«Sans un ré-engineering total de l’industrie du pays toutes les autres actions sont vouées à l’échec»
Vous étiez dans l’équipe de négociation au moment de la création de cette société ; racontez-nous…
Le projet «chariots élévateurs» a connu, depuis son initiation, plus d’une péripétie pour des raisons politiques et stratégiques. Engagé au début des années 1980, sous le gouvernement Abdelhamid Brahimi, et suivi au départ par le vice-ministre de l’Industrie de l’époque, il semblait être bien parti compte tenu des concurrents «partenaires» en course : les deux japonais Komatsu et Toyota et le bulgare Balkancar.
Cependant, la vision algérienne du «tout intégré» de l’époque et des quantités de produits finis en rapport avec la situation de monopole (vision immédiatement remise en cause dès l’ouverture du marché national aux produits importés) ont fait porter le choix, politique oblige, sur le bulgare Balkancar dont les chariots de qualité bien moindre par rapport à ses deux concurrents japonais sont pratiquement les seuls produits dans le marché du Comecon, dont la Bulgarie est membre fondateur, qui proposait un taux d’intégration en rapport avec la demande algérienne au détriment des Japonais qui proposaient des niveaux d’intégration en rapport avec la compétitivité du produit fini.
Vous dites que le choix était politique...
Le choix était politique car en pleines négociations et à la surprise des négociateurs, le chef du gouvernement de l’époque annonçait dans un journal national que le «chariot élévateur» se fera avec les Bulgares. Il ne restait plus aux «décideurs subalternes» qu’une option : exiger des outils de production ouest-allemands, la chaîne montage, propre aux chariots de Balkancar, exclue. Deux événements vont alors affecter de manière cruciale l’avenir du projet, devenu la société German (de GERbage et MANutention) : d’abord l’éclatement de l’URSS et du Comecon, laissant les grands producteurs communistes sans marchés de monopole, pour ne pas dire sans marché du tout, et ensuite l’ouverture du marché algérien conjuguée à une nette diminution des besoins en «chariots élévateurs».
Le produit de German n’étant plus compétitif (non seulement en qualité mais également en prix et en service après-vente) et son marché rétracté comme une peau de chagrin, la société a tenté de travailler avec un autre fabricant anglais. Les choses ont évolué ensuite vers d’autres stratégies «brinquebalantes» pour des solutions de rapiéçage, compte tenu du déclin de l’industrie, tant de la mécanique que de l’électromécanique et l’électroménager. German
s’est retrouvée confrontée à des situations de non-visibilité compte tenu de l’absence de stratégies nationales, les différentes tentatives de restructuration, holdings, groupes, etc. ayant toutes démontré leurs limites à très court terme.
Pensez-vous que German a des chances de retrouver son marché et des perspectives ?
En l’absence d’une véritable stratégie nationale visant à un ré-engineering total de l’industrie du pays (tous produits confondus) en rapport avec l’évolution locale, régionale et internationale, toutes les autres actions au niveau microéconomique seront coûteuses, inutiles et ruineuses tant sur les plans accumulation du savoir-faire, modernisation des produits finis, préservation des emplois que sur tant d’autres plans (économique, etc.) et sont vouées à l’échec. N. N.