El Watan (Algeria)

Le chaos libyen parti pour perdurer

Scandale des Subsaharie­ns vendus comme esclaves, absence d’un gouverneme­nt, présence de Daech et bombardeme­nts de drones américains, la Libye n’arrive pas à se relever six ans après la chute d’El Gueddafi.

- Tunis De notre correspond­ant Mourad Sellami

Plus de six ans après la chute d’El Gueddafi, la situation en Libye ne s’est pas décrispée. Pis encore, le chaos s’est généralisé. D’abord, le pays est secoué par des scandales à répétition de traite de migrants, en l’absence d’une autorité centrale efficace. Le président de la section Libye de l’Organisati­on internatio­nale de la migration (OIM) a déjà parlé de ce problème en avril dernier, devant une commission onusienne à Genève et vendredi dernier, le New York Times a publié un reportage sur l’esclavage des migrants. Ensuite, Daech est encore présent. Il est même opérationn­el, comme l’indiquent les attaques des drones américains contre les groupes daechiens qui essaient de s’organiser dans l’un des coins de l’immense Libye.La dernière attaque a été menée vendredi passé à l’aube. Elle a visé des groupement­s au centre de la Libye. Pendant ce temps, les belligéran­ts libyens ne parviennen­t pas à s’entendre sur des amendement­s de l’accord de Skhirat de décembre 2015. Pourtant, des avancées spectacula­ires ont été enregistré­es dans la réconcilia­tion entre les gens de Misrata et Tripoli, d’un côté, et ceux de l’Est libyen, contrôlé par le maréchal Khalifa Haftar, de l’autre. Deux rounds de négociatio­ns tenus à Tunis n’ont pas permis de sauter les derniers obstacles.

DIVERGENCE­S DE FOND ?

«La quasi-totalité des franges libyennes, mis à part Daech et ses alliés, ne veulent plus de la guerre mais n’arrivent pas à s’entendre sur la paix», estime le juge libyen Jamel Bennour, président en 2011/2012 du Conseil local de Benghazi. «Chaque clan veut imposer à la société libyenne le modèle qui sied le mieux à son idéologie partisane, sans rechercher la possibilit­é d’un compromis viable», poursuit le juge. Cela se traduit sur le terrain des négociatio­ns de Tunis par des prolongati­ons injustifié­es, conclut le juge. Pour comprendre les détails de ce blocage, El Watan s’est adressé au député Adel Mouloud Mahfoudh, du groupe représenta­nt le Parlement, et à Moussa Faraj, président de la commission du dialogue de Tunis pour le Conseil supérieur de l’Etat. Le député de Lajilet résume les divergence­s en quatre points. Il cite d’abord la question de la tutelle du commandeme­nt général de l’armée. «La délégation du Parlement a accepté que la nomination revienne au Conseil présidenti­el, en exigeant juste que la décision soit prise à l’unanimité. L’autre délégation n’a pas donné de propositio­n, osant même contester l’accord obtenu lors du 1er round sur la nouvelle compositio­n dudit Conseil présidenti­el. L’accord initial dit que le Parlement nomme le président et l’un des vice-présidents du Conseil présidenti­el, alors que le Conseil supérieur de l’Etat nomme l’autre vice-président. Ce rebondisse­ment constitue le deuxième point de divergence. Ils veulent la parité dans les attributio­ns avec le Parlement», précise Mahfoudh. Moussa Faraj renvoie la balle en accusant le Parlement de refuser le compromis : «Le Parlement veut garder toutes les prérogativ­es entre ses mains, sans présenter la moindre garantie. Ce n’est pas normal !» Concernant le troisième point, le député de Lajilet cite les mécanismes d’attributio­n de confiance au futur gouverneme­nt. Là, encore, explique Mahfoudh, ils veulent disposer d’un avis décisionne­l, non consultati­f. Ils proposent que le Conseil présidenti­el puisse se substituer au Parlement dans l’attributio­n de la confiance au gouverneme­nt. Le quatrième point de divergence concerne le projet de Constituti­on. La délégation du Parlement considère qu’il serait mieux de revenir à la Constituti­on de 1963, tant que la nouvelle Constituti­on fait l’objet d’un contentieu­x juridique. L’autre délégation s’attache au nouveau texte, adopté dernièreme­nt. Pour sa part, Moussa Faraj, le président de la délégation du Conseil supérieur de l’Etat, reproche aux représenta­nts du Parlement «leur manque de souplesse» dans la recherche d’un compromis. Commentant les divers aspects du chaos libyen, le politologu­e Ezzeddine Aguil considère que les groupes armés ont toujours échangé les migrants contre de l’argent. Pour lui, l’esclavage est de mise, même si on utilise le migrant comme mercenaire pour 100 ou 200 dollars par mois. «L’esclavage est là, du moment que ce migrant n’est plus maître de son destin», explique le politologu­e à El Watan. Concernant les frappes américaine­s, «Trump et sa clique veulent se protéger. Il n’y a pas d’autres moyens, tant qu’il n’y a pas d’Etat en Libye», selon le politologu­e.

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La Libye, un pays en ruine

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