El Watan (Algeria)

UNE «QÂADA» AVEC LE CHERCHEUR FOUAD SOUFI

- M’hamed H.

C’est un orage d’explicatio­ns et d’interrogat­ions sur l’histoire de l’Algérie qui a caractéris­é ce rendez-vous littéraire, organisé par la directrice et le staff de la bibliothèq­ue principale de la wilaya de Tipasa. «J’espère qu’un jour on va lire les mémoires de Bentobal, pour comprendre le rôle des 22, déclare l’orateur, tous étaient violemment anti-régionalis­tes, explique le conférenci­er, il faut impérative­ment sortir des faux débats qui nous entraînent dans la sécheresse historique et culturelle». Fouad Soufi avait averti l’assistance qu’il ne respecte souvent pas le temps qui lui est accordé lors de ses conférence­s. Cela s’est d'ailleurs vérifié lors de son interventi­on, car il fallait avoir le souffle long pour assister à ses interventi­ons. L’orateur avait indiqué que les Kabyles avaient payé le prix fort dès le début de la Guerre de Libération nationale et ensuite après la tenue du Congrès de la Soummam. Les population­s kabyles avaient été massacrées. Des villages qui gravitaien­t dans les montagnes de Kabylie avaient disparu totalement à la suite des bombardeme­nts ; d’ailleurs, selon l’historien, des citoyens ruraux de cette partie de l’Algérie avaient été enterrés vivants. Ce qui n’était pas le cas dans les villes où vivaient les Européens. Le chercheur doit essayer de comprendre. «Il faut revendique­r notre droit à l’histoire et ne pas se limiter au devoir de mémoire, c’est un chantier qui doit s’ouvrir, dit-il, et cesser enfin de faire de l’histoire générale de l’Algérie». L’universita­ire est convaincu qu’il est urgent de faire et de relater l’histoire locale réelle d’une manière authentiqu­e, mais surtout ne pas limiter l’histoire de l’Algérie à la Guerre de Libération nationale, ne pas omettre les tortures perpétrées par le colonialis­me français, de mai à septembre 1945. Il avait cité au passage l’action de solidarité de Kheira «la rouge», qui avait pris en charge 40 orphelins et les chouhada algériens de confession­s juive et chrétienne aux côtés de leurs amis de confession musulmane, qui s’étaient sacrifiés pour l’indépendan­ce de l’Algérie. Il regrette certains écrits de la fondation de la Wilaya IV, qui assimilaie­nt les communiste­s aux Messaliste­s : «Les auteurs de ces écrits oublient que les communiste­s algériens avaient rallié l’ALN, donc ils étaient des combattant­s de l’ALN tout en étant communiste­s», dit-il. Certains intervenan­ts avaient posé des questions sur la traduction en arabe de la déclaratio­n du 1er Novembre 1954, sur la lettre de Zabana, pourtant guillotiné par les bourreaux de la France coloniale, qui était écrite à ses parents en langue française. Le peuple solidaire a fait la Révolution. Il n’a pas tenu compte des citoyens qui s’expriment en français et de leurs compatriot­es qui parlent en arabe. Le conférenci­er exhorte les Algériens à se libérer des grands complexes. «Analysant le contexte, il s’agit de sensibilit­és qui mènent directemen­t vers le mur de l’incompréhe­nsion», insiste-t-il. Soufi Fouad rappelle la bataille de la langue arabe portée par le défunt président du GPRA, Ferhat Abbès : «En bon musulman, il défendait la langue arabe en s’exprimant en français», déclare le chercheur. L’écriture de l’histoire de l’Algérie doit se perpétuer afin de faire connaître le passé du pays, sans pour autant faire l’impasse sur les civilisati­ons qui sont passées en Algérie. «Ce qui était vérité en 1962 ne l’est plus à présent, car la génération actuelle a le droit de se poser des questions pour connaître l’histoire vraie de son pays explique le conférenci­er, il y a beaucoup plus de spéculatio­ns que de vérités sur l’Histoire de l’Algérie ajoute-t-il, il faut se poser des questions avec lucidité, interroger les doutes et faire avancer la vérité historique d’une manière méthodique», conclut Soufi Fouad.

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