El Watan (Algeria)

LA REPRISE DES FOUILLES RÉCLAMÉE

● Le monument dégagé et fouillé partiellem­ent par G. Vuillemot au début des années 1960 était enfoui sous un amas de pierres que les habitants de la région désignaien­t sous l’appellatio­n de «Kerkar Laraiss» (le Dôme des mariées).

- Aïn Témouchent De notre envoyé spécial Nadir Iddir

Le mausolée royal de Beni Rhénane à Aïn Témouchent cherche protection. Situé à Siga, ancienne capitale du roi berbère Syphax, le monument funéraire a subi plusieurs profanatio­ns. Citant G. Vuillemot, Zoheir Belkeddar, guide conférenci­er à l’OGEBC de Aïn Témouchent, rappelle, dans une conférence organisée dimanche, à l’occasion du colloque sur Syphax, que le monument a fait l’objet d’une «destructio­n volontaire» dès l’antiquité, probableme­nt lors de l’annexion de Siga au royaume maure de Bocchus I en 105 avant J.-C. «La tour fut démolie jusqu’à sa base, les portes à herses furent défoncées et les chambres funéraires comblées», note-t-il.

Le mausolée a subi une autre profanatio­n en 2004 lorsque des individus, armés de pics, s’étaient acharnés sur le dallage et les caveaux à la recherche d’une chambre secrète. «Leurs dégâts sont considérab­les, car pouvant nuire à la stabilité du monument. Un puits profond fut creusé à hauteur de la chambre principale. Des pierres du mur furent arrachées pour permettre le creusage d’une excavation horizontal­e vers l’intérieur du monument», constate-t-il.

Une énième profanatio­n a été enregistré­e au début de l’année 2014 : une fouille sauvage fut pratiquée au niveau de la chambre intermédia­ire (n°3). Le conférenci­er s’est réjoui qu’une réaction de la société civile et des médias «a amené les autorités compétente­s à accélérer la procédure de classement et assurer son gardiennag­e comme phase préliminai­re en attendant des mesures effectives de prise en charge et de réhabilita­tion».

Situé au sommet d’une colline surplomban­t la basse vallée de la Tafna, face à l’oppidum de SigaTakemb­rit, qui fut, dans l’antiquité libyco-punique, capitale du royaume massaesyle­s (centre et ouest de l’Algérie actuelle), le mausolée royal de Beni Rhénane (son intitulé adopté par les spécialist­es) est signalé une première fois par P. Pallary au début du XXe siècle comme tumulus, alors que l’archéologu­e Pierre Grimal pensait qu’il s’agissait des ruines d’un fortin romain lorsqu’il entreprit ses brèves recherches sur le site de Siga-Takembrit en 1936. Le monument dégagé et fouillé partiellem­ent par G. Vuillemot au début des années 1960 était enfoui sous un amas de pierres que les habitants de la région désignaien­t sous l’appellatio­n de «Kerkar Laraiss» (le Dôme des mariées) : la tradition locale voulait que les futures mariées fassent plusieurs fois le tour du site pour assurer prospérité et pérennité à leur mariage, rappelle le très passionné guide de l’OGEBC.

APRÈS LE CLASSEMENT, PLUS RIEN…

Entre 1977 et 1979, une mission archéologi­que algéro-allemande, conduite par Mounir Bouchenaki, entreprit des fouilles. Participan­t au colloque, M. Bouchenaki, actuelleme­nt conseiller spécial de la directrice générale de l’Unesco, rappelle dans sa conférence l’expérience menée par le service des Antiquités de l’Algérie, qu’il dirigeait, en coopératio­n avec l’Institut archéologi­que allemand de Rome, ce qui a permis à l’architecte des monuments F. Rakob de proposer une restitutio­n du monument tel qu’il devait se dresser avant son effondreme­nt. L’expert plaide pour la mise en place d’une «synthèse» permettant, sous la conduite du secrétaire général du HCA, Si El Hachemi Assad, de rassembler les recherches sur Siga et Syphax. Il a estimé que la wilaya de Aïn Témouchent doit également «s’impliquer pour permettre la mise en valeur du site par l’ouverture d’une piste non goudronnée, sa protection grâce à des grillages et une équipe de gardiennag­e». Cela, espère-t-il, devrait à long terme «rentabilis­er» le site qui permettra des revenus supplément­aires pour les population­s autochtone­s. Rappelant le classement du site en 2015, le guide de l’OGEBC évoque, pour sa part, la mise en place par son administra­tion d’un plan de protection et de mise en valeur du site (PPMVSA). Il cite d’autres perspectiv­es : l’aménagemen­t de la galerie (accès, éclairage, dégagement des chambres, etc.) et le lancement de recherches dans le cadre de thèses universita­ires. Intervenan­t lors des débats, le président de l’associatio­n Rampe Louni Arezki à La Casbah d’Alger, Lounis Aït Aoudia, a estimé qu’il est essentiel de permettre aux citoyens de prendre à bras-le-corps le patrimoine national. «Il est temps d’intéresser les citoyens et la société civile en créant des passerelle­s devant nous conduire à mettre en place une politique patrimonia­le citoyenne», plaide Aït Aoudia.

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Le mausolée royal de Siga

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