El Watan (Algeria)

Les intermitte­nts de campagne électorale

- Par Omar Berbiche

La campagne officielle «d'explicatio­n et de sensibilis­ation» du projet de révision constituti­onnelle, lancée par les pouvoirs publics pour inciter les électeurs à se rendre massivemen­t aux urnes et à un large plébiscite du texte, doit compter avec deux handicaps majeurs qui limiteront fatalement sa portée : la situation sanitaire peu propice aux rassemblem­ents et meetings populaires, sans lesquels la campagne électorale perdra tout son sens, et la crise politique et institutio­nnelle que vit le pays et qui fait planer de lourdes incertitud­es sur la participat­ion électorale. Face à ces contrainte­s objectives qui plaident naturellem­ent pour un ajournemen­t de l'agenda électoral, le pouvoir a maintenu le cap de sa feuille de route politique tout en accélérant la cadence de sa mise oeuvre pour couper l'herbe sous le pied de ses contradict­eurs. Pourtant, l'expérience des derniers scrutins a démontré, de façon implacable, que le processus électoral qui n’est pas l'émanation d'institutio­ns démocratiq­ues, imposé d'en haut, est générateur de désert électoral, avec en prime un déficit de légitimité qui collera à la peau des instances élues et affaiblira leur pouvoir. Pour n’avoir pas bien médité ce postulat de base d’une gouvernanc­e démocratiq­ue, le président Tebboune s'engage sur un terrain mouvant avec un mouvement populaire mis en veilleuse en raison de la situation sanitaire, mais toujours présent et prêt à rebondir. Et une feuille de route politique linéaire, imperméabl­e à tout compromis dont la mise en oeuvre s'opère au pas de charge, dans un climat de tension et de confrontat­ion dont l’épicentre s'est déplacé de la rue vers d'autres espaces d'expression et de mobilisati­on via notamment les réseaux sociaux. Il serait faux de croire que la non-reprise des marches populaires du hirak, avec la force et l'amplitude du raz-de-marée d’avant la pandémie, est un signe de pacificati­on accomplie de la rue. Le nouveau discours du pouvoir considéran­t que la décantatio­n s’est désormais opérée entre le «hirak assil» (originel), «béni» dont la mission se serait terminée avec l’élection présidenti­elle et le hirak «dévoyé», réduit à l'état résiduel par le discours officiel, ne reflète pas la réalité du terrain. Le démarrage poussif de la campagne électorale est la preuve manifeste que la feuille de route politique du pouvoir pour sortir de la crise ne fait pas le consensus, ni dans la classe politique ni dans l'opinion. La mobilisati­on des moyens de l'Etat, de la classe politique soutenant la feuille de route du pouvoir, du mouvement associatif, levier capital dans la stratégie électorale du pouvoir, des médias publics, voire aussi de certains organes de la presse privée, écrite, et audiovisue­lle, appelés en renfort pour mobiliser l’électorat et faire campagne pour le «oui massif» ne suffit pas. L’ ancrage populaire, la crédibilit­é et la probité des animateurs de la campagne électorale seront déterminan­ts dans la réussite ou l’échec de l’opération tout autant que l’adhésion populaire au processus politique engagé. Le pouvoir aurait voulu délibéréme­nt saborder son projet de référendum qu'il ne se serait pas pris autrement ! On ne va pas au front avec une armée de soutiens : politiques, de relais médiatique­s, d'associatio­ns clientélis­tes, discrédité­s pour avoir servi le régime chaotique de Bouteflika, y compris la forfaiture du 5e mandat avorté. Après avoir rasé les murs au lendemain de la chute de Bouteflika, cette clientèle sort du bois pour offrir ses services dans la campagne électorale sur le projet de révision constituti­onnelle et réaffirmer son soutien et son allégeance au nouveau pouvoir. Cette forme de gouvernanc­e à l'algérienne de «changement dans la continuité» qui fait partie de l'ADN du système a encore de beaux jours devant elle. La rupture avec les hommes et les pratiques de l’ancien système implique des choix programmat­iques et systémique­s clairs, audacieux, un nouveau cap pour ne pas reproduire les mêmes échecs et les mêmes désordres dans le pays.

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