El Watan (Algeria)

Manchester, pourquoi ?

-

Comment pouvais-tu ôter la vie, sauvagemen­t à Ammar. Lui qui avait fui les menaces, les injustices, la hogra avec toutes les significat­ions qu’elle peut avoir. Manchester, sais-tu qu’ici, chez moi, on lui avait volé ses rêves de jeune cadre de la jeunesse et des sports, ses ambitions d’écologiste, sa qualité d’humain, simplement ? Au fait, Ammar n’avait pas fui son Algérie, non non... mais une mort... intellectu­elle, sociale, culturelle. Manchester, pourquoi ? Pourtant, il t’avait choisie parmi toutes les villes du monde... Il t’avait adoptée et toi, aussi, tu lui donnais cette impression de l’avoir accepté. L’ aurais-tu trompé. Serais-tu ingrate, inhumaine à ce point ? Ya Rabbi, peut-on mourir à trente ans, à l’aurore d’un dimanche d’automne, seul dans une rue sombre d’Angleterre ? Amar, tu m’avais appelé et moi, distrait - peut-être même, idiot - j’ignorais que tu allais à la rencontre de ton destin. Pardon khouya, je te jure que je ne le savais pas. Toi, tu le pressentai­s, ne prétends pas le contraire puisque dans une vidéo, tu nous priais d’être unis, nous les Algériens. Une prémonitio­n, non un testament. Tu revenais de Londres, je crois. Tu étais dans un train, tout un wagon pour toi, veinard ! Tu sais khouya, bête que je suis, je pensais que tous ceux qui sont dans un train reviennent forcément de Londres. Ne ris pas, khouya, je ne peux pas tout savoir. Non, la vérité - comme tu le sais - j’ai parcouru 27 capitales... sauf Londres. Tu sais pourquoi ? Ne m’en veux pas, et smahli : Je pressentai­s qu’elle était sournoise, pernicieus­e, assassine... mais bon, maalich et pardon surtout, tu n’aurais pas aimé que je dénigre un pays beau, hospitalie­r que tu as choisi. Ouallah je suis sincère. Car à vrai dire, elle n’y est pour rien, l’Angleterre. Cette aube-là de dimanche de fin d’été, trois monstres t’ont assassiné. Ammar khouya, ce ne sont même pas eux... excuse mon fatalisme, il était écrit que tu quitterais ce monde loin de ta maman, tes frères, tes soeurs, tes amis, tes ennemis... aussi. Ammar, j’ai été chez toi cet après-midi. J’ai vu pratiqueme­nt toute ta famille... sauf ta maman. Tu voulais savoir ce qu’elle disait, ce qu’elle faisait ? Smahli khouya de te le dire : les vagues de ta mer, en bas, comme te pleurant, se fondaient dans le coeur d’une maman et n’en faisaient qu’un. Que pouvaisje faire. On te pleurait tous. Mais, pardonne-moi, khouya, je n’ai pas vu ta mère. Je ne pouvais pas ! Ammar, je t’attends à l’aéroport. Reviens vite khouya. Parce que tu retournera­s à ta patrie et personne ne pourra t’interdire d’y dormir. Besslama khouya, smahli!

Chahreddin­e Berriah

 ??  ?? Le sourire radieux du jeune Algérien, Ammar Terbeche, arraché à la vie
Le sourire radieux du jeune Algérien, Ammar Terbeche, arraché à la vie

Newspapers in French

Newspapers from Algeria