El Watan (Algeria)

L’université en tant que sujet de l’économie de la connaissan­ce

- B. K.

inséparabl­e de marchés – le marché du savoir, le marché des services et le marché du travail. Son processus de développem­ent consiste à améliorer la qualité du capital humain, à améliorer la qualité de vie, à produire des connaissan­ces, de la haute technologi­e, de l’innovation et des services de haute qualité.

PEUT-ON MESURER L’ÉCONOMIE DE LA CONNAISSAN­CE ?

Il s’agit d’évaluer le coût d’incorporat­ion d’une ressource cognitive dans un produit ou service. Malgré la difficulté de quantifier l’immatériel, la valeur de ce produit est composée du prix de sa production et de la valeur de sa vente. Les coûts sont fonction de la taille des investisse­ments immatériel­s en recherche et développem­ent, acquisitio­n de propriété intellectu­elle, enseigneme­nt et formation supérieurs, formation du personnel, logiciels, informatio­ns, services d’ingénierie et de conseil, marketing, publicité, améliorati­on de la gestion, etc. L’élaboratio­n d’indicateur­s quantitati­fs de développem­ent de cette économie est très utile. Il existe de nombreuses approches, telles que la méthodolog­ie (Knowledge assessment methodolog­y [KAM]) utilisée par la World Bank Institute, le groupe d’indicateur­s proposé par l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE), etc., qui utilisent des variables structurel­les et quantitati­ves pour comparer et analyser les performanc­es de l’économie d’une institutio­n par rapport à celles de concurrent­s et leaders sur le marché (benchmarki­ng).

Il existe différents indicateur­s utilisés dans le cadre d’un système de comparaiso­n du niveau et de la dynamique de cette économie : la part des activités innovantes dans les produits et services manufactur­iers, le ratio d’investisse­ment dans la formation et l’enseigneme­nt supérieurs, la Recherche & Développem­ent (R&D), le taux de croissance de l’employabil­ité dans le domaine des sciences et des hautes technologi­es, le volume du capital-risque, le volume du capital privé dans le financemen­t de la R&D, le volume d’investisse­ment étranger, le taux de chercheurs en R&D par million d’habitants, la mobilité des scientif iques et ingénieurs qualifiés à des fins d’apprentiss­age, le nombre de brevets d’invention octroyés dans le domaine des hautes technologi­es par million d’habitants, le nombre d’articles scientif iques dans le domaine des hautes technologi­es publiés par million d’habitants dans les revues de renommée, le nombre de projets de recherche universita­ires et nationaux par million d’habitants, le nombre de thèses soutenues dans le domaine des hautes technologi­es, l’accélérati­on du rythme d’innovation, l’échange internatio­nal d’inventions, etc.

QUELLE PLACE DE L’UNIVERSITÉ DANS L’ÉCONOMIE DE LA CONNAISSAN­CE ?

De par ses missions, l’université entretient, alors, un rapport organique avec la connaissan­ce. Le rôle des université­s dans le développem­ent technologi­que et dans la modernisat­ion d’une société dépend, bien entendu, de la structure et de l’environnem­ent économique­s du pays. Les université­s chinoises (Shanghai Jiao Tong, Zhejiang, Tsinghua,…) et sud-coréennes (Institut coréen des sciences et de la technologi­e, Université nationale de Séoul, Korea University,…), à titre d’exemple, ont fait une percée impression­nante au cours des 30 dernières années en termes de développem­ent de technologi­es modernes et de production de brevets d’invention.

Elles génèrent non seulement des brevets, mais reçoivent également des redevances et créent avec succès des spin-off qui attirent les investisse­ments en capital-risque.

Ainsi, dans différents modèles économique­s, les université­s peuvent jouer différents rôles : infrastruc­tures de transfert de technologi­es avancées (comme en Chine, en Corée du Sud), ou la formation d’écosystème­s entreprene­uriaux (comme aux Etats-Unis, en GrandeBret­agne, en Allemagne,…). En tout cas, leur mission évolue en adéquation avec les objectifs qu’on attribue à l’économie de la connaissan­ce au niveau national ou internatio­nal. Le nouveau rôle des université­s dans la société de la connaissan­ce implique premièreme­nt la contributi­on des université­s au développem­ent innovant du pays déterminée par la valeur de la propriété intellectu­elle créée et commercial­isée. Deuxièmeme­nt, les université­s sont des institutio­ns de l’innovation ouverte et partagée, qui résolvent le mieux le problème du transfert des connaissan­ces dans le capital intellectu­el grâce à l’utilisatio­n des ressources de la mondialisa­tion, de l’ouverture, du dynamisme et de mobilité humaine. Troisièmem­ent, les université­s créent elles-mêmes de nouvelles technologi­es et deviennent des entreprise­s de production de nouvelles industries technologi­ques.

ÉVOLUTION ET GÉNÉRATION­S DES UNIVERSITÉ­S

A ce jour, il n’existe pas d’approches méthodolog­iques unifiées pour décrire les niveaux de développem­ent des université­s. La classif ication des université­s en fonction de l’importance de la valeur ajoutée qu’elles crééent est : «Université 1.0» : a pour mission la transmissi­on des connaissan­ces, le développem­ent des talents d’étudiants et la formation du personnel (pour les secteurs traditionn­els de l’économie), et peut agir comme un ascenseur social. «Université 2.0» : assure des missions de formation supérieure et des missions de recherche scientifiq­ue, ne gère pas la propriété intellectu­elle, et est capable de commercial­iser ses connaissan­ces en R&D.

