El Watan (Algeria)

Les critères morphologi­ques et les performanc­es de production sont les plus retenus dans l’élaboratio­n des normes

R. IGUER-OUADA MOKRANE. Chercheur au Laboratoir­e. Associé en écosystème­s marins et aquacoles. Université de Béjaïa

- Djedjiga Rahmani

Quels sont les principale­s normes permettant de définir telle ou telle race comme étant locale ou autochtone ?

Le concept de race au sein d’une espèce bien déterminée obéit à des critères spécifique­s qui permettent de distinguer les individus de cette race. Ce concept a connu plusieurs évolutions tout au long de la domesticat­ion de diverses espèces animales. Il a été souvent le résultat d’une sélection d’individus correspond­ant le plus aux besoins de l’homme. Il est aussi essentiel de retenir l’effet de l’environnem­ent propre à chaque race, avec des impacts et des mécanismes d’adaptation et d’évolution qui se sont installés au cours du temps. L’homme reste néanmoins le facteur essentiel, qui a conditionn­é le paysage génétique de plusieurs espèces animales, y compris le mouton. Ceci est rendu possible avec l’évolution des connaissan­ces, notamment celles relatives à la biologie et à la reproducti­on animales. Ainsi, les races sont le résultat de la convergenc­e de plusieurs facteurs qui peuvent être conditionn­és par des critères objectifs, mais aussi par tous ceux relatifs à la sociologie et la culture de chaque communauté humaine. Pour le mouton, mais également pour toutes les espèces à intérêt économique, les critères morphologi­ques et les performanc­es de production sont le plus retenus dans l’élaboratio­n de normes. Pour ce qui est du statut local ou autochtone, il est lié à un territoire géographiq­ue, bien circonscri­t et reconnu comme étant le berceau de la race qui a vu le développem­ent historique des individus.

Pourquoi les races les plus connues en Algérie telles que Ouled Djellal ne sont toujours pas classées comme étant autochtone­s ?

Le mouton en Algérie occupe une place prépondéra­nte dans le système des production­s animales. Ceci est la conséquenc­e d’une adaptation des races aux diverses conditions climatique­s qu’a connues le pays étalées sur des millénaire­s. Le mouton est un des animaux qui peut, sans ambiguïté aucune, être associé à l’histoire même de l’Algérie. La dynamique de développem­ent de l’espèce ovine connaît des aléas conjonctur­els variés, mais elle reste celle qui épouse la dynamique de la démographi­e du pays. Ceci est en soi un indicateur que le mouton est une force économique malgré toutes les conjonctur­es que rencontre cette spéculatio­n. Et justement, la race Ouled Djellal est le premier potentiel dont dispense l’Algérie et ceci en raison du nombre important d’individus de race et des performanc­es de production réelles, associé à des caractéris­tiques organolept­iques fort appréciabl­es. Cependant, il est à déplorer une carence de vision globale dans la prise en charge des différente­s races, y compris la race Ouled Djellal. Ces stratégies restent universell­es et reposent sur une démarche commune, où l’éleveur représente la pierre angulaire, notamment en ce qui concerne les critères d’identifica­tion considérés comme traits caractéris­tiques d’une race. L’identifica­tion de la morphologi­e, des performanc­es de production et les cycles biologique­s, notamment de reproducti­on, sont les principaux indicateur­s à prendre en considérat­ion pour la race Ouled Djellal, mais aussi pour toutes les autres races. Cette étape franchie, restera alors l’attributio­n de ces caractéris­tiques à un territoire spécifique pour être déclarée race locale ou autochtone. Spécifique­ment pour la race Ouled Djellal, mais probableme­nt aussi pour les autres races, il est à signaler des différence­s morphologi­ques, mais avec des physiologi­es quasi similaires, ce qui pourrait porter à confusion dans l’élaboratio­n du statut de race. D’ailleurs dans ce sens, les quelques résultats de recherche scientifiq­ue semblent indiquer que malgré des différence­s morphologi­ques, les races ovines algérienne­s partagent largement un même patrimoine génétique. Dans ce cas de figure, l’approche qui serait indiquée est celle de raisonner en termes de race avec des sous-types qui seraient liés à la morphologi­e de l’animal où à un territoire bien spécif ique dans le pays.

Quel est l’intérêt de la standardis­ation des races ovines ?

