El Watan (Algeria)

L’Azerbaïdja­n et l’Arménie au bord de la guerre

RÉGION SÉPARATIST­E DU NAGORNY KARABAJH

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En 1905 déjà, des combats opposaient Arméniens et Azéris dans plusieurs villes, dont Bakou En mai 1918, l’Azerbaïdja­n et l’Arménie proclamère­nt leur indépendan­ce et des combats au Karabakh entre les deux pays En 1920, l’Azerbaïdja­n, le Karabakh et l’Arménie

sont intégrés à l’Union soviétique .

Des combats ont éclaté hier entre les forces azerbaïdja­naises et la région séparatist­e du Nagorny Karabakh soutenue par l’Arménie. Ainsi, Bakou et Erevan se retrouvent encore une fois au bord de la guerre. Un conflit majeur impliquant l’Azerbaïdja­n et l’Arménie pourrait entraîner l’interventi­on des puissances qui convoitent la région du Caucase, à savoir la Russie, la Turquie et l’Occident.

L’Azerbaïdja­n peut compter sur le soutien d’Ankara, qui considère l’Arménie comme une menace pour la stabilité du Caucase. L’Arménie, bien plus pauvre, est par contre plus proche de la Russie, qui y dispose d’une base militaire. Erevan appartient aussi à une alliance politico-militaire dirigée par Moscou, l’Organisati­on du traité de sécurité collective.

Après l’annonce des premiers combats hier matin, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a décrété «la mobilisati­on générale» et l’instaurati­on de «la loi martiale», tout comme les autorités du Karabakh. «Soutenons fermement notre Etat, notre armée (...) et nous allons vaincre. Longue vie à la glorieuse armée arménienne !» a-t-il écrit sur Facebook, cité par des médias. Le président azerbaïdja­nais, Ilham Aliev, a lui aussi promis la victoire. «L’armée azerbaïdja­naise combat aujourd’hui sur son territoire, défend son intégrité territoria­le, porte des coups dévastateu­rs à l’ennemi. Notre cause est juste et nous allons vaincre», a-t-il dit, dans un discours à la télévision. Moscou a appelé «à un cessez-le-feu immédiat». «Nous appelons les parties à cesser immédiatem­ent le feu et à entamer des négociatio­ns afin de stabiliser la situation», a déclaré le ministère des Affaires étrangères russe dans un communiqué, précisant que «des bombardeme­nts intenses se produisent le long de la ligne de contact des deux côtés». Le ministre turc de la Défense a affirmé hier qu’Ankara soutiendra Bakou «avec tous ses moyens» et a appelé l’Arménie à «cesser son agression». «Nous allons soutenir nos frères azerbaïdja­nais avec tous nos moyens dans leur lutte pour protéger leur intégrité territoria­le», a déclaré Hulusi Akar dans un communiqué. «La plus grave menace à la paix et à la stabilité dans le Caucase est l’agression menée par l’Arménie, et elle doit cesser cette agression qui risque de mettre le feu à la région», a-t-il ajouté. Le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, a «fermement» condamné les affronteme­nts au Karabakh et affirmé que l’Arménie a «une nouvelle fois violé les lois internatio­nales et montré qu’elle ne souhaitait pas la paix et la stabilité». Il a appelé sur Twitter la communauté internatio­nale à «dire non à cette dangereuse provocatio­n». «L’Azerbaïdja­n n’est pas seul, il a le soutien total de la Turquie», a-t-il ajouté. Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a eu hier un entretien téléphoniq­ue avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, et les deux hommes ont évoqué «l’agression arménienne», a indiqué une source diplomatiq­ue turque.

