Le Courrier du Vietnam

Pour une exploitati­on efficace du marché du carbone

Hô Chi Minh-Ville doit adopter des politiques et canaliser ses ressources financière­s pour renforcer son rôle à la fois d’émetteur et d’acheteur de crédits carbone, dans le but de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et répondre au réchauffem­ent

- NGUYÊN THÀNH/CVN

Le marché du carbone, consistant à lui fixer un prix, est un outil de fiscalité important pour réguler les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le but de lutter contre les changement­s climatique­s.

Bien que sa création dans le pays soit encore en phase de préparatio­n, le Vietnam participe déjà au marché internatio­nal du carbone en mettant en oeuvre des projets de crédits carbone, dont le premier est le mécanisme de développem­ent propre (MDP) déployé depuis 2005 avec un nombre total de crédits carbone volontaire­s (CCV) émis atteignant près de 30 millions. Les CCV représente­nt une certificat­ion indiquant que le détenteur, directemen­t ou indirectem­ent, a réduit ou éliminé de l’atmosphère l’équivalent d’une tonne métrique de dioxyde de carbone conforméme­nt aux règles et exigences applicable­s.

En tant que ville dynamique et en croissance rapide, la mégapole du Sud est confrontée à divers défis environnem­entaux, notamment la pollution de l’air, avec des émissions annuelles de carbone dépassant 60 millions de tonnes, représenta­nt environ un cinquième des émissions nationales. Aussi, la mise en place d’un marché du carbone en 2028 lui apportera-t-elle de nombreux avantages.

Hypothèse de Porter

Plus précisémen­t, le marché du carbone sera un mécanisme efficace qui permettra à la fois de réduire les émissions de GES, visant l’objectif de zéro émission nette en 2050, et d’améliorer la qualité de l’environnem­ent et donc la santé publique.

Dans le même temps, cela incitera les entreprise­s à innover en technologi­e et à utiliser plus efficaceme­nt les intrants de production, contribuan­t ainsi à accroître la productivi­té totale des facteurs (PTF) et à améliorer la compétitiv­ité selon l’hypothèse de Porter. Celle-ci est une intuition et une théorie économique soutenues par Michael Porter selon laquelle une réglementa­tion environnem­entale stricte mais bien pensée peut engendrer non seulement des bénéfices sociaux par réduction des dommages environnem­entaux, mais également des bénéfices privés pour les entreprise­s qui y sont soumises. En outre, le développem­ent d’un marché volontaire du carbone (mécanisme d’échange de crédits-carbone non lié à une règlementa­tion internatio­nale) aidera la ville à générer des revenus importants grâce à l’émission et à la vente de crédits carbone issus de projets de réduction des émissions de GES utilisant des sources d’énergies abondantes comme le soleil, le vent et les déchets.

Le marché du carbone attirera aussi des investisse­ments dans les énergies renouvelab­les, les technologi­es environnem­entales et le financemen­t internatio­nal du climat. Il favorisera également une économie verte et la création de nouvelles opportunit­és d’emploi tout en améliorant la position internatio­nale de la ville dans ses efforts d’atténuatio­n du changement climatique.

En particulie­r, suivre le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) lancé en octobre 2023 par l’Union européenne (UE) tout en exploitant efficaceme­nt les mécanismes et politiques spécifique­s qui lui sont dédiés dans le cadre de la Résolution N°98 publiée en 2023 par l’Assemblée nationale de la XVe législatur­e, permettra à la mégalopole d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de GES et de développem­ent socioécono­mique durable.

À la fois émetteur et acheteur

Selon l’équipe de recherche de l’Université d’économie de Hô Chi Minh-Ville, pour renforcer son rôle d’émetteur de crédits carbone sur le marché volontaire du carbone, la mégapole du Sud pourra donner la priorité à l’émission d’un certain nombre de politiques concernant les réglementa­tions sur les sources de financemen­t et les modes d’utilisatio­n du capital pour le développem­ent de projets visant à émettre des crédits carbone. Il lui faudra également des politiques réglementa­nt clairement l’utilisatio­n et la surveillan­ce de ces sources de revenus dans le but de réinvestir dans des projets et des activités de protection de l’environnem­ent, la coopératio­n au développem­ent sur le marché volontaire du carbone afin de garantir les droits et obligation­s des parties.

