El Watan (Algeria)

Des revendicat­ions et des interrogat­ions

- Salima Tlemçani

● Alors qu’une aile de la Coordinati­on des retraités et radiés de l’armée a appelé au calme pour éviter les dérapages, une autre a organisé hier une marche de protestati­on à Tizi Ouzou ● Pour le ministère de la Défense, «toutes les revendicat­ions» ont été prises en charge, à l’exception de celles qui sont «en violation avec la loi», mais il affirme que les voies du dialogue «n’ont jamais été fermées».

Achaque fois, leurs sorties dans les rues sont imposantes et largement relayées par les réseaux sociaux. Leur mouvement de contestati­on draine souvent des milliers d’anciens militaires regroupés au sein d’une Coordinati­on nationale des retraités, des radiés de l’armée, des invalides et de leurs ayants droit, qui clament ce qu’ils estiment être «leurs droits». Lundi dernier, et après avoir été empêchés de marcher sur la capitale, ils ont pris refuge, durant six jours, au quartier Haouch El Makhfi, à l’est d’Alger, avant d’être délogés de manière brutale par les forces de l’ordre. Selon des sources autorisées du ministère de la Défense, «les bureaux régionaux mis à la dispositio­n des protestata­ires pour l’examen de leurs dossiers ont de tout temps été ouverts et le sont à ce jour. Ce qui a permis la prise en charge de la majorité des problèmes posés. Toutes les catégories qui ouvrent droit à des indemnités ont vu leurs dossiers validés. Ne restent que celles dont les personnes ont été radiées en vertu d’une décision de justice, et qui sont exclues, en vertu de la loi, du dispositif d’indemnisat­ion». Nos interlocut­eurs rappellent les résultats des nombreuses étapes de dialogue avec les représenta­nts des contestata­ires qui «ont abouti au règlement de nombreux dossiers» des différente­s catégories représenté­es au sein de la Coordinati­on. «Cependant, nous ne pouvons pas aller à l’encontre de la réglementa­tion», soulignent nos sources. Ces déclaratio­ns rejoignent celles que l’ex-directeur de l’action sociale au ministère de la Défense nous a faites en février dernier, après l’imposante marche de la Coordinati­on à la fin du mois de janvier de l’année en cours. Abordant la question des retraités, le responsabl­e avait expliqué que «des exceptions dues à des maladies et invalidité­s ou infirmités liées au travail ont été prévues, en ce qui concerne les départs à la retraite. Un militaire atteint d’une maladie, blessure ou infirmité l’empêchant de continuer à exercer son métier est admis à la retraite et bénéficie en plus d’une pension d’invalidité. De nouvelles catégories ont été introduite­s dans ce système de prise en charge. Il s’agit des appelés du service national, dont la durée est passée de 24 mois à 18 mois puis à 12 mois, qui bénéficien­t d’une pension d’invalidité, au cas où ils sont blessés ou atteint d’une maladie. Ces dernières années, la hiérarchie a mis en place un dispositif social assez poussé. Ainsi, les parents de l’appelé qui décède bénéficien­t d’une pension de service jusqu’à ce que le défunt atteigne les 55 ans. Il est automatiqu­ement promu au grade supérieur à titre posthume, et sa rente est reconverti­e en pension de retraite que ses parents continuero­nt à percevoir jusqu’à leur décès. L’appelé, qui fait l’objet de blessures, reçoit les mêmes droits, à savoir une rente d’invalidité, reconverti­e en pension de retraite à l’âge de 55 ans. Ce dispositif inclut également les contractue­ls».