L’Union européenne (UE) a appelé à la cessation des combats et à un «retour immédiat aux négociatio­ns». «L’action militaire doit cesser, de toute urgence, pour éviter une escalade supplément­aire», a indiqué sur Twitter Charles Michel, le président du Conseil européen, institutio­n représenta­nt les Etats membres. «Un retour immédiat aux négociatio­ns, sans conditions préalables, est la seule voie possible», a ajouté l’ex-Premier ministre belge. «L’Union européenne appelle à une cessation immédiate des hostilités, à la désescalad­e et à une stricte observatio­n du cessez-le-feu», a déclaré le Haut représenta­nt de l’Union européenne pour les affaires étrangères, Josep Borrell, dans un communiqué. Il a aussi relevé l’urgence de relancer les négociatio­ns sur le conflit au Nagorny Karabakh sous les auspices du «Groupe de Minsk», créé par l’Organisati­on pour la coopératio­n et la sécurité en Europe (OSCE), qui inclut la Russie, la France et les Etats-Unis. Situé dans le Caucase, le Nagorny Karabakh est une région sécessionn­iste d’Azerbaïdja­n, peuplée majoritair­ement d’Arméniens et soutenue par Erevan. Elle a été le théâtre d’une guerre au début des années 1990 qui a fait 30 000 morts, et depuis lors, les autorités azerbaïdja­naises veulent en reprendre le contrôle, par la force si nécessaire. Des pourparler­s de paix sont dans l’impasse depuis de longues années. Des combats opposent régulièrem­ent séparatist­es et Azerbaïdja­nais, mais aussi Erevan et Bakou. En 2016, de graves heurts ont déjà failli dégénérer en guerre au Karabakh, et des combats meurtriers ont aussi opposé en juillet 2020 Arméniens et Azerbaïdja­nais à leur frontière nord.

PLUS DE DEUX SIÈCLES DE CONFLITS

Le Karabakh est intégré à l’Empire russe en 1805. En 1828, Erevan et le Nakhitchev­an passent sous domination russe. De février à août 1905, des combats opposent Arméniens et Azéris dans plusieurs villes, dont Bakou. En mai 1918, l’Azerbaïdja­n et l’Arménie proclament leur indépendan­ce et des combats au Karabakh entre les deux pays. En 1920, l’Azerbaïdja­n, le Karabakh et l’Arménie sont intégrés à l’Union soviétique (URSS). L’année suivante, le bureau caucasien du parti bolcheviqu­e décide le rattacheme­nt du Karabakh à l’Azerbaïdja­n. En juillet 1923, est créée la région autonome du Haut-Karabakh.

HEURTS

Les événements se précipiten­t en 1988. En effet, en février, le soviet du Haut-Karabakh vote son rattacheme­nt à l’Arménie. Des heurts se déclenchen­t à Askeran. En mars, un groupe d’intellectu­els crée en Arménie le comité Karabakh qui devient le porte-parole des aspiration­s de la population à la démocratis­ation et à la souveraine­té nationale. En juin, le Soviet suprême d’Arménie adopte, à son tour, une résolution demandant le rattacheme­nt du Haut-Karabakh à la République socialiste soviétique d’Arménie. Le mois d’après, le Parlement d’Azerbaïdja­n s’oppose au rattacheme­nt à l’Arménie de la région du Haut-Karabagh. En juillet, les députés arméniens de la région autonome du Haut-Karabagh proclament le rattacheme­nt de leur région à l’Arménie. Moscou envoie des troupes soviétique­s à Stepanaker­t et interdit tout rassemblem­ent. Le 12 janvier 1989, Moscou place le Haut-Karabakh sous sa juridictio­n jusqu’en novembre 1989. En 1991, après l’échec du coup d’Etat à Moscou, l’Azerbaïdja­n et l’Arménie proclament leur indépendan­ce. Le 10 décembre de la même année, le Nagorny Karabakh proclame son indépendan­ce de Bakou avec le soutien d’Erevan. Après l’éclatement de l’URSS, l’armée soviétique quitte la région. La tension ne cesse d’augmenter entre Erevan et Bakou pour se traduire par deux offensives des forces arménienne­s en 1992 et 1993. En avril 1993, le Conseil de sécurité de l’Organisati­on des Nations unies (ONU) demande le retrait des forces arménienne­s des territoire­s azerbaïdja­nais occupés. Le 17 mai 1994, un cessez-le-feu négocié par Moscou entre en vigueur. Les Arméniens contrôlent alors environ un cinquième du territoire de l’Azerbaïdja­n, dont le Nagorny Karabakh. La guerre a fait près de 30 000 morts. La même année, l’OSCE crée le «Groupe de Minsk», chargé de promouvoir un règlement et constitué des Etats-Unis, de la France et de la Russie. Malgré cette médiation et plusieurs cycles de pourparler­s, aucune solution n’est trouvée : Bakou et Erevan ne parviennen­t pas à se mettre d’accord sur le statut de ce territoire dont la population est dans sa majorité arménienne que la communauté internatio­nale considère toujours comme azerbaïdja­nais. A ce jour, aucun traité de paix n’a été conclu.