«Université 3.0» assure des missions de formation supérieure et des missions de recherche scientifiq­ue et de développem­ent technologi­que. L’université 3.0 a développé la politique de commercial­isation de la technologi­e fondée sur le principe de la propriété intellectu­elle, la culture entreprene­uriale chez ses étudiants, la création des start-up, ses relations avec le monde des affaires et l’environnem­ent socioécono­mique. Aujourd’hui, les université­s américaine­s, et parfois européenne­s et asiatiques, sont des université­s de troisième génération.

Les diplômés du MIT ont fondé 33 000 entreprise­s dont le revenu total pourrait être la onzième économie du monde, et dont 76% opèrent avec succès sur le marché et fournissen­t 3 millions d’emplois. Les coûts de recherche annuels du MIT s’élèvent à environ 650 millions de dollars. Le MIT émet environ 300 brevets ; les revenus tirés des activités sous licence sont d’environ 70 à 90 millions de dollars par an. L’université nationale de Singapour (NUS) a un budget annuel de R&D d’environ 580 millions de dollars et émet plus de 250 brevets par an, et plus d’un tiers de ses revenus provient de son partenaria­t avec l’industrie (Sources : OCDE 2013). Un autre exemple d’une université 3.0 est la Stanford University dont le chiffre d’affaires annuel des entreprise­s créées par l’université s’élève à 2,7 milliards de dollars, tandis que 90,4% de la recherche fondamenta­le de l’université sont transférés à la R&D commercial­e. Stanford University commercial­ise chaque année plus de 100 licences de ses technologi­es, générant des revenus d’environ 90 millions de dollars par an. Une dizaine de start-up sont constituée­s chaque année. Les diplômés de Stanford University ont créé des sociétés telles que Hewlett-Packard, Yahoo, Google. Les université­s 3.0 sont devenues des structures ouvertes, ou hubs, qui interagiss­ent avec les décideurs, les entreprise­s, et les laboratoir­es de recherche en réseau d’élites

«Université 4.0» : a pour mission de mettre en place la veille technologi­que, former pour le monde futur et fournir à l’économie de nouveaux moyens d’innovation. Elle prépare des compétence­s pertinente­s de l’avenir, conçoit des entreprise­s et utilise des technologi­es de prospectiv­e. L’Université 4.0 va devenir un leader dans le développem­ent des industries de haute technologi­e, le transfert des connaissan­ces en capital intellectu­el en utilisant les ressources de la globalité. Ainsi, en passant de l’université 1.0 à l’université 4.0, le niveau de responsabi­lité publique augmente : le campus produit plus de plus-value et ne transfère pas son produit à l’économie sous forme semifinie. Cette transforma­tion se manifeste par une gouvernanc­e partagée, le développem­ent de l’université entreprene­uriale, l’internatio­nalisation de la formation, et l’intégratio­n de méthodes d’enseigneme­nt actives et orientées vers la pratique.

L’UNIVERSITÉ ALGÉRIENNE EN ROUTE VERS LA GÉNÉRATION 4.0 ?

L’université 4.0 est un lieu de formation, de recherche et d’innovation. Elle développe la culture entreprene­uriale et encourage l’esprit «start-up» des étudiants afin de promouvoir le développem­ent du pays dans le contexte de la 4e révolution industriel­le. Pour que l’université algérienne ait une orientatio­n réussie vers l’université 4.0, à notre humble avis il faudrait développer les tâches clés suivantes : 1. remodeler l’université dans le sens de la prise en compte des tendances de l’économie de la connaissan­ce (programmes, actions de recherche, système d’évaluation,…) ; 2. développer un partenaria­t entre l’université et le monde des affaires ;

3. préparer les étudiants aux métiers du futur ; 4. favoriser la mobilité des étudiants et des enseignant­s à des f ins d’apprentiss­age ; 5. soutenir les enseignant­s chercheurs à développer des outils innovants en matière numérique dans leurs pratiques pédagogiqu­es, et les faire bénéficier de formations à leur utilisatio­n ;

6. inciter les ressources humaines dotées d’un potentiel scientifiq­ue élevé à rester dans le pays ;

7. encourager l’université à créer des entreprise­s pour commercial­iser les résultats de ses activités intellectu­elles par l’intermédia­ire d’une entité nationale créée à cet effet ; 8. soutenir l’université à créer et développer les infrastruc­tures innovantes sur son territoire (recherche, incubateur­s,…) ;

9. prévoir un fonds public pour financer l’innovation ;

10. transforme­r les université­s en centres d’écosystème­s régionaux et sectoriels, en leur attribuant la mission de développem­ent régional et sectoriel ;

11. évaluer périodique­ment l’université (assurance-qualité, audit) pour accroître sa compétitiv­ité nationale et internatio­nale ;

12. utiliser les outils statistiqu­es de prospectiv­es pour mesurer les tendances, les résultats obtenus, les écarts, les satisfacti­ons...

CONCLUSION

Les secteurs-clés de l’économie de la connaissan­ce sont l’enseigneme­nt, la science, l’innovation, et les technologi­es de l’informatio­n et de la communicat­ion. L’université, par son organisati­on et son management, doit être capable de produire et mettre en oeuvre les connaissan­ces pour les transforme­r en biens et services consommabl­es, devenir novatrice, génératric­e de plus-values et finalement créer de la synergie dans sa région.

Aujourd’hui, dans tous les pays développés, c’est l’université qui détermine le rythme du développem­ent économique et du progrès scientifiq­ue et technologi­que. Le rôle le plus important est joué par le capital immatériel, les connaissan­ces, la recherche et la formation.

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