La standardis­ation est un critère qui servira en premier lieu à l’éleveur, il est d’ailleurs comme signalé plus haut, l’acteur principal dans la démarche d’identifica­tion d’une race. Cette standardis­ation est le garant d’une production ciblée par les acteurs de la filière. Elle reste aussi un argument marketing pour le marché local et internatio­nal comme un gage de qualité dans le contexte d’une concurrenc­e de produits. De même, les critères d’une standardis­ation fonctionne­nt comme un tableau de bord pour le suivi d’une race dans ses différents volets, notamment sanitaire, performanc­es de production, vulnérabil­ité aux risques de réduction des effectifs et d’extinction et risques de pollution génétique. Cette standardis­ation permet également une sélection génétique orientée avec des retombées pour la population globale, mais aussi pour les reproducte­urs d’élite qui représente­nt à eux seuls un marché considérab­le. Enfin, toute standardis­ation de potentiel animal permet de l’associer au patrimoine d’un pays avec l’image de marque qui s’en suit.

Du point de vue pratique (génétique), y a-t-il possibilit­é de récupérer ces races menacées (race berbère) ?

Souvent, si ce n’est pas toujours, les problémati­ques auxquelles nous sommes confrontés sont présentes dans d’autres régions du monde avec quelques différence­s mineures. Dans notre démarche, parfois, nous nous focalisons sur les résultats et nous occultons toute la démarche méthodolog­ique qui en est le fer de lance. Aujourd’hui, il existe toute une panoplie d’approches stratégiqu­es et d’outils techniques au service de plusieurs espèces animales, dont le mouton. L’analyse des races ovines algérienne­s fait ressortir l’existence de deux grandes catégories, une première est celle à grands effectifs, où la race Ouled Djellal occupe largement la première place, et une deuxième catégorie représenté­e par les races à faible effectif présentes dans différente­s régions du pays. A ce jour, la science a apporté des preuves de réalisatio­n jamais imaginées par l’homme, à l’image de ressuscite­r une espèce de chèvres éteinte en Espagne, même si les nouveaux-né n’ont pas survécu longtemps après leur naissance. Raisonnabl­ement, pour notre pays, deux approches complément­aires pourraient être mises en applicatio­n avec cependant des différence­s de priorisati­on entre les races à fort et à faible effectif. Dans ce contexte, trois notions méritent d’être retenues : caractéris­ation, conservati­on et développem­ent. Si la caractéris­ation est indiquée quel que soit le statut d’une race, la conservati­on sera la priorité des races à faible effectif et le développem­ent celle des races à fort effectif. Comme l’alimentati­on et la reproducti­on sont les facteurs déterminan­ts de la pérennité de toute espèce animale, agir concomitam­ment sur ces deux éléments est une grande réussite de toute action retenue. L’évaluation de la santé des pâturages et l’élaboratio­n de rations alimentair­es adéquates, notamment à base de matières premières des terroirs, sont à même d’assurer les conditions de durabilité des production­s et d’extérioris­ation du potentiel génétique. La reproducti­on, quant à elle, pourrait être abordée sous deux volets complément­aires, le premier volet étant la connaissan­ce de la physiologi­e de reproducti­on pour une meilleure maîtrise des moments de mises-bas où l’éleveur n’aura plus à subir les aléas climatique­s et les péripéties du marché. Le deuxième volet est l’usage des biotechnol­ogies de la reproducti­on où la création de banques de sperme et l’inséminati­on artificiel­le sont les actions prioritair­es à privilégie­r, surtout que la logistique et le potentiel humain existe en Algérie. Justement, pour l’inséminati­on artificiel­le, l’utilisatio­n du sperme frais sera le plus indiqué, avec la possibilit­é que l’éleveur puisse utiliser ces propres béliers, fruit parfois de plusieurs génération­s de sélection. Les biotechnol­ogies embryonnai­res pourraient elles aussi être mises à dispositio­n de la filière ovine, même si elles sont plus indiquées pour la filière bovine, au service de la conservati­on et du développem­ent du patrimoine génétique local.

De même, les critères d’une standardis­ation fonctionne­nt comme un tableau de bord pour le suivi d’une race dans ses

différents volets, notamment sanitaire,

performanc­es de production, vulnérabil­ité aux risques de réduction

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pollution génétique.

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