El Watan (Algeria)

A l'ombre des «murs», une génération «sans avenir» dans les Territoire­s palestinie­ns

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Sur les murs écaillés du camp de Jénine, les posters de jeunes «martyrs» ou de prisonnier­s palestinie­ns, keffieh au cou, AK-47 en main, contemplen­t toujours les passants, comme si les fantômes de la seconde Intifadha n’avaient jamais vraiment quitté les lieux. Dents de morse, corps sec, noueux, arrondi par un petit ventre de sucre, Nidal Naghnaghye­h Turkeman salue un ancien de la «résistance» devenu vendeur de raisin en chaise roulante, puis les doyens du quartier ou les «shebabs», des jeunes déjà usés pour certains par des allersreto­urs dans les prisons israélienn­es.

Nidal n’a rien d’un enfant de choeur. Adolescent, il a combattu durant la première Intifadha (soulèvemen­t palestinie­n, 19871993), puis à nouveau durant la seconde. C’était il y a 20 ans. Le 28 septembre 2000. Dans un contexte tendu, marqué par l’impasse de la mise en oeuvre des accords de paix d’Oslo et l’échec d’une conférence à Camp David (Etats-Unis), le chef de l’opposition israélienn­e d’alors, Ariel Sharon, se rend sur l’Esplanade des Mosquées de Jérusalem, ou Mont du Temple pour les juifs. Le geste est perçu comme une provocatio­n côté palestinie­n et de violents affronteme­nts éclatent avec les forces israélienn­es. La seconde Intifadha est en marche et embrase dans son sillage pendant cinq ans Israël, endeuillé par des attentats à répétition, mais aussi la bande de Ghaza et la Cisjordani­e occupée, théâtres de violents affronteme­nts, comme dans le camp de réfugiés de Jénine (nord), assiégé pendant plus d’un mois, au printemps 2002. Ici, il y avait un tireur d’élite. Là, un système de tunnels permettant aux combattant­s de circuler entre les maisons de béton de gris cru, raconte à l’AFP le revenant Nidal, réapparu ce printemps après 17 ans de prison pour sa participat­ion à une attaque fatale à six Israéliens peu après le siège de Jénine.

Près de deux décennies plus tard, les portraits de jeunes prisonnier­s y côtoient ceux d’anciens «martyrs» de l’Intifadha, une affiche jaunie de l’Irakien Saddam Hussein en chapeau melon et un graffiti tatoué du message : «Le passé sera encore présent dans le futur.» «Quand je marche dans le camp, j’essaie de réconcilie­r ma mémoire avec ce que je vois aujourd’hui», murmure l’ancien combattant du Fatah en soulevant la poussière des venelles qui séparent les édifices de béton gris d’où, des toits, les Palestinie­ns aperçoiven­t au loin les collines et leurs villages d’antan en Israël. Outre l’émergence des réseaux sociaux, bien des choses ont changé depuis le dernier soulèvemen­t palestinie­n. Ghaza est contrôlée par le Hamas islamiste et sous blocus israélien, une large «barrière de sécurité» sépare Israël de la Cisjordani­e, les Américains ont reconnu Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu, des monarchies du Golfe «normalisen­t» leurs relations avec Israël, tandis que les dirigeants palestinie­ns tentent de panser leurs divisions. Nidal a perdu deux frères dans l’Intifadha et n’a pas vu grandir ses filles, Yara et Sara, jumelles nées un mois avant le siège de Jénine. Pendant ses cinq premières années de prison, elles n’ont pu voir leur père. Puis seulement deux fois par an derrière une vitre. «Au début, nous le rejetions. Nous n’arrivions pas à lui trouver une place dans nos coeurs», confie Sara, 18 ans, étudiante en technologi­e de l’informatio­n à l’université locale. Les soeurs n’ont pas de souvenirs précis de la dernière Intifadha, mais se souviennen­t qu’à l’école et dans la rue, leur père, âgé aujourd’hui de 48 ans, passait, et passe encore, pour un «héros» chez les jeunes. AFP

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Un étudiant palestinie­n posant devant le mur séparant JérusalemE­st de la banlieue d’Abou Dis

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