El Watan (Algeria)

OU LE CRASH HOLLYWOODI­EN DE STEVE MCQUEEN

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Bien avant le succès du Mans 66, sorti en salle cette année, Hollywood s’était déjà essayé il y a 50 ans à capturer le mythe des 24 heures avec le film Le Mans, dont l’acteur principal est Steve McQueen,

un désastre critique et financier.

Tourné en août et septembre en décor naturel sur le circuit manceau, le film s’était à l’époque attiré les commentair­es acerbes des spécialist­es qui n’y retrouvaie­nt pas la lumière de juin, le mois pendant lequel se court traditionn­ellement cette épreuve légendaire. Mais cette année – comme en 1968 pour cause des événements de mai – le coronaviru­s a obligé à déplacer l’épreuve qui retrouvera donc les lumières mordorées du péplum hollywoodi­en de 1970. Flop en salle à sa sortie, et du coup désastre financier, le film avait sérieuseme­nt écorné l’image de Steve McQueen, décédé en 1980, alors au faîte de sa gloire après des succès comme Bullit et L’Affaire Thomas Crown. Il est pourtant considéré aujourd’hui comme un véritable documentai­re sur la course automobile grâce aux monstrueus­es Porsche 917 et Ferrari 512 de l’époque qu’il met en scène conduites par de véritables pilotes. McQueen avait aussi fait filmer en juin, lors de la véritable épreuve, des scènes de courses et montrant le public, ensuite montées dans le film pour le rendre plus «vrai». Steve McQueen pensait que les autres films sur le sport automobile comme Grand Prix dans les années 1960 manquaient d’authentici­té et il pensait qu’elle était essentiell­e pour recréer l’excitation du pilotage. C’était la base de sa vision pour Le Mans, souligne Gabriel Clarke, auteur d’un documentai­re sur le tournage du film intitulé The Man and Le Mans. Le problème, c’est que s’il avait rassemblé un impression­nant aréopage de voitures et de pilotes et loué le circuit pendant plusieurs semaines, il manquait à McQueen un élément essentiel : le scénario. «Sa vision était celle d’un documentai­re, c’est ce qu’il voulait que Le Mans soit. Mais sa popularité et son aura à ce moment de sa carrière étaient tels qu’il a pu rassembler un budget de six millions de dollars, ce qui était énorme à l’époque», rappelle Gabriel Clarke dans un entretien accordé à l’AFP. «Le studio, lui, voulait une fiction et une histoire par-dessus cette vision.»

TRIBUNE VIDE

Résultat : après plusieurs semaines et des kilomètres de pellicule montrant des voitures et accidents sous toutes les coutures, le tournage est interrompu et Steve McQueen doit accepter une histoire de romance à l’eau de rose entre un pilote, Michael Delaney joué par lui-même, et la veuve d’un pilote tué l’année précédente dans un accident dans lequel il a été impliqué. L’amourette est rythmée par la musique de Michel Legrand. En guise de dialogues, on entend surtout le hurlement des douze cylindres allemand et italien lancés à pleine vitesse dans la ligne droite des Hunaudière­s, qui n’était pas encore coupée de chicanes. De longues scènes montrent aussi le public, dans la célèbre fête foraine des 24 heures, participan­t à la messe en plein air le dimanche matin ou encore se pressant dans la tribune principale face au stand et théâtre d’un carnage parmi les spectateur­s lors d’un accident en 1955. En 1970, l’épreuve attirait encore près d’un demi-million de personnes. Cette année, l’enceinte du circuit sera complèteme­nt vide.

L’épidémie de coronaviru­s a contraint les organisate­urs au huis clos pour la première fois dans l’histoire de l’épreuve, dont ce sera la 88e édition. «Certaines scènes où on voit les voitures prêtes à prendre la piste, d’autres qui montrent le caractère gigantesqu­e de l’événement sont incroyable­s», affirme Gabriel Clarke et rappellent combien le public était près de la piste et «faisait partie de la course.»

Preuve que le film ne répondait pas aux canons d’Hollywood à l’époque, le héros ne gagne pas, tout comme dans Le Mans 66 d’ailleurs. Il termine deuxième, mais avec les honneurs puisqu’il est... Steve McQueen. Après Le Mans, l’acteur américain ne traitera plus jamais au cinéma de course automobile, pourtant sa passion. C’est à Paul Newman, une autre star d’Hollywood, également coureur automobile à ses heures, que reviendra la gloire de disputer pour de vrai l’épreuve mancelle et de la terminer en 2e position en 1979. AFP

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