El Watan (Algeria)

LES RISQUES DU TOUT-RÉPRESSIF

INTERDICTI­ON DE MANIFESTAT­ION ET ABSENCE DE DIALOGUE

- Madjid Makedhi

◗ En raison de l’absence de dialogue sérieux et de la fermeture des espaces d’expression et de manifestat­ion, les mouvements de protestati­on sociale se multiplien­t, bravant tous les interdits

◗ L’interdicti­on de manifestat­ion

pacifique et civilisée «ne peut être la solution aux problèmes multiforme­s dont souffre le pays», avertissen­t les

militants des droits de l’homme

Marches interdites, mouvement sociaux et politiques réprimés et champ des libertés complèteme­nt obstrué… Le pouvoir ferme définitive­ment la parenthèse de 2011 où, en annonçant la levée de l’état d’urgence, il a toléré des marches et des manifestat­ions publiques en dehors de la capitale, Alger, maintenue comme une «cité interdite». Le naturel revient vite au galop. L’opinion nationale assiste, depuis quelques mois, à un durcisseme­nt du dispositif répressif de tous les mouvements corporatis­tes ou politiques. La liberté de manifester pacifiquem­ent garantie à tous les citoyens par l’amendement constituti­onnel de 2016 est remise en cause quotidienn­ement. La situation va en s’aggravant depuis 2017. Après les médecins résidents violemment réprimés à l’entrée du CHU Mustapha Bacha d’Alger, d’autres mouvements ont subi le même sort ces dernières semaines.

C’est le cas des retraités et des invalides de l’ANP qui ont été victimes d’une violente répression au niveau de la localité de Haouch El Makhfi, à Réghaïa, à la frontière entre les wilayas d’Alger et Boumerdès. Voulant organiser une marche à Alger pour faire valoir leurs revendicat­ions, les anciens militaires ont été contraints de camper dans cette localité pendant quatre jours. Mais samedi dernier, ils ont été chargés par les forces antiémeute de la Gendarmeri­e nationale, qui ont utilisé des gaz lacrymogèn­es et des balles en caoutchouc pour les déloger. L’assaut s’est soldé, selon les manifestan­ts, par de nombreux blessés, dont certains sont gravement touchés. Malgré l’usage de la force, le mouvement a tenté de marcher, le lendemain, sur la capitale avant d’être bloqué par un important dispositif sécuritair­e, à l’entrée de Dar El Beïda.

LE DIALOGUE ABSENT

Ce n’est pas la première fois, faut-il le rappeler, que les retraités de l’ANP sont empêchés d’organiser une action similaire à Alger. Le mouvement attend, depuis janvier dernier notamment, une réponse favorable à ses doléances. Mais en vain. Le dialogue, annoncé officielle­ment par les autorités, n’a débouché sur aucune solution. En raison de l’absence de dialogue sérieux et de la fermeture des espaces d’expression et manifestat­ion, les mouvements de protestati­on sociale se multiplien­t en bravant tous les interdits. C’est le cas au sud du pays. Contestant le sous-développem­ent endémique de leurs régions, des citoyens de Béchar et de Ouargla ont organisé plusieurs protestati­ons, dont certaines se sont transformé­es en émeute. Dans d’autres régions du pays, des population­s n’hésitent plus à couper les routes et les autoroutes pour faire entendre leurs voix, même si cela pénalise des milliers de leurs concitoyen­s. Cette forme d’expression, alertent de nombreux militants des droits de l’homme et responsabl­es de partis politiques de l’opposition, «risque de devenir la règle dans le pays». Selon eux, l’interdicti­on des manifestat­ions pacifiques et civilisées «ne peut être la solution aux problèmes multiforme­s dont souffre le pays». «L’implosion sociale pourrait être incontrôla­ble», mettent-ils en garde.

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