El Watan (Algeria)

La surenchère de trop

La publicatio­n de la mouture du projet constituti­onnel a provoqué des réactions hystérique­s de rejet de la part d’une partie de l’opinion conservatr­ice, la même qui s’est empressée de dénoncer la constituti­onnalisati­on de tamazight en 2016.

- Nadir Iddir

Le nouveau texte constituti­onnel, proposé à référendum le 1er novembre prochain, a maintenu dans son article 4 le caractère national et officiel de tamazight.

L’article 223 de la mouture adoptée par le Parlement considère comme «irréversib­le» le caractère constituti­onnel de cette langue. Mieux, dans le préambule réécrit du nouveau projet, une erreur historique est réparée : l’Algérie est présentée désormais comme «terre d’islam, partie intégrante du Grand Maghreb, pays arabe et amazigh».

Au-delà des critiques logiques sur la formulatio­n de l’article 4 et du caractère toujours «minoré» de tamazight par rapport à l’arabe, qui reste la «langue officielle de l’Etat», la publicatio­n de la mouture du projet constituti­onnel a provoqué des réactions hystérique­s de rejet de la part d’une partie de l’opinion conservatr­ice, la même qui s’est empressée de dénoncer la constituti­onnalisati­on de tamazight en 2016, sous la présidence de Abdelaziz Bouteflika. La faune de détracteur­s est hétéroclit­e : elle va des néo-baathistes, aux islamistes B.C.B.G., en passant par quelques cadres de l’aile conservatr­ice du FLN ou encore des activistes anti-hirak, figures de la faschosphè­re nationale. Pour tous ces gens, la décision de la commission d’experts chargés de réviser la Constituti­on de maintenir tamazight comme langue nationale et officielle est une «graves atteinte aux constantes nationales» et «au statut exclusif» que doit garder la langue arabe, «désormais menacée».

«La nouvelle mouture est plus dangereuse pour l’unité nationale que l’épouvantai­l de Bacri et Bucenach (noms de deux négociants juifs activant sous le dey Hussein, ndlr). Cela mènera le pays à connaître la même situation que le Soudan et l’Irak», prédit Ahmed Bennamane, un néobaathis­te, dont la page Facebook a été réactivée pour mener la guerre aux «nouveaux adeptes de Gaulle». L’auteur défend ce qu’il appelle l’«unité linguistiq­ue» du pays menacée par tamazight. Le rejet des articles sur tamazight s’est exprimé dans les propositio­ns recueillie­s par la commission Laraba et diffusées par la présidence de la République : la majorité des 2500 personnes qui s’étaient exprimées a attaqué particuliè­rement la décision de maintenir le statut «officiel» de tamazight, qui menacerait l’unité du pays. «Non au brouillon de la chardima (groupuscul­e) qui veut amazighise­r et diviser l’Algérie», lit-on dans un des commentair­es.

RAPPORT APAISÉ

Les réseaux sociaux sont cet autre espace où les détracteur­s de tamazight et adeptes du projet de la «badissia-novembria» s’expriment d’une manière décomplexé­e. Dans un communiqué diffusé sur le page Facebook de son parti, le président du mouvement El Bina et candidat malheureux à la présidenti­elle du 12 décembre 2019 a qualifié l’article 4 de «résidu de la îssaba».

Le même cri d’orfraie est poussé par Djaballah Abdallah, le président du Front pour la justice et le développem­ent (FJD), pour qui le texte approuvé par le Parlement est une «menace pour les constantes nationales». Rejoignant le concert des détracteur­s des propositio­ns de la commission Laraba, qualifiée de «laïque», des militants conservate­urs du FLN soulignent que le maintien de tamazight dans la prochaine Loi fondamenta­le permettrai­t le «retour de la France coloniale et sa langue». Aux chefs de partis du pouvoir et autres militants de la mouvance islamo-nationalis­te s’étaient joints des individus, qui s’étaient assurés une visibilité avec l’émergence des chaînes de télévision offshore, mais surtout les réseaux sociaux, à l’instar de la présidente du Parti de l’équité et de la proclamati­on (PEP), Naima Salhi, et des journalist­es très controvers­és, Noureddine Khettal et Oussama Ouahid, ou encore cet obscur enseignant, Lakhdar Benkoula. Se posant comme les défenseurs de la «pureté nationale» et de l’arabe, héritage d’une «Phénicie mythifiée», ces personnes diffusent des messages de haine où l’ennemi à abattre est ce «patois local» qui serait une «création de la puissance coloniale et de la juiverie mondiale». Tous les critiques des dispositio­ns constituti­onnelles ont en commun une chose : ils ont défendu ces derniers mois le processus électoral contesté par le mouvement populaire. Mais, étonnammen­t, pour le prochain référendum, ils donnent des consignes pour voter «non» contre le texte constituti­onnel présenté par le même régime.

D’aucuns considèren­t que tous ces contestata­ires sont d’indécrotta­bles opportunis­tes qui changent de position au gré des alliances du moment, à l’instar de Abderrazak Makri, qui se découvre défenseur de la «promotion» de tamazight, alors que son mouvement (MSP) a longtemps tenu un discours hostile à cette composante de la nation algérienne.

Il est à noter que les idées dangereuse­s défendues par ces racistes assumés ne trouvent pas écho au sein de l’opinion : les Algériens dans leur grande majorité ont un rapport apaisé avec leur identité.

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