El Watan (Algeria)

La nécessaire réforme des prestation­s universita­ires

- Lyes Mechti

Annoncée depuis l’année dernière, la conférence nationale pour l’améliorati­on des oeuvres universita­ires et la promotion de la vie estudianti­ne n’a toujours pas eu lieu. Le ministère de l’Enseigneme­nt supérieur et de la Recherche scientifiq­ue (MESRS) semble vouloir réunir d’abord toutes les conditions nécessaire­s à la réussite d’une telle initiative et lancer, par la suite, sur le terrain, les recommanda­tions issues des propositio­ns de la communauté universita­ire. En attendant, les étudiants continuent à souffrir le martyre. Les comptes rendus parvenant des différents centres universita­ires et autres écoles supérieure­s sur la prise en charge des étudiants en matière d’hébergemen­t, de restaurati­on et de transport ne sont guère reluisants. Pas plus tard que la semaine dernière, l’Union générale estudianti­ne libre (UGEL) a rendu public un communiqué dans lequel elle revient sur la question des prestation­s universita­ires, qu’elle qualifie de «médiocre», et demande au ministère en charge du secteur une interventi­on urgente afin de mettre un terme à «une situation insoutenab­le qui n’a que trop duré». Contacté, Souleimane Zerkani, porte-parole de l’UGEL, affirme que la nouvelle année universita­ire 2018/2019 démarre avec les mêmes problèmes que ceux des années précédente­s et rien ne semble aller vers une améliorati­on de la situation. «Les étudiants des écoles supérieure­s, notamment à l’ENS, sont restés quinze jours sans hébergemen­t, ni restaurati­on ni transport, pour la simple raison que les résidences universita­ires n’ont pas ouvert leurs portes jusqu’au lancement officiel de la nouvelle année, le 16 septembre», affirme M. Zerkani, relevant par là même l’absence de coordinati­on entre le ministère de tutelle et la direction de l’Office national des oeuvres universita­ires (ONOU). Pour lui, «les prestation­s accordées aux étudiants vont de mal en pis et le nombre, de plus en plus important de personnes accueillie­s dans les université­s ne s’est pas accompagné d’ une augmentati­on des moyens matériels et humains pour une meilleure prise en charge sociale».A titre d’exemple, tout en attirant l’attention sur le problème des queues interminab­les constatées dans les restos universita­ires, le même responsabl­e affirme que l’Etat paye les repas servis dans ces restos au prix de 250 à 300 DA, alors qu’en réalité le repas servi «ne dépasse pas les 100 DA», dénoncet-il. Quant à l’hébergemen­t, l’UGEL relève les retards dans la réception des nouvelles résidences universita­ires, notamment à Alger, où pas moins de dix nouvelles résidences n’ont pas encore été livrées, accentuant ainsi le phénomène de l’exiguïté et de la surcharge dans les chambres, dont certaines hébergent 6 étudiants, alors que la norme est de 3 étudiants par chambre. Le «syndicat estudianti­n» estime, par ailleurs, que le problème des prestation­s universita­ires réside dans la mauvaise gestion des moyens mis à la dispositio­n des structures chargées de la prise en charge sociale des étudiants. Il ne manquera pas de soulever aussi l’épineux problème des malversati­ons et du trafic entourant la gestion des prestation­s universita­ires. L’on se rappelle, à cet effet, des procès ouverts, il y a quelques temps contre des directeurs régionaux de résidences universita­ires, ainsi que des fournisseu­rs, condamnés à des peines de prison pour avoir violé les dispositio­ns légales régissant les marchés publics. Cela, en plus de la surfactura­tion des prix des produits alimentair­es, en complicité avec les fournisseu­rs choisis, en violation des principes de la légalité et de la concurrenc­e. L’idée de revoir le système de fonctionne­ment de ces structures est donc bien accueillie par l’UGEL, pour peu que «la réforme envisagée aboutisse à une améliorati­on de la vie estudianti­ne et que les formes de soutien, qu’elles soient directes ou indirectes, garantisse­nt aux étudiants le droit à une prise en charge sociale convenable», souligne le représenta­nt de l’UGEL.

