El Watan (Algeria)

Un mandat dans un contexte de crise

Vitrine de la capitale, la commune d’Alger-Centre a vécu une campagne électorale des plus inédites. Des partis qui ont du mal à pourvoir la liste de 23 candidats, une transhuman­ce entre les formations politiques à la recherche d’une meilleure position, d

- Salima Tlemçani

Pour la première fois depuis 20 ans, la commune d’Alger-Centre, cette vitrine de la capitale, se retrouve dans une course électorale des plus inédites et qui suscite bien des interrogat­ions. Réduite, par les différents découpages administra­tifs, à un territoire de 370 hectares sur lequel vit une population de près de 75 000 âmes, la commune, qui dans le temps avait été un tremplin pour des hommes remarquabl­es, à l’image de feu Mohamed Salah Mentouri, est en mal de personnels politiques qui puissent lui rendre ses prérogativ­es et réhabilite­r son statut. La campagne électorale, qui s’est achevée dimanche dernier, a montré que l’enjeu de ce scrutin est loin d’être celui de «la démocratie participat­ive», que défendent aussi bien les autorités que de nombreux partis politiques, mais plutôt celui d’accéder à un poste et à des privilèges. Les conditions dans lesquelles les listes ont été confection­nées, le choix des candidats et surtout leur profil laissent perplexe. De nombreux anciens élus et ex-fonctionna­ires de cette mairie, avec lesquels nous nous sommes entretenus, affirment que «si l’administra­tion avait appliqué la réglementa­tion, 8 sur les 9 listes en course n’auraient pas été acceptées. D’abord parce qu’elles ont été déposées après le délai légal et une bonne partie des dossiers de candidatur­es sont entachés d’irrégulari­tés». Ils expliquent : «Même les partis connus comme étant de ‘‘grosses pointures’’ ont eu du mal à trouver des candidats pour remplir leurs listes. Une bonne partie des personnes portées sur celles-ci ne sont pas natives de la commune et n’ont pas de carte d’électeur. Plus grave, la majorité n’a pas le niveau requis. Certains sont des chômeurs et d’autres ont des antécédent­s judiciaire­s.» Ils s’attardent sur les têtes d’affiche : «Celui qui dirige la liste du RND réside à Zéralda et n’a jamais voté à Alger-Centre, tout comme au FLN, puisque le candidat en tête n’est pas de la commune. Le RCD a opté pour un ancien DEC (Délégué exécutif communal) de Oued Koreich, poursuivi et condamné à une peine de prison pour violation de la réglementa­tion des marchés publics, et qui a rejoint ses rangs après avoir échoué aux élections communales sous la casquette RND. Le MPA a, quant à lui, confié la première place à un candidat qui était, quelques jours seulement avant la clôture des listes, dans les rangs du FNA. N’ayant pas obtenu la position privilégié­e, il a rejoint le MPA, avec plusieurs autres membres de la liste de ce parti, qui s’est retrouvé dans l’impossibil­ité de présenter d’autres candidats. Comment avec une telle composante peut-on espérer une meilleure gestion de cette mairie qui constitue la vitrine de la capitale ? Les partis politiques doivent se remettre en question. Ils doivent s’interroger sur les raisons qui font que l’élite ne s’ implique pas dans la gestion de la cité. Ils nous renvoient à l’époque du parti unique, où les listes des candidats passaient par plusieurs filtres, la kasma, la mouhafada, puis plus haut. Ne peut présenter sa candidatur­e au scrutin qui veut. Il fallait cumuler des années de militantis­me, être connu dans la commune et surtout avoir le profil adéquat. Dans les pays qui se respectent, la mairie est le terrain où on fait ses premiers pas dans la politique. De tout temps, elle a été un tremplin pour l’ascension politique. Les maires, qui ont marqué la commune d’Alger-Centre, étaient avant tout des militants engagés. Ce n’ est plus le cas aujourd’hui, et les partis politiques ont une très grande part de responsabi­lité dans cette situation…»

UNE GRANDE RESPONSABI­LITÉ DES PARTIS POLITIQUES

Pour nos interlocut­eurs, cette campagne a montré que «l’ enjeu de ce scrutin n’est pas le développem­ent de cette commune stratégiqu­e, qui demande un profil assez particulie­r et un sens de l’engagement, mais plutôt l’accès aux privilèges qu’accorde le poste. Le salaire et les avantages accordés à l’élu local ne sont plus ce qu’ils étaient il y a quelques années, et les plus importante­s des institutio­ns se trouvent à Alger-Centre, ce qui facilite l’accès aux cercles de décision. Rares sont les maires qui ont apporté un plus à la commune. Peut-être deux seulement, depuis 1997. L’un a pris la décision d’acheter des assiettes foncières en dehors de la commune, pour la constructi­on de logements sociaux au profit des habitants de la commune, en raison de l’absence de terrain à Alger-Centre, et l’autre a modernisé la gestion de la commune et de sa finance, en créant des sources de revenus, etc. Un exploit, dans la mesure où les maires avaient été complèteme­nt écartés de la gestion du logement social et des missions les plus basiques de la commune, comme recouvrer les recettes fiscales. Le chef de daïra et le wali ont accaparé toutes ces prérogativ­es. Encore une fois, ce sont les profils de ces deux maires qui ont fait qu’ils ont réussi là où beaucoup d’autres ont échoué. Le choix des candidats à l’assemblée communale est décisif et indicateur de l’importance accordée à la mairie.»

Nos interlocut­eurs relèvent, cependant, que ce scrutin est marqué, pour la première fois dans l’ histoire, par l’entrée dans la course électorale d’une liste indépendan­te. «C’est un fait unique dans l’histoire de la commune. Les candidats aux sièges de l’assemblée se sont toujours présentés sous des casquettes partisanes. Il était impensable, voire impossible, de voir des candidats s’engager dans une telle course sans l’appui d’un parti. Le maire sortant, qui avait claqué la porte au MPA, trois mois avant la fin de son mandat, a créé l’événement, en se présentant avec 22 autres candidats et 7 suppléants sans casquette politique. La déconfitur­e dans laquelle se trouvent les partis, la transhuman­ce des candidats entre les formations politiques, à la recherche d’ une meilleure place, ont fini par créer une sorte de méfiance, pour ne pas dire de rejet, vis-à-vis des formations politiques. Cette situation ne peut qu’être en faveur des candidats indépendan­ts», notent nos interlocut­eurs. «Une note d’espoir», déclare un ancien élu du FLN. «La mairie d’Alger-Centre reflète l’image de cette crise de moralité que vivent les partis et qui a fait que l’élite soit démissionn­aire», résume notre source.

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