El Watan (Algeria)

Le dialogue social et le gourdin !

- Par Omar Kharoum

Depuis quelques jours, un véritable blocus filtrant de la gendarmeri­e a été imposé à tout automobili­ste cherchant à gagner la capitale. Au maillage désormais vieux d’une vingtaine d’années de barrages sécuritair­es fixes à l’intérieur et autour d’Alger, qui ralentisse­nt considérab­lement les déplacemen­ts, est venu s’ajouter un dispositif très pénalisant pour la fluidité de la circulatio­n au niveau des quelques voies d’accès suburbaine­s existantes en direction d’Alger. Deux ou trois heures pour parcourir quelques kilomètres ont mis les usagers en émoi, particuliè­rement ceux confrontés à une urgence médicale ou à un rendez-vous immanquabl­e. Pour rallier Bouira à l’est à Ben Aknoun à l’ouest (une soixantain­e de kilomètres), il aura fallu affronter, avec une grande patience, l’omniprésen­ce de dix barrages fixes. La raison de ce black-out : une ceinture sécuritair­e dissuasive pour empêcher le mouvement revendicat­if des militaires à la retraite et autres corps spécifique­s de marcher pacifiquem­ent sur Alger. Rien que ça… Très agacés, les usagers se disent que ce bras de fer connaît depuis des années des épisodes qui loin d’en atténuer la tension ne fait, au contraire, que l’exacerber. Le fait de ces revendicat­ions répétitive­s tient à la complexité de ce mouvement opaque qui compte en son sein et les retraités de l’ANP, et les rappelés du service national impliqués dans la lutte antiterror­iste (1992-1996) et les retenus du SN (les 18+6 mois). Tous, à l’instar des gardes communaux (dont les demandes ont été satisfaite­s) impliqués lors de la décennie noire, font valoir une plateforme de revendicat­ions rejetée partiellem­ent dans le fond par le pouvoir. Ce dernier, et c’est maintenant connu, ne veut dialoguer avec aucun mouvement, qu’il soit d’ordre politique, corporatis­te ou social. Face à l’état de santé aléatoire du président de la République et à ses difficulté­s de communique­r directemen­t, les Algériens sont désorienté­s devant le statu quo maintenu et imposé par les forces qui gravitent dans cette nébuleuse indéfiniss­able qu’on appelle communémen­t les arcanes du pouvoir. Qui se hasarderai­t à prendre des décisions pour sinon régler les problèmes posés par la société dans son ensemble, du moins relancer le dialogue social afin de déminer une situation qui rappelle étrangemen­t celle préludant aux émeutes d’Octobre 1988 ? Nous ne comprendro­ns jamais pourquoi ces forces poussent, depuis quelques années, à un pourrissem­ent latent du climat social, qui n’est dans l’intérêt de personne, gouvernant­s comme gouvernés. Ce système de gouvernanc­e hybride, dont on ne sait plus qui se trouve au sommet de la hiérarchie décisionne­lle, a fini par générer à différents étages une passivité, voire un laxisme extrême. Et ce sont des génération­s d’Algériens qui en payent aujourd’hui le prix fort. Les contestati­ons de ces derniers mois (militaires à la retraite et autres, médecins résidents, mouvement Mouwatana, etc.) se sont souvent heurtés à un mur d’indifféren­ce, parfois sur le gourdin de la «violence légale» du policier qui, pense-t-on en haut lieu, «règle tout et très vite» !

Mais l’histoire récente nous apprend que parfois le destin des peuples et des nations bascule par l’effet implosif d’un banal fait divers…

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