UNE STÈLE ÉRIGÉE EN SON HONNEUR À TIRONAL (OUACIFS)
L’amusnay Hadj Mokhtar At Saïd, un chef de la résistance contre le colonialisme français depuis 1830 à 1857, compagnon d’armes de Cherif Boubaghla et de Lalla Fatma Soumer,
s’est vu ériger une stèle à Tironal, Ouacifs.
Hadj L Mokhtar At Saïd (Mahamed Ousaïd, nom patronymique colonial imposé en 1891) est né à la fin du XVIIIe siècle dans le village Tirwal qui fait partie de la tribu At Bouakkach(1) appartenant à la fédération At Betroun(2). Cette dernière constitue avec la fédération At Menguellat(3) la grande confédération Igagawen (d’où le nom zwawa), elle occupe le versant nord du Djurdjura. Dans
● l’actuel découpage territoriale, le village Tirwal est rattaché à la commune d’Aït Boumahdi (daïra Ouacif, wilaya de Tizi Ouzou). Selon Mouloud Mammeri dans son célèbre livre Poèmes kabyles anciens, qui enflamma la revendication identitaire en 1980, Hadj Mokhtar est un amusnay traditionnel, réputé pour sa sagesse. Il est sollicité par toute la région pour ramener la concorde et la réconciliation. Hadj Mokhtar est le chef de la tribu At Bouakkach. Il est aussi poète et chef de guerre, il a conduit, avec d’autres notables, les troupes kabyles en 1830 à la bataille de Staoueli contre l’invasion française. Selon toujours Mammeri, il demeure toujours fidèle à ses convictions, en 1851 il est l’un des chefs des fantassins Igawawen(4) qui a l’instigation de Boubaghla, mène une action contre les cavaliers makhzen des Abid Chamlal. A partir de 1852, il devient l’ennemi personnel de Si El Djoudi’, nommé par la puissance coloniale, Bachaga symbolique des Igawawen(5). Hadj Mokhtar est, avec Hocine Aït Hadj Arab de Tikichourt et Hadj Aït Yaâkoub des Ouadias, un des chefs de la résistance. Il le restera jusqu’à la défaite du 24 juin 1857 à la bataille d’Icheriden et occupation de la Kabylie. Sa date de naissance et de décès sont inconnues, ainsi que le lieu de son enterrement (doit faire objet de recherche ainsi que le recueil de ses poèmes et citations). Il devait avoir probablement 35 a 40 ans en 1832, car à cette date, j’ai choisi de publier ci-dessous deux de ses poèmes, qui témoignent sur deux grandes qualités de sa personnalité (résistance à la colonisation française, sa disponibilité permanente ainsi que sa sagesse de réconciliation lors des conflits sollicitée dans toute la région). Une réunion de résistants à Soumer village de Fatma n’Soumer et la critique arbitraire dont il fut objet, l’inspire pour composer ce poème : «Laeyead-d idher s ttu !
Asmi nemial di soumer netheddir giwen bbul
Nennejmaa deg Gexli en llant sut tesga mellal w innan L a Lmextar dir-it laeyar ad-d idher s ttul»
Traduction (Dda El Mouloud) La vérité éclatera
Lorsque nous nous sommes rencontrés à Soumeur
Nous parlons d’un seul coeur
Nous avons tenu conseil à Ikhlidjen
En présence des femmes de Tasga Melloul
Quiconque me critique
Sache qu’à la fin, la vérité éclatera. Mammeri rapporte qu’un jour, alors que Hadj Mokhtar rentrait chez lui à l’aube après avoir difficilement ramené l’entente entre adversaires, sa femme le reçut avec des reproches sur ses fréquentes absences. Il répondit :
«Ani d baba i d-iyi-dean
Inza-yi lehdit n llil
Tten akk medden hennan
Am win yedlen am win ur ndil Dnekk i d bu yinezman
Almi i d-iyi-keddan s Imil.» Traduction (Y. Nacib) :
«Ai-je essuyé la malédiction paternelle ?
Le propos nocturne est mon lot Chacun dort en paix chez soi Couvert ou pas
Quant à moi je croule
Sous les soucis.
Deux arbres centenaires portent son nom jusqu’à ce jour, dans la mémoire collective Le premier se trouve à l’entrée de Ouacif (en venant de Tiroual) où il aime se reposer. Quant au second, il est situé à Ath Yenni. Il lui était offert par les Ath Yenni après avoir réconcilié deux habitants en conflit de cet arch, dont la cause est due justement à cet arbre. Il est à rappeler que sous le haut patronage du Haut-Commissariat à l’amazighité, l’APC d’At Ouacif et le Comité des fêtes de la ville d’At Ouacif ont organisé. «Les premières poésiades d’At Ouacif» les 12, 13 et 14 juillet 2015 en hommage à Lhadj El Mokhtar At Saïd «amedyaz ur neggan».