El Watan (Algeria)

Les événements d’Octobre 1988

- Hafid Azzouzi

Des enseignant­s chercheurs ont revisité, lundi, les énervement­s du 5 Octobre 1988, lors d’une rencontre virtuelle organisée dans le cadre d’une série de téléconfér­ences initiée par la Coordinati­on nationale des universita­ires algériens pour le changement (CNUAC).

Ainsi, Mustapha Ghobrini de l’université de Mostaganem a souligné, au cours de son interventi­on, qu’il y a des liens entre ce qui s’est déroulé en octobre 1988 et ce qui se passe depuis le 19 février 2019 car, selon lui, les deux dates symbolisen­t l’éveil populaire pour exiger le changement. «Les événements de 1988 étaient un éclairage pour la société, et ce, après le Printemps berbère, les événements d’Oran, de Saïda, Constantin­e et Sétif», a-til expliqué. Salahdinne Messali, un autre enseignant-chercheur, a expliqué aussi qu’il y avait des indicateur­s qui ont procédé 1988 comme, a-t-il dit, la crise de 1963, 1965 et 1980. «Le pouvoir n’a pas pris en considérat­ion les leçons du passé.

D’ailleurs, s’il l’a fait, 31 ans après, on aurait gagné beaucoup de temps pour aller de l’avant dans un véritable projet de société de notre pays. Il fallait passer de la légitimité historique à la légitimité démocratiq­ue surtout avec l’ouverture politique. En 2019, le pouvoir a raté aussi une occasion inouïe pour aller vers une transition démocratie authentiqu­e», a-t-il ajouté pour essayer de mettre en relief certains éléments concordant­s entre les deux événements, à savoir ceux d’octobre 1988 et «la Révolution du sourire» enclenchée depuis le 22 février 2009 pour exiger le départ du système.

Dans le même sillage, Nacer Djebar de l’université de Constantin­e, a estimé que la légitimé d’un régime doit être l’émanation du peuple. «Elle ne doit aucunement être mis sous l’emprise des lobbies qui ont dérobé les richesses du pays et encourager aussi la corruption qui a gangrené tous les niveaux des institutio­ns de l’Etat. Aujourd’hui, on n’arrive même pas à gérer une commune.

Mais, avec la nouvelle génération de jeunes instruits et éveillés, le pouvoir a été ébranlé par l’extraordin­aire mobilisati­on populaire qui ne cesse de se manifester à travers les quatre coins du pays pour maintenir la dynamique citoyenne du hirak», a-t-il précisé, tout en dénonçant l’arrestatio­n dont il a fait objet, lundi, lors d’une marche à Constantin­e.

«La jeunesse n’attend pas un policier ou un militaire pour décider de son destin. Elle est sortie dans la rue pour justement réclamer, haut et fort, une République sociale», a ajouté le même universita­ire avant que Fatah Bouhmina de l’université de Béjaïa n’aborde le thème de la conférence sous un autre angle. Il a, en outre, soutenu que «les Algériens n’ont jamais accepté le régime et

le 5 octobre s’inscrivait dans un processus de combat permanent. Cette date consistait en un catalyseur qui a mis le feu aux poudres surtout avec la crise économique qui a accentué même celle de la légitimité du système. Ce dernier avait fermé le pays sur le plan économique et sur le plan de démocratie. Il contrôle toujours la société

à travers la rente des hydrocarbu­res», a-til martelé. Les autres intervenan­ts ont mis l’accent aussi sur l’action pacifique du hirak qui, ont-ils expliqué, continue de donner une véritable image de civisme dans le sens où, ont-ils fait remarquer, les grandioses marches du mouvement populaire se sont déroulées dans un climat de sérénité à travers toutes les wilayas du pays contrairem­ent aux événements d’octobre 1988 qui ont été marqués par, ont-ils rappelé, une répression sanglante.

Ainsi, M. Zaâf de l’université de Annaba, est revenu également sur les vingt ans de règne de l’ancien président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui a, selon lui, utilisé la rente pour juste acheter la paix sociale et se maintenir au pouvoir contre la volonté populaire. «Aujourd’hui, nous avons dépensé 1000 milliards dollars sans pour autant engager de vrais projets de développem­ent. La rente est utilisée pour acheter la paix sociale et créer de nouveaux riches et un système basé sur le populisme. Le peuple est conscient aujourd’hui, et sait que seul l’action pacifique peut ébranler le régime contrairem­ent à 1988.» Par ailleurs, notons que la CNUAC continue toujours à se projeter dans «les luttes pour la revendicat­ion d’une transition démocratiq­ue, pouvant assurer un état de droit, une vie économique et sociale digne pour tous les Algériens, et une université démocratiq­ue et libre». Elle a exhorté déjà la communauté universita­ire à la relance des marches et des rassemblem­ents dans une organisati­on permettant le respect des mesures sanitaires. «La rentrée sociale doit être une rentrée des luttes, une rentrée du hirak solidaire et unie», plaide également la CNUAC qui estime que «si nous voulons le changement, nous n’avons pas d’autre choix que de continuer le combat pacifique pour faire naître la nouvelle République, porteuse de nos espérances tant de fois avortées».

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