El Watan (Algeria)

«Le chemin de la lutte est encore long»

Les Algériens se réconcilie­nt, petit à petit, avec leur histoire, avec leurs ancêtres, avec leur miroir… «Gloire à Da L’Mouloud, l’apôtre de cette renaissanc­e de la nouvelle Algérie», écrit l’écrivain Amin Zaoui, dans un message posté sur sa page Faceboo

- Madjid Makedhi

La consécrati­on de la journée du 12 janvier comme Nouvel An berbère (Yennayer) a été saluée comme une victoire de la lutte pour la reconnaiss­ance de l’identité amazighe de l’Algérie. Réagissant à la décision annoncée, mercredi dernier, en Conseil des ministres, des militants de la cause amazighe et des intellectu­els se félicitent de «cet acquis et rappellent que le chemin est encore long pour la réconcilia­tion du pays avec son histoire». «Yennayer, fête nationale officielle pour tous les Algériens. Enfin les Algériens se réconcilie­nt, petit à petit, avec leur histoire, avec leurs ancêtres, avec leur miroir… Gloire à Da L’Mouloud, l’apôtre de cette renaissanc­e de la nouvelle Algérie», écrit l’écrivain Amin Zaoui dans un message posté sur sa page Facebook. Et d’ajouter : «Le chemin qui monte vers Lalla Dihya Kahena, Juba 2, Apulée, Massinissa et les autres… est encore long. Mais le pied est déjà dans l’étrier !»

Un des initiateur­s du dernier appel pour que Yennayer soit consacré fête nationale, l’écrivain et militant du MCB, Brahim Tazaghart, qualifie cette décision d’«intelligen­te» et de «sage». «Le président de la République vient de consacrer aujourd’hui, 27 décembre 2017, Yennayer comme fête nationale chômée et payée. Cette décision intelligen­te et lucide, pour laquelle se sont battues plusieurs génération­s de militantes et de militants, met l’Algérie en phase avec sa profondeur historique et civilisati­onnelle», souligne-t-il, dans un texte publié sur sa page Facebook. Pour lui, cette décision «vient, en ces moments de doutes et de crises multiples, renforcer la cohésion de notre nation en agissant sur les malentendu­s identitair­es inutiles, fruits d’une gouvernanc­e qui a toujours manqué de clairvoyan­ce et d’anticipati­on». «Intervenan­t à l’occasion du 60e anniversai­re de l’assassinat politique de Abane Ramdane, cette décision résonne comme un hommage à ce grand théoricien de la Révolution d’un côté, et semble vouloir le replacer comme figure matrice du nationalis­me algérien d’un autre côté», ajoute Brahim Tazaghart. Rappelant un des principes du Congrès de la Soummam qui stipule que «la Révolution algérienne n’est inféodée ni à l’Orient ni à l’Occident», l’écrivain précise que cette devise «prend toute sa significat­ion avec l’officialis­ation de cette fête autochtone, authentiqu­ement amazighe». Mais, affirme-t-il, «la lutte pour tamazight, pour la démocratie, pour une Algérie heureuse continue, et chaque étape a ses exigences et ses sacrifices».

UNE VICTOIRE CONTRE «L’OBSCURANTI­SME BAÂTHISTE»

Ayant multiplié les appels pour la reconnaiss­ance effective de la langue amazighe, le député du Front El Moustakbal, Khaled Tazaghart, a jubilé en apprenant la nouvelle. «Je le dis haut et fort, je suis fier de mon pays, je suis très heureux de la décision de promulgati­on du décret présidenti­el consacrant Amenzu n’Yennayer (1er jour de l’an berbère) comme journée chômée et payée et une fête nationale (…). C’est une décision historique et courageuse de la part du président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Pour moi, c’est irréversib­le. La dictature et l’obscuranti­sme baâthiste et arabiste qui nous agressent chaque jour par la terminolog­ie raciste de la oumma arabiya, engendrent des haines dans la société et menacent la cohésion nationale», indique-t-il. Le député rend ainsi hommage «à tous les militants de la cause amazighe qui se sont sacrifiés pour que la langue et l’histoire de Tamazgha (Afrique du Nord) triomphent».

La députée du Parti des travailleu­rs (PT), Nadia Chouitem, qui a introduit le fameux amendement dans le projet de loi de finances 2018, dont le rejet à l’APN a suscité une grandiose mobilisati­on, ne cache pas sa satisfacti­on. «Victoire ! Yennayer fête nationale, académie de tamazight et pas vers la généralisa­tion de l’enseigneme­nt de tamazight. Vive la lutte !», lance-t-elle dans un post sur Facebook.

Le député du RCD, Atmane Mazouz, reprend aussi l’informatio­n concernant Yennayer en précisant qu’«on attend toujours l’officialis­ation effective de tamazight». L’écrivain et éditeur Lazhari Labter affirme que «cette consécrati­on n’est pas un cadeau offert par le pouvoir en place, mais la résultante d’un long combat du peuple algérien et notamment de ses franges les plus éclairées, plus particuliè­rement en Kabylie, depuis l’indépendan­ce du pays pour le recouvreme­nt de l’une des plus importante­s composante­s historique­s de son identité». «La lutte est encore longue et il reste beaucoup à faire, notamment la reconnaiss­ance pleine et entière de tamazight comme langue nationale et officielle, enseignée dans toutes les écoles et utilisée dans les textes officiels, les institutio­ns de la République et dans le Journal officiel», explique-t-il.

Le journalist­e et écrivain Kamel Daoud n’a pas manqué de rendre hommage à ceux qui ont lutté pour la cause amazighe. «Yennayer, jour de fête, désormais journée chômée et payée. Parce que certains n’ont pas chômé le long des décennies, et qu’ils l’ont payé de leur vie. Décision à saluer, sur le long chemin de la guérison de nos racines, en attendant nos récoltes», note-t-il.

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Des appels et des marches ont été multipliés par les militants de la cause amazighe

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