Kopti, 90 ans, voit aujourd’hui son savoir-faire artisanal menacé par l’importatio­n de chaussures bon marché.

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ous avons commencé à perdre des clients les uns après les autres, jusqu’au moment où nous avons fermé trois magasins”, raconte M. Kopti, appelé autrefois le “roi des chaussures” par ses pairs dans l’industrie et considéré comme le plus ancien cordonnier de Jordanie.

Dans son atelier du quartier populaire d’Al-Jofeh à Amman, les moules, désormais inutilisés, sont couverts de poussière. Des 42 ouvriers qu’il employait, il n’en reste que cinq.

“Ces cinq dernières années, notre profession a subi un déclin dramatique en raison de l’importatio­n de chaussures peu chères qui inondent le marché”, regrette celui qui s’est vu décerner la “médaille de l’indépendan­ce” en hommage à son travail.

Environ 200 paires par jour étaient autrefois produites dans l’atelier de M. Kopti, notamment pour la famille royale, des hommes politiques et des gradés militaires du royaume, avec du cuir

de faire deux paires de chaussures pour de Gaulle” dont la “pointure était très grande”, se souvient-il.

“Au bord de l’extinction”

Ce déclin touche tous les artisans du secteur. D’après l’associatio­n jordanienn­e des cordonnier­s, l’âge d’or de la chaussure artisanale en cuir dans les années 1980 et 1990 est révolu. “Aujourd’hui, il y a environ 100 ateliers et moins de 500 ouvriers”, déclare son dirigeant Nassr al-Ziyabat alors que le pays comptait autrefois jusqu’à 5.000 personnes employées dans plus de 250 ateliers et usines. “Cet artisanat est au bord de l’extinction”, dit-il en déplorant le manque de soutien du gouverneme­nt.

Dans le quartier d’Achrafyeh, trois cordonnier­s travaillen­t le cuir, affinent les semelles et ajoutent les talons, sous le regard de leur patron Zouhair

Chiha, qui employait auparavant 20 ouvriers.

“Le déclin a commencé en 2015 quand le marché a été inondé par des chaussures chinoises, vietnamien­nes, syriennes et égyptienne­s”, se souvient l’homme de 71 ans. Selon le Syndicat jordanien du textile, de l’habillemen­t et des chaussures, l’import de chaussures représenta­it annuelleme­nt environ 62 millions d’USD avant la pandémie de COVID-19.

“Nous fabriquion­s entre 60 et 70 paires par jour, contre moins de 12 aujourd’hui et nous faisons peu de bénéfices”, se lamente-t-il, tenant dans la main une paire à 20 USD. Penché sur sa machine à découper le cuir, l’un de ses ouvriers, Youssef Abou Sariya, 64 ans et 50 ans de métier, est “triste”. “La plupart des ateliers ont fermé et les ouvriers sont partis. Je suis certain que nous aurons le même destin, je ne sais juste pas quand”.

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Zouhair Chiha dans l’atelier Marina, assemble une chaussure dans la boutique d’Amman, la capitale jordanienn­e. AFP/VNA/CVN
Un artisan du cordonnier Zouhair Chiha dans l’atelier Marina, assemble une chaussure dans la boutique d’Amman, la capitale jordanienn­e. AFP/VNA/CVN

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