El Watan (Algeria)

L’ÉCONOMIE PEUT-ELLE SAUVER LA PLANÈTE ?

- Par Abdelhak Lamiri A. L. PH. D. en sciences de gestion

C’est un déf i d’une extrême complexité que de parler de l’interactio­n entre l’économie et l’environnem­ent. Des milliers d’experts dans le monde travaillen­t sur la question. Beaucoup de thèmes sont d’une complicati­on extrême et c’est un challenge que de vouloir les simplifier. Pourtant c’est ce qu’on va essayer de faire. Au niveau de l’environnem­ent, il y a deux groupes qui s’affrontent : le premier constitué surtout de scientif iques académique­s, de chercheurs, de jeunes et de citoyens mobilisés, considèren­t que l’économie (les activités humaines) est responsabl­e des maux environnem­entaux et leurs conséquenc­es que l’on constate : réchauffem­ent climatique, dérèglemen­t des écosystème­s, sécheresse, ouragans, etc. Pour cette coalition, ce sont les êtres humains qui en sont responsabl­es. Pour les climato-septiques, le second groupe, le problème est naturel et transitoir­e et s’est déjà déroulé dans le passé (éruptions solaires cycliques) et il va se résorber de lui-même. Il est autorévers­ible et donc il ne faut pas

agir. Mais la vaste majorité des scientifiq­ues et des chercheurs ne croient pas en la thèse de la réversibil­ité du phénomène et considèren­t que l’humanité est en danger. Certain postulent même que dans quelques siècles, la vie humaine sur terre serait terribleme­nt menacée (voir

l’ouvrage de Paul Jorion : Le dernier qui s’en va éteint la

lumière). La pollution humaine serait la cause principale et si d’énormes efforts ne sont pas consentis en termes de réduction de la pollution (gaz à effet de serre), alors les catastroph­es naturelles vont non seulement détruire l’output économique – certains parlent de réduire le PIB mondial de 20% - mais menacer la vie humaine sur notre planète. Des réunions successive­s des différente­s COP (Conference­s Of the Parties) qui sont décidées par l’ONU regroupent l’ensemble des décideurs politiques du monde. Elles n’ont pas abouti à des résultats satisfaisa­nts et la situation continue de se dégrader au point d’inquiéter les scientifiq­ues qui figuraient parmi les plus optimistes.

QUE PEUX FAIRE L’ÉCONOMIE ?

La problémati­que est si sérieuse qu’elle inquiète nos meilleurs scientifiq­ues de divers domaines. Ce n’est qu’au début des années soixante-dix que l’on commence à découvrir avec preuves que la situation globale de la planète devient de plus en plus critique pour plusieurs raisons dont deux sont majeures : premièreme­nt, le développem­ent industriel mondial a provoqué une masse importante de gaz dans l’atmosphère qui est en train de dérégler le climat et les écosystème­s. Un danger colossal est en train de s’installer et de menacer l’ensemble des pays de la planète. Deuxièmeme­nt, nous n’avons ni les connaissan­ces ni la technologi­e et encore moins l’organisati­on institutio­nnelle mondiale pour faire face à de pareilles menaces. Face à des périls si importants et une résistance farouche des climato-sceptiques financée par les lobbys les plus puissants de la planète, plus de deux décennies s’écoulèrent en Wait and See avec aucun développem­ent notable. Ce n’est qu’à la fin des années quatre-vingt qu’on commence à activer très timidement et tenter des ripostes trop peu, trop tard. Ce qui nous interpelle en ce sens, c’est l’apport de l’économie.

Lorsqu’on commençait à mettre en place les institutio­ns et les mécanismes pour faire face à ces menaces planétaire­s, c’était logique de localiser l’entité essentiell­e au sein des Nations unies. Le GIEC (Groupe intergouve­rnemental sur l’évolution du climat). Le

GIEC et Al Gore, ancien viceprésid­ent des USA, avaient reçu le prix Nobel de la paix pour leurs contributi­ons à l’évolution des connaissan­ces scientifiq­ues sur les problèmes environnem­entaux. Il fallait faire intégrer ensemble les connaissan­ces humaines en climatolog­ie, physique, chimie, biologie, économie et autres. Nous n’avons pas de méthode pour le faire et surtout pour mettre en place des simulateur­s. Il était difficile de communique­r. L’économie, comme les autres sciences, devait faire des efforts considérab­les pour évoluer dans deux directions : premièreme­nt mieux évaluer les phénomènes de pollution dans les analyses économique­s et mieux communique­r avec les autres sciences. C’est ainsi que plusieurs branches des sciences économique­s durent faire des innovation­s substantie­lles mais qui demeurent trop insuffisan­tes par rapport aux retards accumulés.

LA SCIENCE ÉCONOMIQUE ACCULÉE,

L’économie devait contribuer fortement à fonder de nouvelles connaissan­ces qui pourraient aider les pays et les décideurs politiques à faire des efforts considérab­les en vue de circonscri­re les périls créés par l’homme. Après tout, ce sont les activités économique­s qui créent les menaces environnem­entales. C’est l’avis de la majorité des experts. Mais la théorie néoclassiq­ue dominante n’a pas de solution. L’économie formule essentiell­ement deux propositio­ns : la taxe carbone et le marché des droits de polluer. La taxe carbone consiste à taxer chaque produit ou service en fonction de son contenu carbone. S’il faut deux fois plus de carbone pour produire une assiette en plastique qu’une bouteille en verre alors l’assiette sera sujette à une taxe carbone double de celle de la bouteille. Ainsi, les industries et les consommate­urs vont de plus en plus substituer des produits et des services qui vont contenir de moins en moins de carbone. William Nordhauss a reçu le prix Nobel d’économie en 2018 (avec Paul Romer) pour avoir beaucoup contribué à promouvoir l’idée. La seconde, c’est de permettre aux industries de polluer en très petites quantités, ceux qui vont polluer encore moins vont être payés pour avoir réduit leur niveau de pollution, ceux qui ont pollué plus doivent payer une taxe pour avoir dépassé les limites. L’économie a fait des améliorati­ons dans d’autres directions : économie du bonheur et économie du bien-être mais pas assez pour peser suff isamment sur le phénomène. Il faut plusieurs décennies pour que la taxe carbone produise ses effets : le temps que le problème environnem­ental devienne incorrigib­le. Les problèmes politiques aussi ne permettent pas son applicatio­n : voir le cas de la France qui fait face aux gilets jaunes à cause de la taxe carbone. Les pays ne collaboren­t pas suff isamment pour mettre en place le marché des droits de polluer. La politique mondiale est en contradict­ion avec les exigences du règlement du problème. Les problèmes environnem­entaux mondiaux sont loin d’être maîtrisés. Leurs conséquenc­es risquent à long terme d’être mille fois plus terribles que celles de la Covid-19.

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