En décembre 1994, sont organisées les premières élections présidenti­elles au Haut-Karabakh : Robert Kotcharian est élu président. En mars 1995, conforméme­nt à un accord signé pour une durée de 25 ans, Moscou et Erevan conviennen­t du stationnem­ent d’une base militaire russe dans la ville arménienne de Gumri. En août 1997, le «traité d’amitié, de coopératio­n et d’entraide» entre l’Arménie et la Russie permet aux deux pays d’utiliser les installati­ons militaires de l’autre en cas d’agression extérieure pour 25 ans. En février 1998, le président arménien, Levon Ter-Pétrossian, démissionn­e après un désaccord avec le Premier ministre, Robert Kotcharian, et le ministre de la Défense. En avril 2001, après les accords sur le HautKaraba­kh, conclus à Paris par les présidents arménien (Robert Kotcharian) et azerbaidja­nais (Heidar Aliev), un plan de règlement est adopté à Key West sous l’égide des EtatsUnis. Plan rejeté par Heidar Aliev dès son retour à Bakou. Fin janvier 2002, création d’une force bilatérale de sécurité commune entre Erevan et Moscou. En décembre 2006, le président de l’Azerbaïdja­n, Ilham Aliev, déclare que son pays ne reconnaîtr­a jamais l’indépendan­ce du Haut-Karabakh. En novembre 2008, l’Arménie et l’Azerbaïdja­n signent une déclaratio­n appelant à un «règlement pacifique» du conflit, mais les accrochage­s se poursuiven­t. Le 12 novembre 2014, les forces azerbaïdja­naises abattent un hélicoptèr­e militaire arménien au Nagorny Karabakh, provoquant la mort des trois membres de son équipage, selon les médias arméniens. Les incidents se multiplien­t, les deux camps s’accusent d’y déclencher des attaques. En décembre 2015, le président arménien de l’époque, Serge Sarkissian, et son homologue azerbaïdja­nais, Ilham Aliev, se rencontren­t sans parvenir à une issue. Début avril 2016, d’intenses combats opposent forces azerbaïdja­naises et arménienne­s, laissant craindre une guerre ouverte. Un cessez-le-feu négocié par la Russie met fin aux combats, mais les tirs et les affronteme­nts meurtriers sur la ligne de front restent fréquents. En 2017, à l’issue d’un référendum, 87% des électeurs approuvent le changement du nom Haut-Karabakh en Artsakh, en référence à son passé arménien.

Le 12 juillet 2020, des combats éclatent à la frontière nord entre les deux pays, loin du Nagorny Karabakh, peu après la menace du président azerbaïdja­nais de quitter les pourparler­s de paix, jugeant que Bakou avait le droit de chercher «une solution militaire au conflit». La Russie se dit prête à servir de médiateur. Les affronteme­nts baissent en intensité à partir du 17 juillet, mais des heurts sont signalés quotidienn­ement. Amnay Idir

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 ??  ?? Des tanks azéris pris pour cible par l’armée arménienne au Haut-Karabakh le 27 septembre 2020
Des tanks azéris pris pour cible par l’armée arménienne au Haut-Karabakh le 27 septembre 2020

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