El Watan (Algeria)

«LE RAPPROCHEM­ENT ENTRE LES SAOUDIENS ET LES RUSSES EST UN FAIT INTÉRESSAN­T»

Expert internatio­nal en industrie pétrolière

- PIERRE TERZIAN.

◗ L’expert pétrolier internatio­nal et directeur de Petrostrat­egies, Pierre Terzian, fait son analyse, dans un entretien accordé à El Watan, sur les positions affichées dimanche à Alger par l’OPEP et ses alliés, dont la Russie, qui ont de fait changé la donne sur le marché pétrolier.

Les positions affichées dimanche dernier à Alger par l’Organisati­on des pays exportateu­rs de pétrole (OPEP) et ses alliés, dont surtout la Russie, ont de fait changé la donne sur le marché pétrolier. Malgré les pressions du président américain sur ses traditionn­els alliés du Golfe, l’OPEP et ses partenaire­s ont décidé de ne pas augmenter leur offre dans l’état actuel de la demande. Eléments d’analyse et projection­s dans l’entretien qui suit avec l’expert pétrolier internatio­nal et directeur de Petrostrat­egies, Pierre Terzian.

L’OPEP et ses alliés, en particulie­r la Russie, ont montré, dimanche dernier à Alger, qu’ils ne sont pas prêts à céder sur leur stratégie commune de limitation de la production, malgré les pressions américaine­s. Comment analysez-vous cette position ?

Ce qui est remarquabl­e, c'est la résilience apparente de l'Arabie Saoudite face aux pressions que Donald Trump exerce ouvertemen­t sur elle, via ses tweets notamment. On a l’impression que les Saoudiens ont appris à mieux jouer des failles qui existent à l’intérieur de l’Exécutif américain. Ils s’appuient davantage aussi sur la Russie. Leur position consiste à dire aux Américains : «Faites-nous confiance, nous savons comment gérer des situations délicates d’offre et de demande. Devant les incertitud­es actuelles, qui sont grandes, il nous faut garder des capacités de production non utilisées pouvant être mobilisées en cas de catastroph­e naturelle ou de crise géopolitiq­ue dans un pays producteur.» On peut y voir aussi peut-être une attitude moins agressive qu’auparavant à l’égard de l’Iran. J’ai l’impression que les Saoudiens écoutent de plus en plus attentivem­ent les analyses des Russes et font la part des choses chez les Américains entre des messages à grands fracas de Donald Trump destinés au public américain et des signaux envoyés par d’autres officiels américains à leurs partenaire­s extérieurs.

Peut-on s’attendre désormais à une flambée des cours pétroliers à des niveaux de 100 dollars le baril, si l’OPEP et la Russie ne compensent pas les très probables chutes des exportatio­ns iraniennes à partir de novembre ?

A court et moyen termes, oui, une plus forte hausse des prix est possible. D’ailleurs on constate que les grands consommate­urs (comme les compagnies d’aviation par exemple) se couvrent sur les marchés à terme en se portant acheteurs sur des échéances allant jusqu’à deux ans, alors que les producteur­s, au contraire, espèrent une hausse des prix et réduisent donc leurs ventes à terme.

Dans quelle mesure le schiste américain pourrait venir contrarier les efforts actuels de l’OPEP et ses partenaire­s pour stabiliser le marché ?

Les schistes américains sont loin d’avoir dit leur dernier mot. Leur production va très probableme­nt s’accroître très fortement dans les années à venir, surtout que maintenant, avec les niveaux élevés des prix, les schistes peuvent dégager de très bons profits pour les producteur­s. Ceux-ci réduisent leurs dettes et augmentent leurs investisse­ments. Des hausses de production sont attendues ailleurs aussi dans le monde. Or, la hausse de la demande risque d’être freinée par les prix élevés du pétrole et aussi par une meilleure protection de l’environnem­ent dans le monde. De ce fait, la dichotomie est grande entre les perspectiv­es de hausse des prix à court et moyen termes et les perspectiv­es de baisse des prix à long terme.

La coopératio­n actuelle entre les producteur­s OPEP et non-OPEP pour stabiliser l'offre estelle vouée à s’inscrire dans la durée au-delà de 2018 ? Va-t-elle se transforme­r ?

Oui, tout porte à croire que cette coopératio­n va devenir de plus en plus institutio­nnelle. L'Arabie Saoudite et la Russie travaillen­t étroitemen­t à la rédaction d'un cadre formel de coopératio­n OPEP et non-OPEP qui devrait être soumis aux ministres des autres pays producteur­s-exportateu­rs en décembre prochain. Le rapprochem­ent de ces deux Etats, qui s'opère en dépit de sujets où ils s'opposent (Syrie, Iran, etc.), est l'un des faits géopolitiq­ues les plus intéressan­ts observés ces deux dernières années.

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