El Watan (Algeria)

Le Net pour dire le ras-le-bol

Les publicatio­ns sur les réseaux sociaux sont devenues, aujourd’hui, un moyen pour exprimer le malaise de la jeunesse algérienne.

- Salim Mesbah

En pleine campagne pour les législativ­es de 2017, l’artiste Chemeseddi­ne Lamrani, alias Dzjoker, a crééle buzz en mettant en ligne sur YouTube une vidéo d’un peu plus de 4 mn «Mansoutich» (Je ne sauterai pas), rapidement classée première au «top trending» des vidéos YouTube les plus vues en Algérie. Un buzz à plus de 10 millions de vues depuis sa diffusion, partagée sur Facebook et qui deviendra rapidement un manifeste pour le boycott des législativ­es, obligeant Seddik Chihab, tête de liste RND à Alger, à monter au créneau pour s’en prendre au youtubeur accusé d’être «manipulé par l’étranger», car son clip... est de bonne qualité ! A travers la Toile, les internaute­s algériens comblent l’absence du débat politique. Ces publicatio­ns sur les réseaux sociaux sont devenues aujourd’hui le moyen le plus sûr pour exprimer le désarroi et les souffrance­s d’une jeunesse algérienne qui ne se reconnaît pas dans ses dirigeants. Et ce n’est pas près de s’arrêter. Cette semaine, c’est au tour d’un autre youtubeur, Anes Tina, de poster «Rani Za3fan (Je suis en

DES VIDÉOS RÉALISÉES PAR DES YOUTUBEURS EXPRIMENT LA COLÈRE DE LA SOCIÉTÉ ALGÉRIENNE

colère), dans laquelle il dénonce la situation précaire de la jeunesse algérienne. Grimé en jeune désoeuvré, sweat rouge et barbe fournie, l’artiste balance ses punchlines face caméra à travers plusieurs plans tournés dans les rues d’Alger. « Mon fils meurt à l’hôpital et je ne peux rien faire, alors que vous, vous allez vous faire soigner pour une simple grippe à l’étranger.» Ou encore « des titulaires de master vendent des cigarettes, alors que d’autres avec un niveau primaire font des affaires et les lois au Parlement.» «Je me tire avec les enfants de mon quartier dans un chalutier, car je n’ai pas comme leurs enfants la double nationalit­é.» Depuis sa diffusion le 17 novembre, la vidéo a déjà été vue par plus de 3 millions d’internaute­s. Face à la menace, les autorités algérienne­s tentent d’organiser la riposte. Pour parer au succès retentissa­nt de la vidéo d’Anes Tina, Rani za3fane (Je suis en colère), la chaîne de télé Ennahar, proche du cercle présidenti­el, a diffusé une vidéo intitulée «Rani farhane» (Je suis heureux). Une image fixe de la fameuse Grande Mosquée en constructi­on et une voix qui reprend les éléments de langage habituels du discours officiel et énumère les raisons pour lesquelles il faut être heureux en Algérie. «Je ne laisserai pas mon pays s’effondrer comme c est le cas chez nos voisins», clame la vidéo. Avec un peu plus de 5000 vues depuis sa diffusion, «Rani farhane» n’a pas convaincu beaucoup d’internaute­s.

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