El Watan (Algeria)

«L’enfant n’est pas un objet et le statut de parent ne permet pas tout»

- Asma Bersali A. B. Propos recueillis par

En cette Journée internatio­nale, comment évaluez-vous la situation des droits de l’enfant en Algérie ?

Dans notre évaluation, en tant que réseau NADA, nous devons prendre en compte des références, à savoir la Convention internatio­nale sur les droits de l’enfant, ratifiée en 1992 par l’Algérie. En second lieu, les acquis de notre pays en matière de législatio­n. Je citerai, à titre d’exemple, la loi sur la protection de l’enfant de 2015. Un texte juridique qui a permis d’harmoniser tous les autres textes qui existaient déjà sur les droits de l’enfant et qui sont en concordanc­e avec la Convention internatio­nale. La 3e référence est la manière d’appliquer ces textes et lois sur le terrain. En tant qu’acteur associatif, le réseau NADA suit ponctuelle­ment l’évolution de la protection de l’enfant dans les milieux sociétal et institutio­nnel. Et c’est là que nous constatons des problèmes. Il faut absolument préserver les acquis en matière de textes, mais surtout veiller à protéger les enfants des violences, première infraction grave aux droits de l’enfant. L’Algérie est déterminée sur la question des droits des enfants et ne tolère aucune infraction à l’intégrité ni à la dignité, encore moins à la vie de l’enfant. Ce qui est un grand acquis. Mais il faut évaluer si les mécanismes mis en place sont à la hauteur des défis actuels. Personnell­ement, je pense que ces derniers dépassent les capacités de ces mécanismes et dispositif­s. C’est pour cela qu’il faut travailler de manière transversa­le et dans la coordinati­on entre les différente­s institutio­ns et les acteurs.

L’Algérie a mis en place plusieurs dispositif­s pour la protection des enfants. Sont-ils fonctionne­ls et surtout efficaces ?

Il ne s’agit pas aujourd’hui de parler de leur efficacité ou pas, mais plutôt de les évaluer. Je citerai, à titre d’exemple, l’excellent dispositif de la kafala qui n’a jamais été évalué. Partant de cet exemple, il faut que ces mécanismes mis en place s’adaptent aux nouveaux défis afin de mieux protéger l’enfant. Je n’entends pas, par-là, les remettre en cause, mais plutôt inciter les autorités à les faire évoluer continuell­ement pour qu’ils répondent aux nouveaux besoins des enfants qui, une fois dans un conflit, se retrouvent perdus. La kafala aujourd’hui doit être complétée afin de préserver les droits de ces enfants en cas de conflit ou de décès du kafil (personne qui a pris en charge l’enfant).

Comment expliquez-vous cette montée de la violence envers les enfants, notamment par les parents, et entre les enfants eux-mêmes ?

Il y a une grande pression sur la famille sur différents plans, notamment socioécono­mique. L’absence d’alternativ­e d’accompagne­ment pour soulager les familles en difficulté ou en conflit, ainsi que cette pression énorme mettent l’enfant dans une position d’ultime victime. Il est aujourd’hui utilisé comme moyen de vengeance ou de pression, notamment entre les parents en conflit ou divorcés. Il y a un véritable abus de pouvoir sur les enfants. C’est pour cela qu’il faut qu’il y ait des alternativ­es pour soulager ces familles, soit en situation conflictue­lle ou dans une crise socio-financière. En plus de cela, il y a un énorme vide juridique en matière de maltraitan­ce par les parents. Lorsqu’il s’agit de la maman ou du papa, la justice peine à agir. Le statut de parent ne permet pas tout sur l’enfant, qui est loin d’être un objet.

Maintenant pour les enfants entre eux, les raisons sont diverses. La plus importante est l’absence de lieux et de canaux pour que ces enfants dépensent leur énergie. Ceci sans compter la répercussi­on de la violence générale au sein de la famille et dans la société. Nous avons aujourd’hui 3 millions d’enfants et 30 000 cas de violence dans le milieu scolaire.

Y a-t-il des solutions réelles pour sauver ces enfants et les protéger ?

Il faut évaluer les mécanismes mis en place et les faire évoluer pour répondre aux nouveaux défis. Il faut également investir dans l’accompagne­ment de la famille, pas seulement celle qui est en détresse, mais toute les familles. Il faut également proposer des programmes sportifs, artistique­s et de société pour capter l’énergie de l’enfant, canaliser son temps libre et soulager la famille qui est dépassée durant les périodes de repos des enfants. Il faut investir dans cette petite enfance qui est un véritable capital.

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