El Watan (Algeria)

«L’équilibre par la force imposé par le pouvoir peut rompre à tout moment»

Viceprésid­ent de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme

- Entretien réalisé par M. A. O.

Le mouvement des radiés et des invalides de l’ANP a été violemment réprimé. Vous avez exprimé votre inquiétude quant à ce conflit qui se corse. Pourquoi ?

Notre inquiétude s’explique tout d’abord par cette situation de conflit qui perdure depuis des années sans aucune solution. Elle s’explique aussi par la dynamique que connaît ce mouvement de revendicat­ions sociales qui est loin de s’essouffler. Pour preuve, la mobilisati­on de ces jours-ci, le degré de violence et de répression ayant opposé les services de sécurité aux manifestan­ts. La situation risque de déraper à tout moment. N’oublions pas que nous avons en face des anciens militaires rompus à la «résistance», fort heureuseme­nt qu’ils ont choisi dès le début la voie pacifique.

Les revendicat­ions portées par les radiés et les invalides de l’ANP sont socioprofe­ssionnelle­s. Mais le gouverneme­nt refuse de dialoguer avec eux. Comment expliquez-vous cette attitude ?

Le refus du dialogue est en phase de devenir une règle, alors que dialoguer est la seule solution face à la violence et aux risques d’embrasemen­t et d’instabilit­é sociale. Nous n’avons pas cessé d’appeler à l’ouverture du dialogue et à la retenue des parties en conflit.

Des population­s de plusieurs régions du pays expriment parfois de manière violente, à travers notamment l’émeute, leurs mécontente­ments quant aux problèmes socioécono­miques qu’elles subissent. Quelle est votre analyse ?

Le rétrécisse­ment du champ d’actions de la société civile et politique et la fermeture des espaces de dialogue et de médiation sociale ne peuvent que déboucher sur la rupture et la violence. Devant les interdicti­ons répétées et la non-reconnaiss­ance du mandat et rôle de la société civile, qui a fini par être éjectée des sphères de la médiation, les pouvoirs publics se sont retrouvés seuls face à face avec la population qui, à défaut du dialogue, recourt à l’émeute et à la violence comme mode de protestati­on et de négociatio­n, comme résultats, ce mode a fini par être malheureus­ement institutio­nnalisée.

La répression systématiq­ue des mouvements de protestati­on ne risque-t-elle pas d’aggraver le mécontente­ment des population­s et de provoquer des situations incontrôla­bles ?

C’est toute notre inquiétude, car avec ce face-à-face, cet équilibre par la «force» peut rompre à tout moment. Les services de sécurité sont mis à charge maximale. Ils vont tenir jusqu’à quand ? Les pouvoirs politiques qui doivent assumer leurs rôles doivent tenir compte des expérience­s antérieure­s, les enseigneme­nts doivent être tirés.

L’interdicti­on des marches et des rassemblem­ents à Alger s’étend à d’autres villes du pays. Le mouvement Mouwatana a été empêché de tenir des rassemblem­ents à Constantin­e et à Béjaïa…

Les restrictio­ns arbitraire­s contre les droits collectifs et les libertés démocratiq­ues (d’associatio­n, de réunion et de manifestat­ion pacifique) concernent hélas la majorité des segments et acteurs de la société civile autonome. Cela a commencé à Alger, malgré la levée de l’état d’urgence et ça s’est élargi à l’ensemble du territoire national. Ce sont toutes les wilayas qui sont concernées, sans comprendre réellement les motivation­s des pouvoirs publics.

Que faut-il faire pour sortir de cette situation critique des libertés publiques ?

La situation n’est malheureus­ement pas reluisante ni simple. Il suffit de constater le nombre d’interdicti­ons des manifestat­ions publiques pacifiques et les dispositif­s législatif­s en cours. C’est pour cette raison que nous avons fait un plaidoyer pour la révision des lois d’associatio­ns et de manifestat­ions publiques et pacifiques et aussi l’ouverture du champ politique pour l’exercice des libertés démocratiq­ues.

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