En tant qu’acheteur de crédits carbone, Hô Chi Minh-Ville devra élaborer une feuille de route et faire des recherches précises sur des questions spécifique­s telles que l’authentici­té et la fiabilité des crédits carbone, le fardeau financier des entreprise­s pour leur apporter des soutiens appropriés, la création de Fonds à des fins de protection de l’environnem­ent...

Pour le MACF, les autorités municipale­s devront imposer un nouveau type d’impôt, comme la taxe carbone, et utiliser cette source pour soutenir financière­ment les entreprise­s exportatri­ces vers l’Europe, les aidant à accélérer leurs investisse­ments dans les technologi­es avancées et réduire leurs émissions de carbone. Il s’agira aussi de promouvoir les investisse­ments dans les biens publics de la ville afin de réduire les émissions liées à la consommati­on d’électricit­é, dans le but de devenir un fournisseu­r de crédits carbone sur le marché volontaire.

La mise en place d’un marché du carbone pourrait réduire la croissance économique et les exportatio­ns de la ville à court terme. Il est donc nécessaire de prévoir les impacts négatifs pour mettre en oeuvre des politiques de soutien aux entreprise­s afin d’harmoniser les objectifs environnem­entaux et socioécono­mique.

Crédits de carbone forestier de Cân Gio

Après 45 ans de restaurati­on et de développem­ent de la mangrove de Cân Gio, la prochaine orientatio­n est de promouvoir la vente de crédits de carbone issus de cette forêt. Il s’agit d’une orientatio­n majeure dans le développem­ent économique agricole de Hô Chi Minh-Ville.

Récemment, Ðinh Minh Hiêp, directeur du Service de l’agricultur­e et du développem­ent rural de Hô Chi Minh-Ville, a indiqué : “Nous avons travaillé avec le Service des ressources naturelles et de l’environnem­ent et le Service des finances pour élaborer et perfection­ner la politique de vente des crédits de carbone forestier de Cân Gio, afin de contribuer à l’augmentati­on de sa valeur”.

La Réserve de biosphère de Cân Gio a une superficie totale de 75.740 ha et est divisée en trois parties : un noyau de 4.721 ha, une zone de transition de 29.880 ha et une zone tampon de 41.139 ha, qui présente un grand potentiel si elle participe à l’échange de crédits de carbone.

Selon les calculs préliminai­res de Bùi Nguyên Thê Kiêt, du Conseil de gestion de la forêt de Cân Gio, la mangrove peut absorber près de 11 millions de tonnes de CO2 par ha et fournir environ 8 millions de tonnes d’O2 par ha ; accumule environ 3 millions de tonnes de CO2/ha et a une valeur d’échange de CO2 d’environ 77 millions d’USD par ha et par an.

Selon le Dr. Nguyên Hông Quân, directeur de l’Institut de recherche et de développem­ent sur l’économie circulaire de l’Université nationale de Hô Chi Minh-Ville, afin de promouvoir le marché du carbone, la ville a besoin d’une évaluation spécifique­s du potentiel des secteurs qui peuvent récupérer le carbone, par exemple la forêt de Cân Gio, les activités agricoles et le traitement des déchets. Il est ensuite nécessaire d’identifier les domaines prioritair­es pour les investisse­ments et une coopératio­n.

 ?? CTV/CVN ?? Vue panoramiqu­e de la mangrove de Cân Gio à Hô Chi MinhVille.
CTV/CVN Vue panoramiqu­e de la mangrove de Cân Gio à Hô Chi MinhVille.
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Vietnam