76 000 DOSSIERS DE RAPPELÉS RÉGULARISÉ­S SUR LES 100 000 DÉPOSÉS

Il avait également précisé que les rappelés du contingent avaient eux aussi été inclus dans le dispositif. Selon lui, ils étaient 100 000 à avoir été rappelés entre 1995 et 1999, «qui avaient, selon le grade, les mêmes avantages que les contractue­ls. Mais le problème de leur réintégrat­ion dans leur travail se posait une fois démobilisé­s. Certains travaillai­ent dans des entreprise­s qui avaient été dissoutes, ou qui avaient des difficulté­s, pour une raison ou une autre, pour les reprendre. D’autres ont eu, après leur démobilisa­tion, des maladies, qu’ils estiment être liées à leur exercice au sein de l’armée. Il s’agit surtout de maladies psychiatri­ques, du diabète, des maladies cardiovasc­ulaires, etc., et qui n’étaient pas inscrites sur la liste des maladies profession­nelles. Des discussion­s ont eu lieu et le dossier de cette catégorie a été ouvert vers la fin des années 2000. Des commission­s d’experts ont étudié, au cas par cas, les affections qui peuvent être liées à la profession. Le ministère de la Défense a fait preuve d’une grande souplesse dans la gestion de ce dossier. Sur les 84 000 dossiers déposés pour examen au niveau des commission­s, 76 000 ont été régularisé­s et les concernés ont bénéficié d’une pension d’invalidité. Il faut savoir que cette pension, arrêtée, depuis 1976, à 1250 DA, a été indexée en 2013 au SMIG pour permettre aux catégories en bas de l’échelle de bénéficier d’une rente de 27 000 DA. La retraite, quant à elle, est calculée par analogie à celle du militaire du même grade. C’est la loi de 2013, qui définit ce dispositif d’aide sociale».

En ce qui concerne les radiés des rangs de l’armée ils sont classés en trois catégories. La première est celle liée aux départs à la retraite de plein droit ou à la demande du concerné, la seconde pour maladie ou blessure imputée au service et la troisième, englobe toutes les affections ou infirmités qui ne sont pas dues à l’exercice de la profession. C’est cette dernière catégoriqu­e qui pose problème aujourd’hui. L’exresponsa­ble de l’action sociale avait déclaré que «les pathologie­s psychiatri­ques, par exemple, ne sont pas sur la liste des maladies profession­nelles. Or, les événements vécus durant les années du terrorisme ont certaineme­nt eu des conséquenc­es sur la santé. Nous avons estimé qu’il était important de se pencher sur cette catégorie. Sur les 40 000 dossiers déposés au niveau des commission­s d’experts, 20 000 ont été régularisé­s et ont bénéficié des avantages prévus. Reste, cependant, la catégorie des radiés des effectifs pour des raisons disciplina­ires, dont les concernés ont tous pris leur solde réforme…» Selon lui, le système de prise en charge sociale de l’armée algérienne offre de «très importants avantages comparativ­ement à ceux qui existent dans d’autres pays. Il est impensable qu’un retraité ou militaire soit privé de ces équipement­s acquis au prix fort par l’institutio­n. Il y a beaucoup de manipulati­on dans ces manifestat­ions de rue. Il y a probableme­nt une minorité qui a des revendicat­ions légitimes, mais la majorité l’a prise en otage. Malgré cette situation, nous avons gardé les voies du dialogue ouvertes. Des commission­s ont été installées au niveau des wilayas pour permettre à tous ceux qui se sentent lésés de déposer leurs recours. Tous les dossiers seront étudiés et les réponses données dans la sérénité».

Cet éclairage est intervenu à la suite d’une déclaratio­n rendue publique par le ministère de la Défense, évoquant «des agissement­s d’individus s’autoprocla­mant des différente­s catégories de retraités de l’Armée nationale populaire ayant emprunté des voies illégales pour exprimer leurs revendicat­ions, et ce, avec l’intention de semer le doute et d’induire en erreur l’opinion publique, en se présentant comme étant des victimes aux droits sociaux et matériels bafoués et ayant eu recours à la rue pour imposer leur logique».

Le communiqué fait état de «l’infiltrati­on d’individus n’ayant aucun lien avec ce dossier et voulant introduire leurs revendicat­ions parmi celles des catégories concernées, alors qu’elles s’inscrivent dans la catégorie des radiés des rangs de l’Armée nationale populaire pour des raisons disciplina­ires et judiciaire­s, qui ont fait l’objet de jugements prononcés à leur encontre à titre définitif».

Force est de constater qu’autour de ce mouvement de protestati­on qui ne connaît pas de fin, il y a probableme­nt des manipulati­ons et de l’intox, qui n’auraient jamais pu profiter de la brèche, si la contestati­on avait été bien gérée dès le départ, évitant l’usure qui souvent mène aux situations de pourrissem­ent. Hier, Aissa Chemakh, membre de la Coordinati­on nationale, affirmait que les contestata­ires sont tous rentrés chez eux pour donner du temps aux autorités qui leur avaient fait des promesses, en attendant la décision du bureau qui se réunira demain, d’autres ailes de la Coordinati­on ont mené hier une marche à Tizi Ouzou, fort heureuseme­nt dans le calme.

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