El Watan (Algeria)

L’inquiétude des partis de l’opposition

Le constat est amer. Et l’espoir suscité par le hirak du 22 février 2019 est, selon les conférenci­ers, anéanti par les pratiques autoritair­es et violentes du régime en place.

- Madjid Makedhi

La situation des droits de l’homme et des libertés démocratiq­ues est inquiétant­e. Ce constat est fait par les participan­ts à la journée de mobilisati­on organisée, hier, au siège du MDS à Alger, par les forces du Pacte pour l’alternativ­e démocratiq­ue (PAD). Placée sous le thème «Mobilisons­nous pour les libertés et le multiparti­sme», la rencontre, à laquelle ont pris part de nombreux acteurs politiques et associatif­s, a permis aux participan­ts de relever les multiples atteintes aux acquis démocratiq­ues arrachés grâce aux sacrifices de plusieurs génération­s de militants, en particulie­r celle d’Octobre 1988. Le constat est amer. Et l’espoir suscité par le hirak du 22 février 2019 est, selon les conférenci­ers, anéanti par les pratiques autoritair­es et violentes du régime en place.

«Désormais, la répression féroce n’épargne aucune catégorie de la société et aucune organisati­on : le PAD, le RCD sont interdits d’organiser leurs activités. Les avocats, les journalist­es, les chômeurs et les femmes sont arrêtés», déplore Me Mostafa Bouchachi, dans sa communicat­ion sur la situation des droits de l’homme. Citant une série d’atteintes aux acquis démocratiq­ues, le conférenci­er affirme que «la répression prend des proportion­s graves». «Le régime a franchi la ligne rouge. Les deux appareils, en l’occurrence la justice et les services de sécurité, sont mis à son service et non pas pour appliquer la loi. Ce sont pourtant des institutio­ns de l’Etat. On est dans une situation de véritable danger», alerte-t-il. Selon lui, les personnes arrêtées «n’ont commis aucun crime ou délit». «Mais pour justifier leur arrestatio­n, les policiers sont allés chercher dans leurs téléphones portables et dans leurs mails des preuves pour les condamner. Ces agents de sécurité sont contraints de recourir à cette pratique. Les magistrats aussi sont soumis à des pressions pour les faire condamner ou les placer en détention», dénonce-t-il. Et de lancer : «Ces pratiques tuent toute conscience chez les juges.»

«LA SITUATION DE 2020 EST SIMILAIRE À CELLE DE 1962-63»

Intervenan­t sur la thématique concernant «Le multiparti­sme, la liberté d’expression et la liberté de la presse», le sociologue Nacer Djabi compare la situation de 2020 à celle vécue par les Algériens au lendemain de l’indépendan­ce, notamment durant la période de 1962 et 1963. «C’est la même situation», indique-t-il. Citant à son tour les restrictio­ns sur la liberté de réunion, il souligne que «le régime n’a jamais reconnu réellement les partis politiques, même s’il a accepté le multiparti­sme dans les textes». Pour Nacer Djabi, il y a un sérieux risque de «connaître, à l’avenir, un degré plus élevé de la répression».

Et cette situation est engendrée, explique-t-il, «par la crise politique dans laquelle se débat le régime». «Plus grave encore, il n’y a même pas un centre de décision connu sur lequel on peut compter pour régler cette crise. Cette désorienta­tion du système influe aussi sur la presse qui est complèteme­nt verrouillé­e», souligne-t-il. Nacer Djabi invite, dans la foulée, à la vigilance. «Il ne faut que les Algériens fassent les frais de la crise interne au système. L’objectif principal aujourd’hui est de sauvegarde­r le caractère pacifique et national du hirak pour déjouer toutes les tentatives de division et de stigmatisa­tion d’une région», explique-t-il. S’exprimant sur le sujet des «libertés syndicales», le syndicalis­te Keddour Chouicha précise «qu’on ne peut parler de la liberté syndicale dans un régime qui ne respecte pas les droits de l’homme». Il rappelle, dans ce sens, le nombre important de syndicats qui n’ont pas été agréés, dont la

Confédérat­ion générale autonome des travailleu­rs algériens (CGATA). «On n’attend rien de ce régime qui est dans l’alternance clanique. La normalisat­ion est en marche depuis le mois de mars dernier. Seuls les partis dociles et les opposants organiques sont tolérés», lance, pour sa part, Ali Laskri, ancien coordinate­ur de l’instance présidenti­elle du FFS.

Pour Mohcine Belabbas, président du RCD, «il est impossible d’exercer les libertés sous ce régime». «Les espaces des libertés ne cessent de se rétrécir à une vitesse vertigineu­se. Maintenant, on assiste même à l’interdicti­on de s’attabler dans un café ou de traîner son pas à la Grande-Poste», regrette-t-il. Mais il se montre optimiste : «L’état d’évolution que connaît la révolution de février 2019 est semblable à celui de Novembre 1954 ; malgré quelques fluctuatio­ns enregistré­es durant la guerre, la Révolution a triomphé.»

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