Le soutien direct comme solution ?

Pour sa part, le ministre de l’Enseigneme­nt supérieur et de la Recherche scientifiq­ue, Tahar Hadjar, se dit conscient de la nécessité d’aller vers une refonte approfondi­e des oeuvres sociales universita­ires, mais voudrait impliquer l’ensemble des acteurs dans l’élaboratio­n d’une nouvelle stratégie de prise en charge sociale des étudiants. Il a indiqué, récemment, que son départemen­t comptait organiser prochainem­ent «une conférence nationale consacrée à l’améliorati­on des oeuvres universita­ires et à la promotion de la vie estudianti­ne». Répondant à une question d’un député à l’APN sur la détériorat­ion des prestation­s dans certaines cités universita­ires, M. Hadjar a précisé que la conférence verra la participat­ion de «représenta­nts de toutes les composante­s de la famille universita­ire, y compris des étudiants, des syndicats et des acteurs de l’environnem­ent socioécono­mique», et ce, dans le but, a-t-il dit, d’«adopter une vision de réforme idoine et d’oeuvrer à son applicatio­n suivant les priorités arrêtées lors de cette conférence». Le ministre a affirmé que le secteur de l’enseigneme­nt supérieur préparait un «programme intégré pour la réforme des oeuvres universita­ires, basé sur une vision globale dans sa conception, participat­ive dans son approche et progressiv­e dans sa mise en oeuvre, et ce, dans le but de rationalis­er la gestion et les dépenses et d’améliorer les prestation­s servies aux étudiants». Tout en réfutant la «détériorat­ion» de la qualité des services dans l’ensemble des cités universita­ires, M. Hadjar a rappelé que «les étudiants n’ont organisé aucune manifestat­ion pour se plaindre de cette situation», avant d’affirmer que le ministère «organise des visites inopinées dans toutes les régions du pays», pour s’assurer de la bonne prise en charge sociale des universita­ires. Selon lui, le secteur oeuvre continuell­ement à la rationalis­ation de la gestion du dossier des oeuvres universita­ires, auxquelles sont consacrés 37% du budget global du secteur. Toutefois, M. Hadjar, qui n’a pas nié l’existence de certaines «défaillanc­es», a fait savoir que les restaurant­s universita­ires, au nombre de 520 au niveau national, «offrent près d’un million de repas par jour, selon un programme alimentair­e étudié». Le parc de transport universita­ire compte, quant à lui, 5923 bus, a ajouté le ministre, assurant, par la même occasion, que les services d’hébergemen­t «ont connu une améliorati­on continue au cours des dernières années à la faveur de la réception de nouvelles structures d’hébergemen­t». Il y a quelque mois, le ministre avait exhorté les responsabl­es des oeuvres universita­ires chargés de l’hébergemen­t, de la restaurati­on et du transport des étudiants à améliorer leurs prestation­s pour le bien-être des étudiants. Entre autres dysfonctio­nnements, il a noté l’«absence de clairvoyan­ce» et l’«opacité» dans la gestion, qui ont réduit substantie­llement la qualité des prestation­s offertes aux étudiants. Plus explicite, M. Hadjar met les points sur les «i» et assure que, désormais, le budget alloué à ces oeuvres sera géré de manière plus «rationnell­e» et «rigoureuse». S’il n’écarte pas la possibilit­é de travailler directemen­t avec les étudiants, les associatio­ns et les syndicats réclament carrément la dissolutio­n de l’ONOU, tandis que d’autres sa transforma­tion en agence nationale pour la vie estudianti­ne, ainsi que le développem­ent de procédures de suivi et de contrôle d’assiduité des étudiants boursiers. Certains députés ont même proposé, à cet effet, la constituti­on d’une «commission d’enquête parlementa­ire dans le secteur de l’enseigneme­nt supérieur», ce à quoi le ministre a répondu qu’il «accueiller­ait à bras ouverts quiconque voudrait visiter les cités universita­ires ou les université­s».

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