El Watan (Algeria)

«J’essaye de contribuer à la sauvegarde du patrimoine algérien»

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Dans cet entretien, Rachik Bouanani nous détaille le récit de son aventure afin de réaliser son Beau Livre, mais aussi nous raconte son parcours de plus de 30 ans d’expérience dans la photograph­ie.

Entretien réalisé par Amina Semmar

De quelle manière êtes-vous venu dans l’univers de la photograph­ie ?

Il y a eu un déclic et le déclic. Il m’est venu lorsqu’un jour, je suis passé devant la grande poste. On y voit beaucoup de vendeurs de cartes postales. Et c’est comme si, les images étaient figées dans le temps. Dans les années 60 ou 50 quelqu’un a pris ces photos et a arrêté le temps. En fait, il m’a transmis sa passion. C’est à ce moment-là que je me suis dit : pourquoi ne pas faire la même chose. Je voulais faire partie de ce cycle en faisant des photos à un moment donné d’une vie. Le projet a changé avec le temps. C’est un métier que j’ai commencé dans les années 90, et plus sérieuseme­nt en 2000.

Comment définiriez-vous votre travail ? J’essaye de contribuer à la sauvegarde du patrimoine algérien. C’est très important pour moi, car on le voit, qui est en train de disparaîtr­e. Nous pouvons remarquer que la nouvelle génération n’accorde pas assez d’importance à son patrimoine. Et pourquoi ne pas vulgariser et simplifier afin que cela soit plus accessible. C’était le but du livre de Béjaïa. Il va être abordable pour la nouvelle génération. En le lisant, ils vont voir que c’est quelque chose qui les intéresse. Dans mon livre, ils y trouveront la bibliograp­hie et auront l’occasion de lire plus de livres et même faire des recherches. En plus, avec internet, c’est d’autant plus facile.

Pouvez-vous nous détailler le contenu de votre dernier ouvrage Béjaïa, terre de lumières ?

Il y a environ 60% de photos et 40% de textes. Le livre raconte trois histoires. Le récit photograph­ique, un récit de voyages qui retrace comment j’ai rencontré ces personnes, mais aussi quel a été le quotidien de ces Béjaouis. Il y a aussi le récit de l’histoire qui raconte comment Béjaïa est passée par toutes les couches civilisati­onnelles depuis l’antiquité. D’ailleurs, cette partie-là a pris de l’importance dans le livre parce que nous avons pu l’accompagne­r de photos. Il y a beaucoup de vestiges qui sont toujours là et que nous devons préserver. C’est notre mémoire collective.

Que représente pour vous Béjaïa ?

Béjaïa, c’est la ville de mes ancêtres. Je suis originaire de Barbacha, il y a beaucoup de souvenirs qui sont liés dans ma tête, dont je n’arrive pas à me remémorer. Pourtant, nous y allions tous les étés. Mais j’ai commencé à lier ces points-là, et j’ai même pu repasser par tous les endroits empruntés lorsque j’étais petit. J’ai eu beaucoup de plaisir à faire le livre de Béjaïa.

Quelle a été votre meilleure photo... et la moins bonne ?

Les meilleures photos sont toujours celles qui sont en relation avec les personnes, car il y a toute une histoire derrière cette photo. Pour celles qui sont moins bonnes, ce sont celles où nous sommes obligés de faire et qui sont liées à du stress. Par exemple, la mosaïque qui se trouve à l’APC de Béjaïa qui a été déterré lorsque l’hôpital Frantz Fanon a été construit. En raison de barrières humaines importante­s, il m’a été très difficile de la faire. Ce stress-là, c’est là où je garde le plaisir le moins plaisant.

Quels sont les meilleurs aspects que vous appréciez le plus dans ce métier ?

En fait, il y en a deux. Le premier est la chaleur humaine. Quand je parle aux gens et qu’ils me racontent leur vie, cela me fait chaud au coeur. Et le deuxième, c’est le calme, notamment lorsque je monte au somment de la montagne afin d’attendre le lever du soleil et que je me retrouve seul à 5h00 du matin. Surtout si on arrive à faire monter un petit thé ou café avec nous, c’est la quiétude ou le moment jouissif de la journée. Il m’arrive de rester jusqu’au. Parfois, je reviens à la même place, car le soleil ne sera pas exactement au même endroit ni placé de la même manière, donc cela me fera une deuxième photo avec un angle de lumière différent. Si je devais estimer la durée de ce travail, il est entre six à sept heures au même endroit.

Quel matériel photo utilisez-vous ?

Tout d’abord, il faut toujours avoir deux appareils photos et je travaille exclusivem­ent avec des Fujifilm. Dans le sac à dos, il faut avoir de la place et nous devons être le plus léger possible. C’est pourquoi je ne peux pas me balader avec un grand Canon, ce n’est pas pratique pour moi. Le Fujifilm est selon moi un bon compromis. En ce qui concerne les objectifs, j’en possède trois types. Un grand-angle, un de 50 millimètre­s, lorsque je suis en ville ainsi qu’un de 200 millimètre­s si je ne peux pas m’approcher de plus près.

Avez-vous des idées ou des projets pour l’année à venir ? Un prochain ouvrage par exemple ?

J’ai actuelleme­nt deux projets. Le premier est de refaire le livre Dzair. Par la suite, ce qui m’intrigue, ce sont les portes du Sahara, les villes de Biskra et Bou Saâda. Il y a de très beaux paysages. De plus, les habitants sont très chaleureux. Un mot pour la fin ?

Le plus important pour moi, c’est que la nouvelle génération algérienne (bien qu’elle soit très épanouie) comprenne que le patrimoine est une mémoire fictive. La balle est maintenant dans leur camp, il faut vraiment qu’il sauvegarde ce patrimoine. Car nous en avons qu’un seul, et il ne faut surtout pas le perdre. Si cela arrive, nous ne pourrons plus jamais le récupérer. A. S.

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La beauté magique de Béjaïa
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car il y a toute une histoire derrière.»
«Les meilleures photos sont toujours celles qui sont en relation avec les personnes, car il y a toute une histoire derrière.»

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