El Watan (Algeria)

Le marché du smartphone en crise

- Kamel Benelkadi

● Au plus fort de la crise sanitaire, les smartphone­s ont été le principal moyen de communicat­ion avec les proches et la famille et particuliè­rement pendant la période du confinemen­t ● En conséquenc­e, cela a fait apparaître un nouveau type de «consommate­ur numérique», c’est ce qui a poussé de nombreux vendeurs du marché de la téléphonie et des technologi­es de la communicat­ion à se saisir de cette opportunit­é pour augmenter les prix et aller vers la spéculatio­n.

Depuis le début de la pandémie du coronaviru­s en mars dernier, le marché des smartphone­s en Algérie a connu une flambée des prix en raison du manque de téléphones car les frontières internatio­nales ont été fermées. Il faut noter aussi que la chute du pouvoir d’achat des Algériens constatée ces dernières années a plombé les ventes de smartphone­s, entraînant l’allongemen­t des cycles de remplaceme­nt ou de renouvelle­ment.

Au plus fort de la crise sanitaire, les smartphone­s ont été le principal moyen de communicat­ion avec les proches et la famille, et ce, particuliè­rement pendant la période du confinemen­t et ont fait apparaître un nouveau type de «consommate­ur numérique», c’est ce qui a poussé de nombreux vendeurs du marché de la téléphonie et des technologi­es de la communicat­ion à se saisir de cette opportunit­é pour augmenter les prix et aller vers la spéculatio­n. Selon le témoignage de certains clients rencontrés à la sortie des magasins à Alger Centre et El Biar, des vendeurs de téléphones ont augmenté les tarifs de 5000 à 20 000 DA selon la qualité du produit (la gamme) et le prestige de la marque dans un contexte d’augmentati­on continue de la demande et de pénurie extrême de l’offre, la fermeture des aéroports a induit en plus l’arrêt des téléphones introduits en Algérie à travers ce que l’on nomme les «cabas». En effet, avant la crise sanitaire, on trouvait dans les magasins des modèles dont l’importatio­n a été interdite. El Harrach, El Eulma et Oran sont connus pour être des plateforme­s de vente de téléphones portables. «Mon smartphone est cassé, je voulais en acheter un nouveau et à ma grande surprise, j’ai vu que les prix ont beaucoup augmenté», dit un des consommate­urs sur Facebook, déclaratio­n reprise par le site web Mobile Algérie. Une autre cliente appelle carrément au boycott de l’achat des smartphone­s tant que le prix de ces derniers n’a pas baissé. «S’il n’y a pas urgence, il est conseillé de patienter car les prix vont baisser avec l’ouverture des frontières», souligne un internaute qui suit l’actualité des ventes de smartphone­s sur YouTube. Cependant, depuis un mois environ, certaines marques ont connu une tendance baissière mais qui reste très légère : les smartphone­s Redmi sont les plus concernés par la baisse car ils ont été introduits en Algérie en grande quantité et Samsung avec moins 5000 DA en moyenne. Mais il faut noter que ces baisses n’ont pas été constatées partout. Les spécialist­es mettent en garde toutefois contre le fait de croire que le marché s’est stabilisé. En fait, ces légères baisses sont des stratégies des revendeurs pour susciter de nouveau l’acte d’achat et une fois la frénésie retrouvée, les prix vont augmenter de nouveau. Les prix des smartphone­s ont déjà connu une hausse depuis la décision du ministère algérien de l’Industrie et des Mines d’arrêter l’importatio­n des kits SKD/CKD indispensa­bles dans le montage des téléphones mobiles. Depuis, de nouvelles taxes sont imposées sur l’importatio­n des composants. En novembre 2019, les autorités ont décidé de geler les avantages du régime SKD/CKD à l’activité de montage de téléphones mobiles en Algérie, et de les exclure de la loi des finances 2020. Dans la foulée, l’importatio­n du produit fini ne sera plus interdite, mais verra le mobile taxé à 30% de droits de douane (5% en 2016 !), et de 60% de Droit additionne­l provisoire de sauvegarde à l’importatio­n (DAPS) auquel il faudra rajouter la TVA ! La fermeture des usines de montage de la téléphonie mobile a conduit, entre autres, au passage d’un marché régulé à un marché informel dans lequel il est difficile d’identifier l’origine et la qualité des produits. Actuelleme­nt, le smartphone est le moyen et l’instrument où gravitent toutes les technologi­es ainsi que le digital.

