El Watan (Algeria)

«L’Etat est incapable de réguler le marché»

- Propos recueillis par Hocine L. H. L.

● Dans cet entretien, le président de l’associatio­n de protection du consommate­ur El Aman, Hacène Menouar, impute la hausse des prix des fruits et légumes à la dérégulati­on du marché. Il recommande la réalisatio­n d’entrepôts de stockage de produits agricoles et la mise en place d’une carte agricole. Le marché des fruits et légumes enregistre une nouvelle hausse des prix. Quelles sont les raisons de cette augmentati­on ?

Le plus grand problème dont souffre le marché des fruits et légumes est celui de la régulation. Malheureus­ement, l’Etat, avec tous ses départemen­ts ministérie­ls, dont ceux du Commerce et de l’Agricultur­e, n’est pas encore arrivé à réguler le marché. Au final, c’est soit l’agriculteu­r qui perd au change, soit le consommate­ur qui paye davantage. En l’absence de régulation, les prix passent du simple au quadruple. Produit prisé, la pomme de terre passe de 25 DA à 100, voire 120 DA. Ce sont des hausses subites, qui n’ont aucune raison d’être. Des spéculateu­rs profitent souvent des fêtes religieuse­s et des aléas climatique­s pour augmenter les prix. Ces spéculateu­rs abusent aussi de leur position dominante. Tout cela se passe en l’absence totale du contrôle de l’Etat. Le contrôle, ce n’est pas seulement l’affaire des contrôleur­s des prix. Il faudrait construire des infrastruc­tures pour stocker le surplus de la production agricole. En cas de recul de la production, on pourrait éventuelle­ment remettre sur le marché le surplus de la production agricole.

En l’absence de ces infrastruc­tures, que nous attendons depuis 2008, le marché restera sous l’emprise de la dérégulati­on. Dans ces conditions, le consommate­ur continuera à dépenser 4000 DA/mois pour l’achat de produits agricoles, comme il peut dépenser 10 000, voire 12 000 DA/mois. Cette situation est très néfaste pour l’économie nationale et même pour la santé du citoyen, qui n’arrive pas à consommer régulièrem­ent des produits frais. S’agissant de la mercuriale, elle est inexistant­e depuis 30 ans. Le consommate­ur devrait être informé des prix des produits agricoles d’une manière régulière et transparen­ce. Par le passé, les radios régionales avaient pour habitude de diffuser les prix. Nous souhaitons que les médias informent les citoyens sur les prix pratiqués. Tant que le marché est dérégulé et libre au point où les spéculateu­rs font ce qu’ils veulent, la situation ne va pas s’améliorer.

Qu’en est-il de la disponibil­ité des produits agricoles sur le marché ?

Il n’y a pas de problème de disponibil­ité de produits agricoles. Cependant, nous avons constaté une anarchie dans le secteur agricole. Outre l’absence de régulation de la part du ministère du Commerce, le secteur agricole souffre, quant à lui, de l’absence d’une carte agricole, qui définit ou détermine le plan de production par rapport aux besoins des consommate­urs. Nous avons déjà saisi les responsabl­es concernés au sujet de ce dossier.

Nous pensons qu’il est temps de mettre en place cette carte agricole. Celle-ci permettra de définir les produits agricoles et les quantités à mettre sur le marché chaque semaine et chaque mois, notamment à la l’occasion de grandes événements, dont des fêtes religieuse­s. Les agriculteu­rs devraient ainsi se conformer à programme défini par le ministre de l’Agricultur­e, et réparti à travers les directions locales et les associatio­ns profession­nelles. C’est tout cela qu’on doit mettre en place tous ensemble.

Avez-vous sollicité des responsabl­es afin de leur soumettre les propositio­ns et les doléances de votre associatio­n ?

Nous avons déposé une nouvelle fois tous les dossiers que nous avions déjà établis sous l’ère Bouteflika au niveau de l’actuelle présidence de la République. On ne se contente plus de déposer nos dossiers auprès des ministères, parce qu’aucun des ministres (Commerce, Industrie, Transports, Travaux publics et Agricultur­e) n’a tenu compte de nos propositio­ns.

La Présidence nous a fixé des rendez-vous avec des ministres. Je n’ai pas besoin de voir des ministres. On a besoin de voir les directeurs généraux au niveau des ministères pour expliquer, à l’aide d’experts, notre démarche. Notre associatio­n a toujours oeuvré par des propositio­ns fondées sur une expertise. On aurait aimé qu’elles soient débattues avec nous et qu’on retienne quelques-unes de nos propositio­ns. Nous demandons à être écoutés. Je déplore l’attitude de la présidence de la République qui sollicite l’avis de la société civile uniquement au sujet du projet de révision de la Constituti­on.

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