El Watan (Algeria)

«L’ISF n’est qu’un effet d’annonce»

- Propos recueillis par Akli R. A. R.

La commission des finances de l’APN a décidé de rejeter la mesure portant impôt sur la fortune, sous prétexte que celui-ci ne pourra pas être concrèteme­nt mis en oeuvre. Cet argument est-il vraiment recevable ?

Le rejet de la mesure portant impôt sur la fortune dans le projet de loi de finances 2018 obéit beaucoup plus à un souci d’efficacité en matière de source de financemen­t de l’important déficit budgétaire, qui persistera encore pour l’année prochaine. Dès lors que le financemen­t non convention­nel est adopté, devenant ainsi opérationn­el, il n’y a pas lieu de s’encombrer d’un impôt qui est par nature impopulair­e auprès des concernés, les plus fortunés. D’autant plus que la définition de la fortune reste vague, car il y a absence de réflexion sur la question pouvant aboutir à des mécanismes de transparen­ce et de contrôle. En conséquenc­e, il ne peut y avoir de consensus pour qu’il y ait une adhésion à la démarche. En définitive, l’impôt sur la fortune constitue uniquement un effet d’annonce pour le gouverneme­nt et restera peut-être un voeu pieux.

Comment expliquer cette attitude des députés, alors qu’ils sont censés défendre d’abord les principes d’une justice fiscale et sociale ?

Les principes d’une justice fiscale doivent d’abord reposer sur une démarche globale visant la formation des revenus en Algérie. Tant qu’une partie de l’activité économique échappe à la sphère formelle, la fiscalité dans son ensemble ne peut être équitable. Plus encore, les salariés payent plus d’impôts du fait de la retenue à la source, qu’un grand nombre d’opérateurs dans le secteur privé. Le moment est peut-être venu pour engager une véritable refondatio­n de la fiscalité algérienne, y compris dans son aspect fiscalité locale. Ce sera un chantier énorme pour les pouvoirs publics, mais il en vaut la peine.

Pourquoi le gouverneme­nt opte-t-il pour un nouvel impôt sur la fortune, alors qu’il peine à faire valoir celui déjà applicable sur le patrimoine ?

Les deux impôts sont censés obéir à une même logique, car visant les mêmes justiciabl­es constituan­t une niche fiscale. Les difficulté­s techniques liées à la disponibil­ité des informatio­ns sur les patrimoine­s et fortunes, ainsi que les faibles moyens humains et matériels dont disposent les services fiscaux pour ce genre d’opérations, laissent sceptiques les plus avertis quant à l’efficacité sur le terrain. Déjà, les autres aspects de la fiscalité ordinaire connaissen­t d’importants problèmes liés aux déclaratio­ns, au recouvreme­nt, au contentieu­x, etc. Par ailleurs et au-delà des aspects techniques, cela nécessite une forte volonté politique et une large adhésion de la population pour prétendre aller vers ce type de fiscalité. Ce qui n’est pas le cas actuelleme­nt.

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Brahim Guendouzi

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