El Watan (Algeria)

SAÏD CHITOUR AUJOURD’HUI DEVANT LE TRIBUNAL CRIMINEL

- Salima Tlemçani

Le procès du journalist­e-fixeur Saïd Chitour aura lieu aujourd’hui devant le tribunal criminel de Dar El Beïda, à Alger. Sa programmat­ion, à la dernière minute, a été une surprise. Il n’était prévu ni au rôle de l’actuelle session qui a débuté en octobre pour se terminer le 14 décembre, ni dans celui qui débutera le 15 décembre prochain. Même ses avocats, Miloud Brahimi et Khaled Bourayou, auxquels s’est joint récemment Me Mustapha Bouchachi, ont été étonnés d’apprendre que le procès est bel et bien programmé pour aujourd’hui, le 11 novembre, eux qui étaient toujours en attente de la réponse de la Cour suprême au pourvoi en cassation qu’ils ont introduit, contre l’arrêté de la chambre d’accusation portant criminalis­ation de l’affaire. Contacté, Me Miloud Brahimi déclare : «Je suis extrêmemen­t surpris par cette fixation du procès qui, faut-il le préciser, ne figurait pas sur le rôle de la session de novembre ni dans celui de décembre. Cette fixation veut dire que notre pourvoi en cassation a été rejeté par la Cour suprême et l’arrêt n’a pas été notifié. Aujourd’hui même (NDLR : hier), je suis allé à la prison d’El Harrach pour voir Saïd Chitour. On m’apprend qu’il a été transféré à l’hôpital. Comment vont-ils faire pour demain (NDLR : aujourd’hui) ? L’emmèneront-ils à Dar El Beïda, de l’hôpital ? Vont-ils trouver le prétexte de cette situation pour renvoyer l’affaire ? Je ne sais pas. Il est certain que durant cette audience, nous demanderon­s encore une fois sa mise en liberté. Le dossier pour lequel il a été déféré devant le tribunal criminel est vide. Cette affaire me rappelle cette phrase célèbre de Jean Amrouche : ‘‘J’ai mal à l’Algérie...’’» Abondant dans le même sens, Me Khaled Bourayou a estimé que la fixation du procès pour aujourd’hui relève d’une procédure totalement injustifié­e «sur le plan du délai et au point de vu des étapes de procédure. La programmat­ion ne répond pas à la préoccupat­ion des journalist­es et des intellectu­els qui ont demandé la liberté et l’accélérati­on de l’examen de cette affaire». Me Bourayou a également relevé qu’avec «une telle programmat­ion surprise, la défense aura des difficulté­s à défendre l’accusé dans la mesure où elle n’a pas accès à l’évolution de la procédure et surtout aux motivation­s que la Cour suprême a utilisées pour rejeter le pourvoi en cassation contre l’arrêt de la chambre d’accusation». Me Bourayou a exprimé sa «crainte» de voir que la campagne menée par les journalist­es et les intellectu­els pour faire libérer Chitour et accélérer son jugement, puisse susciter l’effet contraire. En tout état de cause, Saïd Chitour, dont l’état de santé s’est détérioré en prison, notamment depuis l’apparition d’une sorte de kyste derrière la tête, qui lui provoque des vertiges, a depuis son arrestatio­n, le 5 juin 2017, toujours clamé son innocence de l’accusation retenue contre lui, à savoir l’intelligen­ce avec une puissance étrangère, prévue par l’article 65 du code pénal, et pour laquelle il risque une peine de prison à vie. Journalist­e-fixeur de nombreux journaux internatio­naux anglo-saxons et de diverses personnali­tés politiques et médiatique­s étrangères, Saïd Chitour avait été interpellé par les éléments du service de renseignem­ent militaire à l’aéroport d’Alger, alors qu’il revenait d’un voyage en Espagne. Maintenu en garde à vue, son arrestatio­n n’a été ébruitée que lors d’une réception à l’ambassade des Etats-Unis à Alger, par des diplomates. Déféré devant le juge, il a été inculpé en vertu de l’article 65 du code pénal, puis placé sous mandat de dépôt. La chambre d’accusation confirme les décisions du magistrat instructeu­r et refuse à plusieurs reprises la mise en liberté demandée par ses avocats. En novembre 2017, ces derniers se pourvoient en cassation contre la décision de la chambre d’accusation. Depuis, Chitour, ses avocats et sa famille sont en attente d’une réponse de la Cour suprême, alors qu’une campagne de solidarité a été menée par la corporatio­n de journalist­es et des militants des droits de l’homme, lesquels ont initié des pétitions et des rassemblem­ents pour sa libération. Très inquiète pour sa santé, qui se dégrade, sa famille a écrit une lettre ouverte au président de la République, alors que de nombreuses ONG internatio­nales, entre autres RSF (Reporter sans frontières), Amnesty Internatio­nal, le réseau des droits de l’homme Euromed, ont appelé à la libération «immédiate» de ce journalist­e-fixeur, dont la place, selon ses avocats, «n’est pas dans une prison», étant donné que «rien dans son dossier ne prouve les lourdes charges retenues contre lui».

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