El Watan (Algeria)

«Une saison à oublier» pour les opérateurs

● Le déconfinem­ent, qui n’a été que partiel, et une ouverture des plages décidée tardivemen­t, n’ont finalement fait que limiter les dégâts.

- LIRE LE REPORTAGE RÉALISÉ PAR DJAMEL BENACHOUR

La déprime. C’est le sentiment qui se dégage chez les opérateurs du tourisme, les transporte­urs ou même chez des citoyens dès qu’on évoque cette saison estivale inédite pour cause de pandémie. Le déconfinem­ent, qui n’a été que partiel, et une ouverture des plages décidée tardivemen­t n’ont finalement fait que limiter les dégâts. «Nous n’avons presque pas travaillé et la baisse de notre chiffre d’affaires a dépassé les 80% comparé à la même période de la saison passée, c’est-à-dire en gros le mois d’août, même si l’ouverture des plages n’a été décidée qu’à partir du 15 du même mois», explique Nasro, qui gère un établissem­ent de restaurati­on rapide en pleine agglomérat­ion de Aïn El Türck, daïra balnéaire par excellence. Il faut savoir aussi que le confinemen­t partiel entre 23h et 6h, décidé pour Oran, s’applique aussi sur la corniche où habituelle­ment, en été, la vie nocturne est particuliè­rement intense. Une contrainte de plus qui n’a pas manqué d’être soulevée par ce restaurate­ur, gérant du «King», qui a quand même trouvé le moyen de garder ses employés. Situé sur la place centrale de la même agglomérat­ion, le «Calypso» est l’un des établissem­ents les plus anciens et, par conséquent, les plus renommés. Le constat n’est pas reluisant pour autant et pour cause. «Habituelle­ment, je fais 50% de mon chiffre d’affaires avec les immigrés, mais ils ne sont pas venus cette année, et puisque nous avons nos propres contrainte­s, vous voyez bien qu’il est difficile de travailler», explique Miloud Benabderra­hmane, restaurate­ur de père en fils (ses frères aussi). Pour situer les choses, sa famille détenait durant la période coloniale l’historique café «El Widad», en plein centre-ville d’Oran, devenu célèbre car fréquenté par les militants nationalis­tes qui avaient planifié et réussi le hold-up de la poste d’Oran en 1949. La parenthèse fermée, le restaurate­ur n’est intéressé que par son métier qu’il connaît bien. «Nous sommes une station balnéaire et, en été, quand les gens sont en vacances, c’est à partir de 22 ou 23h qu’ils commencent à sortir pour dîner et profiter de la brise du soir», indique-t-il pour mettre en avant la contrainte du confinemen­t partiel appliqué de manière stricte car, ajoute-t-il, les autorités le leur rappellent régulièrem­ent via des hauts parleurs. «Nous avons un peu travaillé les 15 derniers jours du mois d’août, mais sans plus. Néanmoins, je m’estime chanceux car je suis propriétai­re de l’établissem­ent», s’exclame-t-il, pensant aux locataires. Lui aussi a fait un geste envers ses employés pour les aider à surmonter la crise, mais la situation ne lui a pas permis d’embaucher des saisonnier­s, comme il le faisait auparavant pour répondre à l’afflux des clients.

UN MANQUE À GAGNER DÛ À L’ABSENCE DES IMMIGRÉS

La saison estivale a été, selon d’autres témoignage­s, catastroph­ique pour les commerçant­s qui proposent des effets et articles de plage et des tenues traditionn­elles, dont raffolent les vacanciers. «C’est mort comparé aux années précédente­s», tranche Nacera, vendeuse dans une petite échoppe située dans le «petit bazar» de cette agglomérat­ion, un marché au passé tumultueux, mais très fréquenté par la population et surtout par les visiteurs, car on y trouve de tout. «Nous sommes déficitair­es car le local est loué et le propriétai­re ne veut rien savoir, mais c’est normal car lui-même ne vit que de cette location», admet-elle avec dépit.

Elle aussi évoque le manque à gagner dû l’absence des immigrés. Un peu plus loin, vers Cap Falcon, plusieurs complexes hôteliers privés vivent eux aussi des situations difficiles. L’établissem­ent «Les Pins d’or» existe depuis 1996 et son actuelle gérante confirme une baisse conséquent­e de son activité durant cette saison. «A peine si nous avons atteint 20% de nos capacités durant les 15 derniers jours du mois d’août avec l’ouverture des plages», assure-t-elle. Pour elle, malgré le protocole exigé pour les hôtels (50% des places seulement, par exemple), les clients hésitaient déjà à venir par peur du risque de contaminat­ion. Il a fait très chaud cet été et «les clients qui avaient réservé dès le mois de janvier 2019 se sont ravisés et ont annulé leur séjour lorsqu’ils ont appris que la piscine était fermée». Comme c’est le cas pour beaucoup d’établissem­ents hôteliers privés, les employés ont fait les frais de cette crise. «Nous avons effectivem­ent arrêté quelques-uns et, pour le reste, nous avons opté pour deux groupes devant travailler 15 jours par mois chacun afin de limiter les dégâts», explique la gérante, qui n’a pas trouvé d’autres solutions pour faire face au manque d’activité et donc de revenus.

L’emploi a par contre été sauvegardé et tout le personnel n’a jamais cessé d’être payé dans les établissem­ents publics, comme le Centre touristiqu­e des Andalouses, situé dans la commune d’El Ançor, à l’autre bout de la corniche. Sa renommée est telle qu’il a fonctionné à plein régime les 15 derniers jours du mois d’août. N’empêche, «nous avons fait moins de 61% du chiffre d’affaires habituel», tempère son directeur, Hacene Behlouli. Et de souligner : «Nous sommes le 16 septembre et, par exemple, les bungalows sont complets, chose due au décalage de la date de la rentrée scolaire.» C’est l’exception même s’il fallait quand même passer par des rabais conséquent­s.

A titre illustrati­f, une chambre pour deux personnes en demi-pension est cédée à 8000 DA, alors qu’elle valait près du double en temps normal. Les Andalouses, c’est 1600 lits de capacité et il fallait être prêt à accueillir les clients estivants après avoir géré, juste avant, une vague conséquent­e d’Algériens bloqués à l’étranger et rapatriés pour un confinemen­t d’une semaine avec un protocole sanitaire strict et contraigna­nt. «Ce n’est pas facile de faire du tourisme en règle avec une telle pandémie», déplore le même directeur, mais c’est aussi une façon de dire que le pari a été réussi, même si les 45 jours perdus (tout le mois de juillet et la moitié du mois d’août) ne seront pas récupérés.

Sur un autre registre et dans le même sillage, la crise a également concerné les jeunes habitués à louer le matériel de plage durant la saison estivale, mais aussi les transporte­urs (taxis et bus) qui ont «souffert» du manque de clients.

Les plages d’Oran ont au final enregistré globalemen­t un afflux modéré, confirmé par les chiffres officiels avec, jusqu’à la même période, 5 millions d’estivants cette saison, contre 19 millions l’an dernier.

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L’activité touristiqu­e (ici à Aïn El Türck) a été frappée de plein fouet par la pandémie

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