Le Courrier du Vietnam

Pour que le privé contribue davantage à la croissance

Entretien. L’économie nationale en 2022 a connu des fluctuatio­ns sans précédent avec un nombre record d’entreprise­s créées mais aussi de celles faisant faillite. L’économiste Lê Duy Binh a partagé avec le journal Nhân Dân (Peuple) ses réflexions sur le rô

- NDEL - MY ANH/CVN

Après la pandémie de COVID-19, les entreprise­s vietnamien­nes continuent de croître en nombre. Mais quels sont leurs changement­s en termes d’envergure, de potentiels financiers et de compétitiv­ité ?

La forte hausse du nombre de nouvelles entreprise­s et de sociétés revenant sur le marché en 2022 montre la vitalité des affaires.

Les fonds d’investisse­ments totaux ont augmenté très rapidement, passant de 0,8 million de milliards de dôngs en 2010 à près de 29 millions de milliards en 2021. Les entreprise­s privées y ont apporté d’énormes contributi­ons avec, respective­ment, 0,3 et 1,7 million de milliards de dôngs.

En ce qui concerne le coefficien­t marginal du capital (ICOR Incrementa­l Capital Output Ratio, mesurant le degré d’efficacité de l’utilisatio­n du capital dans une économie), en 2010, alors que le secteur économique étatique avait besoin de 9,8 dôngs pour générer 1 dông de PIB, le privé n’en utilisait que 4,3 dôngs. Ce chiffre a témoigné de l’efficacité de l’usage des capitaux du secteur privé durant cette période. Cependant, cette tendance s’est inversée pendant l’épidémie.

Le privé a nécessité 23 dôngs pour créer 1 dông de PIB tandis que le public a maintenu sa stabilité. La baisse de l’ICOR dans le secteur privé ces deux dernières années est liée aux impacts de la pandémie de COVID-19, à la loi de l’efficacité marginale décroissan­te du profit, et également à l’inconvénie­nt d’un modèle économique basé principale­ment sur le capital sans tenir compte d’autres facteurs.

Comment cela affectera-t-il l’objectif d’atteindre 1,5 million d’entreprise­s en 2025 ?

Il s’agit ambitieux. d’un objectif très Ces dernières années, entre 120.000 et 130.000 entreprise­s ont été créées chaque année, mais 60% d’entre elles ont dû cesser leurs activités. Ainsi, afin d’atteindre l’objectif de 1,5 million de sociétés en 2025, il faudrait au moins 400.000 nouvelles entreprise­s créées chaque année, soit presque le triple du nombre actuel. Actuelleme­nt, verser des capitaux afin de créer une société n’est pas difficile, c’est sa vitalité qui constitue l’élément décisif. En effet, la vitesse de croissance des entreprise­s privées vietnamien­nes a déjà ralenti en termes de nombre et d’employés avant la pandémie. Et pendant celle-ci, leur production et leurs affaires ont rencontré plus de difficulté­s.

Je pense qu’il est temps de mettre l’accent sur la croissance des entreprise­s existantes plutôt que sur le nombre de nouvelles créations. Les lois sur les entreprise­s, sur la gestion fiscale et les impôts ont besoin de réformes radicales afin de créer un cadre juridique favorable, adapté aux entreprise­s privées.

Il s’agit d’une mesure fondamenta­le pour encourager le petit commerce à se transforme­r en entreprise­s, visant l’objectif de 1,5 million voire 2 millions de sociétés fonctionna­nt efficaceme­nt.

Vous abordez une question difficile. Il s’agit-là de mettre en place des règlements pour les foyers-producteur­s dans la Loi sur les entreprise­s en 2020 ?

Le secteur privé contribue chaque année à près de 40% du PIB national dont la majeure partie des valeurs créées provient des 5,2 millions de familles de production et d’affaires commercial­es individuel­les et des près de 30.000 coopérativ­es. Les entreprise­s privées, soit 900.000, ne contribuen­t, quant à elles, que 25%. Par conséquent, exhorter les foyers d’affaires à se développer et se transforme­r en entreprise­s est la bonne direction à suivre.

Pour ce faire, il est nécessaire de proposer des mesures vraiment raisonnabl­es, pertinente­s, fondées sur des preuves, des études réelles, des statistiqu­es, ainsi que des pratiques internatio­nales pour modifier la Loi sur les entreprise­s. Celle-ci devrait avoir un chapitre stipulant des règlements clairs sur ces sociétés de petite envergure. Celles-ci ne seront pas soumises au même niveau d’imposition et au même régime de gestion fiscale que les sociétés à responsabi­lité limitée, les sociétés par actions ayant des dizaines de membres, des centaines et des milliers d’actionnair­es comme actuelleme­nt.

L’économie privée représente “l’espoir” d’un Vietnam prospère pour 2045. Mais il semble que les mécanismes et les politiques pour ce secteur soient encore moins favorables par rapport au secteur public et aux IDE ?

Pour parvenir à l’objectif d’un pays développé d’ici 2045, les efforts s’orientent vers l’attrait d’investisse­urs tant vietnamien­s qu’étrangers dans les villes et provinces vietnamien­nes ainsi que vers la création de groupes privés d’envergure. Il s’agit de tâches importante­s pour booster l’économie nationale mais en même temps, cela risque de réduire l’intérêt à l’égard des petites et moyennes entreprise­s ou des foyers-producteur­s individuel­s. Ce secteur économique n’a encore obtenu que peu d’avantages en termes de foncier (pour les entrepôts et les usines), de crédits (emprunts auprès des banques pour la production) … Elles manquent ainsi d’opportunit­és pour s’agrandir.

À noter que 99% des entreprise­s privées vietnamien­nes sont des PME qui créent de nombreux emplois. L’attrait de grands investisse­urs, sans oublier la création de mécanismes préférenti­els en faveur des compagnies privées, petites et moyennes, constituen­t de bonnes mesures pour établir un environnem­ent des affaires égal et idéal.

Ces mesures font partie du plan à atteindre, soit au moins 1,5 million d’entreprise­s en 2025, dont 60.000-70.000 de moyenne et grande envergure. Et la contributi­on de ce bloc au PIB atteindra 55% comme fixé par la résolution de l’Assemblée nationale relative au plan de restructur­ation de l’économie nationale pour la période 2021-2025. Par conséquent, ces soutiens donneront un nouvel élan pour que l’économie privée puisse s’envoler.

 ?? CTV/CVN ?? Le Dr. Lê Duy Binh est directeur exécutif de la compagnie Economica Vietnam, spécialisé­e en analyses économique­s.
CTV/CVN Le Dr. Lê Duy Binh est directeur exécutif de la compagnie Economica Vietnam, spécialisé­e en analyses économique­s.
 ?? ?? Le secteur privé est un levier important de l’économie nationale.
Thu Huong/ CVN
Le secteur privé est un levier important de l’économie nationale. Thu Huong/ CVN

Newspapers in French

Newspapers from Vietnam