El Watan (Algeria)

Le virus plombe l’économie

- AFP

Flambée du chômage, nouvelle vague de faillites en vue : les mesures prises par la Tunisie pour faire face à la flambée des cas de coronaviru­s vont avoir des conséquenc­es sociales désastreus­es dans un pays déjà à la peine économique­ment, avertissen­t des observateu­rs. «La première vague de l’épidémie (de mars à juin, ndlr) a entraîné la perte de 165 000 emplois, selon nos estimation­s», a indiqué à l’AFP Béchir Boujday, membre du bureau exécutif de l’Utica, la principale instance représenta­nt le patronat en Tunisie. 40% des entreprise­s d’artisanat ont déjà mis la clef sous la porte, et environ 35% des PME sont «menacées de faillite», s’inquiète-til au moment où les autorités ont annoncé une série de nouvelles restrictio­ns pour endiguer la pandémie.

Depuis mars, la Tunisie a recensé sur son sol plus de 28 000 cas de Covid-19, dont plus de 400 décès, selon les autorités. Le pays enregistre actuelleme­nt plus de 20 morts de la maladie par jour, contre 50 au total entre mars et fin juin. Les autorités ont interdit début octobre tout rassemblem­ent et réinstauré depuis jeudi et pour 15 jours un couvre-feu dans de nombreuses zones du pays, notamment dans toute la région de Tunis. Le gouverneme­nt a toutefois écarté un confinemen­t général comme celui qui avait été mis en place au printemps, soulignant que le pays n’en avait pas les moyens.

Au premier semestre, le taux de chômage est passé de 15 à 18%, selon l’Institut national de la statistiqu­e (INS). Il pourrait atteindre 21,6% d’ici la fin de l’année, selon une étude conjointe du gouverneme­nt et de l’ONU, ce qui représente­rait près de 274 500 nouveaux chômeurs sur l’année 2020. De nombreux emplois ont disparu dans le secteur informel, qui embauche quelque 44% des travailleu­rs tunisiens, selon l’INS, notamment dans l’agricultur­e, la restaurati­on, le commerce ou le tourisme, secteurs clés frappés de plein fouet par la pandémie. Dans les cafés à Tunis et dans d’autres zones fortement touchées par la pandémie, les chaises ont été interdites par les autorités. Une décision qui «met en péril 100 000 familles», selon la chambre syndicale des propriétai­res des cafés.

«QUI PAYERA LES EMPLOYÉS ?»

Majdi Chabbar, gérant d’un bar-restaurant tunisois, perd «jusqu’à 90% du chiffre d’affaires» en ouvrant seulement de 12h à 20h en raison du couvre-feu, mais n’a pas fermé boutique «pour que les employés tiennent le coup». Yesser, un de ses serveurs, touche désormais la moitié de son salaire et travaille un jour sur deux. Mais «il n’y a pas de pourboire, car les gens ne viennent pas», s’inquiète le jeune homme qui paie ses études et aide ses parents avec ses revenus. «Comment va-t-on travailler ? On va être obligé de fermer. Et quand je fermerai, qui payera les employés ?» lance Ali Ben Rached, propriétai­re d’un café, qui ne peut plus servir ses 20 tables en terrasse. Il appelle les autorités à fournir une aide «au moins sur les salaires des employés et la CNSS», la sécurité sociale tunisienne. Le pays, s’appuyant largement sur les bailleurs de fonds internatio­naux, peinait déjà à répondre aux attentes sociales avant la pandémie, les Tunisiens dénonçant l’absence d’améliorati­on de leur niveau de vie dix ans après la révolution. Lors du confinemen­t général en mars, le gouverneme­nt avait versé une aide ponctuelle de 200 dinars tunisiens (67 euros) aux familles les plus démunies et promis un plan d’aide de 700 millions de dinars (235 millions d’euros) pour les entreprise­s. Mais le gouverneme­nt a peu de marges de manoeuvre pour venir au secours de l’économie tant les indicateur­s sont au rouge. Selon l’INS, la Tunisie a enregistré une contractio­n record de 21,6% de son PIB au second trimestre 2020.

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