Le retour des encenseurs
C’est aujourd’hui que débute la «campagne électorale» en faveur de la révision de la Constitution. Une opération qui n’a de campagne que le mot, puisque ne pourront y participer que les partis et associations qui ont soutenu le système et particulièrement le régime de Bouteflika depuis vingt ans. C’est-à-dire les partis représentés au Conseil de la nation et à l’Assemblée populaire nationale (APN), tant décriée parce qu'«élue»par la corruption et dont plusieurs de ses membres sont soit en prison, soit poursuivis par la justice pour leur implication dans les affaires de concussion. Pensant ainsi baliser un passage en force de la Constitution par les urnes, le pouvoir a procédé, en fait, à un verrouillage en bonne et due forme du champ politique et de l’expression. Ce qui fait craindre le pire une fois la nouvelle Loi fondamentale entérinée. Ce tour de vis supplémentaire vient s’ajouter aux atteintes aux libertés constatées depuis des mois et qui se sont traduites par des arrestations de militants de droits de l’homme, de «hirakistes», de cyber-activistes et autres lanceurs d’alerte. A mesure que l’on se rapproche de l’échéance électorale, la machine judiciaire semble s’être emballée avec une célérité et un zèle des juges rarement égalés auparavant, y compris sous le régime autoritaire de Bouteflika. Des dizaines et des dizaines de détenus d’opinion croupissent dans les prisons souvent dans des conditions difficiles, comme pour Abdellah Benaoum dont l’état de santé critique a fait réagir ses avocats et sa famille, ou encore la condamnation et l’incarcération injuste du journaliste Khaled Drareni en dépit de la vaste campagne de protestation aussi bien en Algérie qu’à l’étranger. Alors qu’il est sur le point de boucler une année d’exercice de son mandat, les prémices de l’Algérie nouvelle promise par Abdelmadjid Tebboune lors de son installation et après tardent à voir le jour. Non seulement les pratiques autoritaires sont toujours là, comme on peut le constater avec la manière avec laquelle le pouvoir appréhende désormais le mouvement de contestation populaire par la répression et le harcèlement judiciaire, laissant supposer ainsi qu’il n’est plus en odeur de sainteté, qu’il n’est plus ce «mouvement béni», pour reprendre l’expression du président de la République à l’égard du hirak. D’ailleurs, pour s’en convaincre, il suffit de se référer au dernier entretien qu’il vient d’accorder au New York Times. Le journal américain aura bien remarqué et souligné l’exaspération que suscite chez le chef de l’Etat la simple évocation du hirak ou du cas Drareni par le journaliste américain.