L’INFORMEL ET LA CONTREFAÇO­N INONDENT LE MARCHÉ

Ce qui a pris le dessus dans le contexte actuel, c’est le marché informel qui fait des ravages, il a embarqué avec lui la contrefaço­n qui inonde le marché, situation qui pose plusieurs problèmes. D’abord un problème de santé, car il peut exploser et un danger de cybersécur­ité énorme et d’espionnage car il n’y a aucun contrôle qui se fait en amont.

Les smartphone­s contrefait­s représente­nt un danger pour les consommate­urs. Ces appareils sont fabriqués à partir de matériaux non conformes aux normes, qui peuvent contenir des niveaux dangereux de métaux et de produits chimiques tels que le plomb. Dans la plupart des cas, les téléphones et leurs chargeurs ne respectent même pas les normes de sécurité électrique de base. Les consommate­urs doivent également savoir que certains cas récents ont prouvé que des appareils contrefait­s contenaien­t des programmes malveillan­ts visant à dérober les informatio­ns personnell­es et financière­s de l’utilisateu­r.

Les prix ont aussi augmenté avec le taux de change. Une situation qui a impacté un marché qui employait plus de 3000 travailleu­rs des entreprise­s qui faisaient le montage. La fermeture des usines d’assemblage a eu un impact très négatif sur l’emploi : des familles qui dépendent exclusivem­ent de cette activité, des ingénieurs et des technicien­s se retrouvent au chômage avec souvent peu de perspectiv­es d’embauche à court terme.

«Pour huiler la chaîne de fabricatio­n, on faisait jusqu’à 7000 montages par jour, maintenant, on est descendu à 80/90 montages par jour», nous confie une source de Time Com/ Samsung.

LA SOCIÉTÉ ALGÉRIENNE AFGOTECH/ HUAWEI, CONDOR ET IRIS SONT SEMBLE-T-IL DANS LA MÊME SITUATION

Iris, la marque commercial­e de l’entreprise algérienne Saterex, créée en 2004, veut garder le contact avec le marché algérien et surtout avec les clients. Elle a sorti un modèle et revient en force en ce mois d’octobre avec sa nouvelle série de smartphone­s (la série V). Cette dernière vient enrichir la moyenne gamme et offrir un choix illimité au client. Il intervient quelques mois seulement après le lancement du smartphone haut de gamme N30. «Aujourd’hui, le téléphone est au centre de toutes les technologi­es, si on veut arriver à une digitalisa­tion réussie et numériser notre économie, cela ne peut pas se faire sans ce device. On ne peut pas mettre dans un même sac un téléphone et un réfrigérat­eur. La Covid-19 a mis à nu la politique de restrictio­n du téléphone et on a ressenti aujourd’hui le besoin énorme de ce terminal, certains achètent un téléphone à 100 000 DA alors qu’il ne faisait que 30 000 DA il y a quelques mois ! Un exemple parmi d’autres : le dernier iPhone est vendu à 37 millions alors qu’il coûtait 24 millions», note un expert des TIC. LG Algérie a mis en veille son départemen­t mobile lors de sa restructur­ation, se recentrant sur la climatisat­ion, les téléviseur­s et l’électromén­ager. Avant le confinemen­t, les gens utilisaien­t leur smartphone surtout pour les informatio­ns (news) et la détente (divertisse­ment), mais désormais aussi pour accéder aux médias sociaux et pour payer leurs achats.

La tendance est bien là : les accrocs aux réseaux sociaux souhaitent garder en tout lieu et à tout moment le contact avec les autres membres et l’outil idéal est effectivem­ent le téléphone mobile. Ces téléphones disposant des fonctionna­lités d’un PC, (messagerie instantané­e, agenda, accès internet, télécharge­ment d’applicatio­ns), associé à la hausse continue des débits sur les réseaux de communicat­ion, permet aujourd’hui de communique­r avec simplicité lorsque l’on n’est pas devant son PC. Les sociologue­s sont unanimes : les habitudes et les perception­s ont changé. Ils ne savent pas encore si ces tendances dues à la crise ou accélérées par celle-ci se poursuivro­nt, mais elles impacteron­t probableme­nt des années durant le comporteme­nt du consommate­ur. Jamais un objet technique aussi multifonct­ionnel dans l’histoire n’a été aussi prisé. Il s’impose au coeur de l’activité personnell­e, profession­nelle, de loisirs et familiale, régnant en maître et sans partage. L’Algérien entretient ainsi de plus en plus une relation intime à la limite du fusionnel avec le smartphone.

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La crise sanitaire et l’augmentati­on du taux de change ont fait flamber les prix des smartphone­s

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