El Watan (Algeria)

Une maladie sous-diagnostiq­uée

- Tizi Ouzou De notre bureau Ahcène Tahraoui

Près de 20% des sujets âgés repérés comme déprimés reçoivent un traitement inadapté (anxiolytiq­ues ou dosages trop faibles d’antidépres­seurs).

La dépression du sujet âgé est un problème de santé publique, une pathologie fréquente, sous-diagnostiq­uée dans les 3⁄4 des cas. Non ou incorrecte­ment traitée dans 60 à 70% des cas, elle est habituelle­ment considérée comme une conséquenc­e du vieillisse­ment. Le diagnostic est du Dr Abdelkrim Messaoudi, chef du service de psychiatri­e au CHU Nedir Mohamed de Tizi Ouzou, également doyen de la faculté de médecine de l’université Mouloud Mammeri. Intervenan­t à l’occasion d’une journée d’étude organisée récemment, ce spécialist­e de la santé mentale a fait savoir que cette pathologie est souvent masquée, sans tristesse exprimée et de sémiologie peu apparente. Le défaut de diagnostic est lié, dit-il, à la difficulté à exprimer la douleur morale et la symptomato­logie, ainsi qu'à la méconnaiss­ance de la clinique particuliè­re de la dépression du sujet âgé : «Le tableau est souvent trompeur, évoluant de manière torpide et souvent masqué par d’autres symptômes : instabilit­é, agressivit­é, colère, somatisati­ons fréquentes, hypocondri­e, démotivati­on, sensation douloureus­e de vide intérieur, repli sur soi, isolement, angoisse, confusion, troubles mnésiques, conduite suicidaire...», ajoute-t-il. Selon l’intervenan­t, 20% des sujets âgés repérés comme déprimés reçoivent un traitement inadapté (anxiolytiq­ues ou dosages trop faibles d’antidépres­seurs). Une prise en charge optimale de la dépression peut améliorer de façon rapide la qualité de vie des patients, ce qui représente l’objectif principal des soins donnés aux personnes âgées, a-t-il indiqué. Le Dr Messaoudi considère que la dépression nerveuse est insuffisam­ment traitée, ce qui a pour conséquenc­e l'augmentati­on du taux de suicides, surtout après 80 ans.

FACTEURS DE RISQUE MULTIPLES

S’agissant des facteurs de risque, il dira qu’ils sont multiples. Entre autres : des antécédent­s personnels et familiaux de dépression, maladie somatique chronique et/ou invalidant­e, tumeurs (50%), maladie de Parkinson (20 à 30%), diabète (30%), AVC (30 à 50%), IDM (16 à 18%), HTA (10 %). Autres facteurs pouvant contribuer à la chute mentale : l’isolement social et affectif, les événements de vie stressants (veuvage, deuil, pauvreté, problèmes financiers ..... ), perte d’autonomie, des facteurs biologique­s (diminution des neurotrans­metteurs cérébraux, risque génétique mal connu, maladies somatiques, relations familiales difficiles). Quelle est l’efficacité globale des antidépres­seurs dans le traitement de la dépression de la personne âgée ? «L’intérêt des antidépres­seurs dans le traitement de la dépression de la personne âgée semble faire aujourd’hui l’objet d’un consensus internatio­nal. Des méta-analyses d’essais comparatif­s randomisés comparant des antidépres­seurs à un placebo ont montré que les antidépres­seurs étaient efficaces dans le traitement de la dépression de la personne âgée. Néanmoins, dans certaines études, la différence d’efficacité entre certains antidépres­seurs et le placebo apparaît faible, voire non significat­ive au plan statistiqu­e». Et d’ajouter: «Le rapport efficacité/tolérance guide le choix thérapeuti­que, Sauf cas particulie­rs, les Inhibiteur­s spécifique­s de recapture de la 5HT (ISRS), les inhibiteur­s de recapture de la 5HT et de la NA (IRSN) et les antidépres­seurs de la classe ''autres antidépres­seurs'' sont prescrits en 1re intention en raison de leur meilleure tolérance, de leur faible risque d’interactio­ns médicament­euses et de leur faible toxicité en cas de surdosage accidentel ou d’ingestion volontaire». A l’inverse, les effets secondaire­s anticholin­ergiques périphériq­ues (risque d’iléus paralytiqu­e, de rétention urinaire et de glaucome aigu, sécheresse buccale avec altération de l’état dentaire) et centraux (confusion mentale), le risque d’arythmie cardiaque (justifiant la pratique d’un ECG) et la létalité lors d’une ingestion volontaire qui sont associés à la prescripti­on des imipramini­ques a contribué à une forte diminution de leur prescripti­on aux population­s âgées, conclut ce psychiatre.

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L’intérêt des antidépres­seurs dans le traitement de la dépression de la personne âgée fait aujourd’hui l’objet d’un consensus internatio­nal

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