A la recherche d’une feuille de route applicable sur le terrain
PALERME ACCUEILLERA AUJOURD’HUI UNE CONFÉRENCE SUR LA LIBYE
L’île italienne de Palerme vivra, aujourd’hui et demain, au rythme libyen. Les dirigeants libyens et internationaux essaieront de joindre leurs efforts à ceux des Italiens pour trouver une issue négociée et réalisable de la crise libyenne. La conférence internationale de Palerme pour la Libye intervient quelques jours après la présentation par l’envoyé spécial de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, le 8 novembre, d’une nouvelle feuille de route devant le Conseil de sécurité. Salamé a officiellement annoncé le report des élections initialement prévues en décembre, selon le calendrier de la conférence de Paris qui a eu lieu en mai dernier. L’envoyé spécial de l’ONU est resté prudent sur une nouvelle date pour les élections, mais a vaguement parlé du printemps prochain, à condition de la concrétisation de certaines mesures. Salamé a actualisé son plan pour la transition démocratique en Libye, auquel l’approbation par la conférence de Palerme donnera plus de consistance. Le rendez-vous suit, aussi, le G20 de Berlin, tenu du 29 au 31 octobre dernier, qui a vu les dirigeants libyens s’entendre sur les grandes lignes de la solution dans leur pays. L’Italie a mis les bouchées doubles pour préparer sa «conférence pour la Libye», comme aime bien l’appeler Giuseppe Conte, le Premier ministre italien. Il a tout fait pour réunir tout le monde, autour de la même table, surtout les belligérants libyens, mais aussi les Américains, les Russes, les Allemands, les Turcs, les Egyptiens, les Algériens, les Tunisiens... Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, le président du gouvernement russe Dmitri Medvedev et la chancelière allemande Angela Merkel seront présents, tout comme des hauts représentants du gouvernement égyptien, grand partisan du général Khalifa Haftar. Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavusoglu, a confirmé, lui aussi, qu’il se rendra à Palerme. Le doute restant concerne le niveau de représentativité des Français dans cette conférence. Italiens et Français se disputent le leadership régional pour trouver une issue à la crise depuis la conférence de Paris de mai dernier. Les Italiens visent, à Palerme, à «faciliter» le dialogue, déjà avancé, entre les parties libyennes et jouer un rôle de médiateur concernant les questions cruciales comme l’unification de l’armée ou le mode de réinsertion des milices dans la vie active. La présence des principaux acteurs libyens vise à mieux réfléchir sur les conditions de la sécurité et du développement économique, ainsi que le renforcement du cadre politico-constitutionnel, ce qui constituerait, s’il réussit, une base pour une nouvelle feuille de route vers les élections, fondée sur le plan des Nations unies. Côté italien, on espère que la conférence de Palerme créera les conditions nécessaires pour que les Nations unies puissent opérer avec une feuille de route claire et pratique. Il s’agit, surtout, d’améliorer la situation socioéconomique, dépasser la controverse politique et impliquer les représentants militaires sur le terrain. Sur le terrain, la situation est chaotique, comme l’a décrite l’envoyé spécial de l’ONU, intervenant en visioconférence devant le Conseil de sécurité : «Le phénomène des hommes armés qui dévastent des installations médicales, agressent des professionnels de santé, qui extorquent de l’argent à des institutions financières ou, encore, celui des queues pour avoir accès aux services bancaires minimaux est immoral, illégal et criminel. Cela doit cesser immédiatement.» Il est clair qu’il est impératif de trouver une solution pour ces groupes armés. D’où l’importance fondamentale de l’implication de l’intérieur libyen dans l’établissement d’une feuille de route de transition qui ait des chances réelles de réussite. Selon le politologue libyen Ezzeddine Aguil, il y a un autre handicap de taille : «les Libyens de Fezzan et de la Cyrénaïque (Sud et Est libyens) pointent du doigt le gouvernement d’union nationale parce qu’il ne représente que Tripoli et Misrata. Si la prochaine feuille route tient compte de cela avec, notamment, l’installation d’un gouvernement de technocrates, en charge de l’amélioration des conditions de la vie courante des Libyens, les hostilités diminueraient sensiblement entre milices et groupes tribaux.» Il a attiré l’attention sur le fait que «les puissances étrangères ne sont pas suffisamment conscientes de ces enjeux et veulent surtout se focaliser sur leurs intérêts plutôt que ceux des Libyens». Pour ce politologue, «la paix en Libye passe, d’abord, par l’amélioration de la condition des Libyens, ce qui n’est pas palpable dans les divers plans proposés».