LE HIRAK-COPIE, LE HIRAK-SIMULACRE
Pourquoi parle-t-on du modèle, de la copie et du simulacre ? Quel est le rapport avec le hirak ? Précisément, la parution récente du documentaire Algérie mon amour sur France 5 et les passions, les indignations et les polémiques qu’il a suscitées, est en réalité une occasion salutaire pour penser les angles morts du hirak. Un survol général des reproches adressés au documentaire, à son réalisateur et aux participants laissent voir des attitudes et des réactions quasi-religieuses : la profanation d’un événement sacré, le «hirak». Encore une fois, c’est le problème du modèle et de copie qui revient : dans notre inconscient collectif, on doit tous penser la même chose, définir de manière unanime le hirak, et refaire ad vitam aeternam la révolution du 1er Novembre 1954. Les slogans qu’on a pu entendre pendant plus d’un an, du genre «La badissia !», «La islamiya !», à la manière d’un lapsus freudien, révèlent un attachement viscéral aux archaïsmes, hérités des invasions arabes, du panarabisme, du baâthisme et des Frères musulmans, tant entretenus par le pouvoir algérien depuis 1962.
Ce qui est reproché de manière inconsciente à Algérie mon amour et ses participants, c’est de ne plus respecter le cadre du modèle-copie : l’attente générale était de ne plus entendre des jeunes Algériens se plaindre du désarroi économique qui les frappe, du malaise social dans lequel ils vivent, de la misère sexuelle qui détient les corps des femmes et des hommes en otages, des libertés politiques muselées et quasiinexistantes, et enfin, du vin et de l’alcool dont la consommation est abondante et la négation est délirante. Les Algériens, théoriquement, selon la logique du modèle-copie, ne peuvent aucunement boire de l’alcool, parler de sexualité et de liberté des moeurs, et encore moins d’émancipation politique et intellectuelle.
XXI siècle, en un peu plus d’une heure. De plus, un reportage n’a pas vocation à être exhaustif et neutre, ni d’être sans lacune et défaut. On le sait tous, la neutralité et l’objectivité, surtout dans le domaine des médias, est un mythe. Toute information est dirigée. D’ailleurs, il n’y a même pas de vérité dans des situations de ce genre : il n’y a que des interprétations, comme l’avait prophétisé Nietzsche au XIX siècle. Il n’y a pas un seul hirak. En revanche, il y a des hiraks et chacun peut avoir son interprétation afin de pouvoir y apporter sa contribution. Pour parler comme Deleuze, chacun de nous doit apporter son simulacre aux hiraks existants : nous devons abolir dans l’affirmation de la différence les modèles monolithiques que la religion, le pouvoir politique et le conservatisme social veulent nous assigner. Nous avons un problème et rapport malsain aux femmes, nous avons d’énormes problèmes et frustrations avec le sexe, nous avons un énorme déni vis-à-vis de l’alcool. Si le réalisateur d’Algérie mon amour, Mustapha Kessous, a manipulé la parole de ses interviewés à sa guise, tant pis, cela n’est pas nouveau dans le journalisme et les médias. Mais, cela dit, il a ouvert une brèche, lui et ses participants, sur des zones d’ombre, frappées d’interdit par le