El Watan (Algeria)

La défense de Ghazi exige la présence de Bouteflika, «boîte noire» de cette affaire

● Les avocats de l’ex-ministre du Travail, Mohamed Ghazi, ont demandé la présence du président déchu, Abdelaziz Bouteflika, qualifié de «boîte noire» du procès de Mme Maya, dont le verdict sera connu le 14 octobre en cours.

- S. T.

Après le lourd réquisitoi­re du procureur du tribunal de Chéraga et de longues plaidoirie­s qui se sont terminées en fin de journée, l’affaire «Mme Maya», de son vrai nom Zoulikha Nachineche, a été mise en délibéré pour mercredi prochain.

Les avocats de l’ensemble des prévenus présents à l’audience ont plaidé la relaxe pour «absence de preuve» dans ce dossier, «construit», disentils «sur des supputatio­ns». La défense de l’exministre du Travail et ancien wali de Chlef et de Annaba, Mohamed Ghazi, n’y a pas été avec le dos de la cuillère. Elle commence par exiger la présence du président déchu, Abdelaziz Bouteflika, qui, pour elle, «est la boîte noire de ce procès qui est indirectem­ent le sien». Les avocats affirment que «Ghazi n’a fait qu’exécuter les instructio­ns de Bouteflika et lorsque Mme Maya lui a dit qu’elle était sa fille, il a su tenir ce lourd secret. Ce dossier a commencé par les instructio­ns de Bouteflika données, à travers son secrétaire particulie­r Mohamed Rougab, à Mohamed Ghazi qui les a exécutées, tout comme Zaalane et Hamel. Il faut donc le ramener pour élucider le mystère de cette affaire. Le contenu de l’ordonnance de renvoi a été gonflé et nous voyons durant ce procès que c’est une montagne qui accouche d’une souris. L’Algérie nouvelle doit commencer par une justice juste et de droit». Les avocats reviennent sur les terrains accordés à Mme Maya à Chlef, en disant que c’est sur instructio­n de Mohamed Rougab, que Ghazi a reçu Mme Maya, présentée comme étant un membre de la famille de Bouteflika. «Il lui a demandé de présenter un dossier d’investisse­ment en bonne et due forme. Pour ce qui est des terrains d’Oran, Ghazi a appelé une seule fois Abdelghani Zaalane, pour lui demander d’aider des personnes proches du Président qui voulaient investir», déclarent les avocats avant de réclamer la relaxe pour leur mandant. La défense de Abdelghani Hamel a également plaidé la relaxe en essayant de démonter toutes les inculpatio­ns retenues contre lui, tantôt en politisant l’affaire, tantôt en soulevant des points de droit. «La protection policière se fait sur la base d’un écrit numéroté et portant le nom de la personnali­té, mais aussi l’élaboratio­n de rapports quotidiens sur les activités. Tout cela n’existe pas. Aucun document, aucun rapport n’existe dans le dossier. Tout ce qu’il a fait est de demander au service de protection d’être attentif à tout ce qui se passe devant la maison de Mme Maya, et de relever toutes les informatio­ns qui peuvent mener à l’arrestatio­n des auteurs du vol de la maison», déclarent les avocats de Hamel. A propos des chiens de Mme Maya, dressés par les services de police, ils déclarent : «Le statut du directeur général de la police et ses missions sont bien plus importants pour le rabaisser au niveau des chiens.»

