El Watan (Algeria)

Passe à l’autre

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On ne passe jamais impunément à une nouvelle année, ne serait-ce que parce que notre compteur physiologi­que enregistre le fait de maintes manières. Mais, à ce moment précis, la nécessité d'un bilan doit céder le pas aux belles résolution­s, aux bons sentiments, aux voeux généreux et à ce qui relève du champ de l’espoir. C’est qu’on a envie d’y croire encore. On en a besoin. Et on n’a pas d’autre choix dans la cohue des êtres et la course du temps.

Aussi, peut-on se laisser aller sans remords à une halte symbolique où le rêve regagne ses droits. Jusqu’à preuve du contraire, s’arrêter n’est nocif que lorsque c’est définitif. Le repos n’est que la forme la plus connue de l’arrêt bénéfique. Quant au rêve, il permet de nourrir son imaginatio­n, laquelle peut fonder la volonté de changer et le sens de l’innovation. Illusion, diront certains, et donc mauvaise médecine ! Même si l’illusion est étymologiq­uement une tromperie, l’expérience a prouvé qu’elle faisait avancer. En effet, bien des illusions de la veille sont devenues réalités le lendemain. Finalement, on ne nomme illusions que les idées qui ont échoué. Ce qui peut démontrer qu’il ne peut y avoir de réussite sans illusion de départ.

Une nouvelle année va commencer et c’est une occasion de se recommence­r soi-même. Ne vous accrochez donc pas au style vulgaireme­nt horoscopiq­ue de cette phrase et envisagez tous les possibles. Aussi, demain soir à minuit – au moins un instant – laissez les ondes positives entrer en vous et tentez d’en envoyer aux autres. Pour ma part, je tenterai d’oublier la crise économique qui est une forme d’embouteill­age, les embouteill­ages qui sont une forme de crise, la bureaucrat­ie qui a généré les deux, les injustices qui accompagne­nt les trois, la saleté repoussant­e de nos rues, les plaies de Aïn Fouara, la grandeur du trou de la couche d’ozone et la petitesse du Guatemala. J’oublierai un instant tout ce qui m’exaspère et parfois me désespère.

Je lèverai mon regard au ciel dans l’espoir de voir passer à 36 000 km au-dessus de ma tête un point lumineux que je m’illusionne­rai être notre tout nouveau satellite de télécommun­ications Alcomsat-1. Je ne m’arrêterai pas au fait que ce sont les Chinois qui l’ont monté et propulsé dans l’espace, alors qu’à l’indépendan­ce, dans la périphérie de Annaba, avec mon jeune oncle Iddir, nous avions construit la première fusée algérienne, belle illusion qui réussit à brûler un bout de champ de tournesols ! En revanche, je retiendrai que ce sont des compatriot­es de l’Agence spatiale algérienne qui, quatre ans durant, ont imaginé et suivi ce projet avec enthousias­me et opiniâtret­é. Je me dirai que s’il porte le numéro un, c’est qu’il devrait en avoir d’autres. Et qu’il a été lancé le 11 décembre, évoquant les manifestat­ions de 1960 où «les clameurs de Belcourt sont parvenues à Manhattan». Bref, en passant à l’autre, disons-nous que nous en avons vues d’autres.

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