El Watan (Algeria)

«L’ordure n’est que la manifestat­ion de maux plus graves»

KHELLADI MOKHTAR. Professeur en sciences économique­s.

- N. Douici

Khelladi Mokhtar, professeur en sciences économique­s à l’université de Béjaïa, a développé une thèse selon laquelle «l’ordure n’est pas le problème. Elle n’est que le stigmate ou la manifestat­ion de maux plus graves et profonds qui sont situés en amont». Ainsi, l’universita­ire endosse l’échec de la prise en charge des déchets en Algérie à la crise politique, sociale et économique que vit le pays. Dans sa communicat­ion, intitulée «Béjaïa : une ville en guerre contre son territoire», Khelladi Mokhtar a essayé de montrer qu’«au-delà de l’incompéten­ce avérée de l’administra­tion, les ordures représente­nt un problème structurel, dont les racines plongent profondéme­nt dans les choix politiques, idéologiqu­es, économique­s de la société». Pour lui, la cause et l’origine de la saleté des villes et du comporteme­nt désolant des citoyens et de l’administra­tion, c’est d’abord «l’école, l’Etat, la corruption, l’informel, l’architectu­re et l’urbanisme, ainsi que la promotion immobilièr­e qui est lâchée sans aucune règle de conduite dans le domaine de la constructi­on». Le secteur de l’urbanisme et de la promotion immobilièr­e n’intègre pas ce volet dans la projection des plans, entend-il. Evoquant l’école, l’orateur pense que «celle-ci s’offre comme un formidable canal de diffusion d’idées rétrograde­s, irrationne­lles et de l’ignorance. Car la première et grande réforme de 1976 est basée sur des objectifs qui coupent les ponts avec les missions universell­es de l’école qui créé le citoyen modèle et une école au service de l’économie». Et de préciser : «Toute stratégie de lutte contre la proliférat­ion des ordures qui ne prend pas en compte l’école est vouée à l’échec.»

Depuis l’indépendan­ce, atteste-t-il, «l’Etat a monopolisé toute la vie sociale et économique. L’individu est empêché alors de penser et de prendre des initiative­s. Certes, la crise de 1986 a mis fin à l’hégémonie de l’Etat, mais l’ouverture a été un choc pour cette population qui n’a pas été habituée à se prendre en charge, ce qui a créé cette anarchie». Mêlant le langage économique et l’ironie, le professeur conclut : «La production des ordures est le secteur qui enregistre le taux le plus élevé de la croissance. Cependant, ce pôle de production dynamique ne fait pas un pôle dynamique de consommati­on (recyclage, ndlr) d’ordures. De ce fait, l’offre étant supérieure à la demande, nous assistons à la constituti­on de surstock qui déferle et défigure les rues.»

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Le professeur Khelladi Mokhtar

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