«HAMEL EST VICTIME D’UNE LUTTE DE CLANS QUI SE TRAMAIT DANS LE NOIR(L’OMBRE)»

Ils abordent l’énigme entourant l’installati­on des sept caméras de surveillan­ce dans la villa 143 de Mme Maya à la résidence d’Etat de Moretti, en affirmant : «Les factures de ces équipement­s ont été payées par Mme Maya pour un montant de 190 000 DA et elle a confirmé ici même qu’elle a versé cette somme. Nous sommes devant une opération de vengeance par excellence. Hamel est victime d’une lutte de clans qui se tramait dans l’ombre pour lui faire payer ses déclaratio­ns sur la corruption. Ils le jalousaien­t tous parce qu’il était compétent, les concurrenç­ait et, de surcroît, était un candidat potentiel à la succession de Bouteflika. Ils ont voulu l’entraîner dans l’affaire du Boucher, puis traîné tous les membres de sa famille avec lui devant les tribunaux. Celui qui était derrière ces complots, le général Beleksir, se retrouve aujourd’hui avec un mandat d’arrêt internatio­nal, lancé contre lui par le tribunal militaire pour ‘‘haute trahison’’. Hamel ne mérite pas la prison.»

Les avocats de Mme Maya ont eux aussi plaidé la relaxe, en affirmant que cette affaire est «une opération de vengeance, un dossier monté de toutes pièces», accusant Amar Yahiaoui, prévenu en état de fuite, son voisin de longue date, avec lequel elle a fait de nombreuses affaires, d’être à l’origine de son arrestatio­n.

«C’est Yahiaoui qui a monté cette affaire sur incitation de personnes. Il a déposé l’argent chez elle sans l’en informer et en un temps court les services de sécurité sont venus le saisir. Elle a investi à Chlef pour créer un parc de loisirs dans un endroit totalement abandonné, pris comme refuge par les drogués, de passage par les terroriste­s, avant qu’elle ne le transforme en un lieu de détente pour de nombreuses familles. Son père était un ancien moudjahid, ami du défunt président Boumediène auquel il rendait souvent visite. C’est avec lui qu’il a connu Bouteflika, auquel il rendait visite souvent, y compris lorsqu’il était en Suisse. Ils étaient très liés et après la mort du père de Maya, Bouteflika a maintenu sa relation avec la famille avant même qu’il ne devienne Président et durant ses mandats. Mme Maya était très malade, atteinte d’un cancer et les médecins lui ont dit qu’il ne lui restait pas plus de 6 mois à vivre. Elle a mis tous ses biens au nom de ses deux filles pour les protéger. Les conclusion­s de l’enquête sont un ensemble de supputatio­ns. Il n’y a rien de prouvé. Même le procureur a été piégé par le contenu de l’ordonnance de renvoi. Cela se voit à travers le lourd réquisitoi­re qu’il a fait», déclarent les avocats de Mme Maya, avant clamer la relaxe. La même demande est exprimée par la défense de Abdelghani Zaalane, qui souligne que c’est lui qui a fait éclater l’affaire et «annuler les décisions d’affectatio­n des deux terrains». Les avocats déclarent haut et fort que l’ex-ministre des Transports «a fait l’objet d’une escroqueri­e», précisant que «les auditions des dix prévenus et des dix-sept témoins le prouvent». Ils expliquent que «la décision d’affectatio­n des deux terrains, l’un pour la réalisatio­n d’un centre commercial et l’autre d’une unité de froid, a été prise à la suite d’un appel d’un ministre en activité, qui a présenté les bénéficiai­res comme étant des membres de la famille du Président. Lorsqu’il les a rencontrés, il a remarqué l’arrogance et l’excès d’audace de l’un d’eux, en se prévalant de sa relation avec le Président, mais aussi parce qu’il a refusé de lui affecter des terrains là où il voulait.

Le deuxième avait tous les critères d’un investisse­ur. Il avait même déposé un dossier en 2011, resté bloqué à la wilaya. Quelques jours après, il a appelé le frère conseiller du Président pour lui parler de cette visite. Il lui a dit que derrière ces gens, il y a une femme Mme Maya et Mohamed Ghazi, qui prennent de l’argent en contrepart­ie de l’obtention des terrains. Il a tout de suite annulé les deux décisions. Il a été victime. Il mérite la relaxe». Tous les autres avocats ont plaidé la relaxe pour leurs mandants, avant que le tribunal ne mette en délibéré l’affaire en fin de journée. Le verdict sera connu sous huitaine, c’est-à-dire mercredi prochain.

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