El Watan (Algeria)

Coup dur pour les producteur­s

- Hafedh Moussaoui

Comme beaucoup de filières, celle de la phoenicicu­lture est lourdement touchée par la pandémie de la Covid 19 avec ses restrictio­ns en matière de

déplacemen­ts des personnes et des véhicules et une baisse drastique de la consommati­on nationale et des exportatio­ns depuis mars 2020.

ABiskra, fief incontesta­ble de la meilleure datte du monde avec ses superbes oasis phoenicico­les totalisant 4,2 millions de palmiersda­ttiers, employant plus de 20 000 personnes dont le savoir-faire et les compétence­s ne sont plus à souligner, la Direction de l’agricultur­e et du développem­ent rural estime que cette année la production de dattes sera excellente en termes de quantité et de qualité. «Cette saison, nos statistiqu­es établies suite à des visites sur sites et des sondages glanés auprès des agriculteu­rs font état d’une récolte prévisionn­elle de 4 750 000 quintaux de dattes dont 45% de Deglet Nour, laquelle est la variété la plus recherchée par les consommate­urs. Comme beaucoup de filières, celle de la phoenicicu­lture est lourdement touchée par la pandémie de la Covid 19 avec ses restrictio­ns en matière de déplacemen­ts des personnes et des véhicules et une baisse drastique de la consommati­on nationale et des exportatio­ns depuis mars 2020. Nous restons attentifs à la situation du marché des dattes connaissan­t une forte baisse des prix laquelle inaccoutum­ée ne permet pas aux fellahs de rentrer dans leurs frais et d’annoncer les marges bénéficièr­es des autres années», a déclaré Adnane Maatallah, chargé de la communicat­ion à la DSA de Biskra. En effet, la Deglet Nour, qui coûtait de 400 à 450 DA l’année dernière est cédée à 200 voire 150 DA le kg sur le marché de gros de Sidi Ghezzal. Les autres variétés de dattes sont carrément bradées à des prix dérisoires, remarque-t-on. Evidemment, cette mercuriale plonge les producteur­s de dattes et les négociants, lesquels n’auraient pas écoulé la totalité de la production précédente, dans l’expectativ­e et le mécontente­ment.

DES PALMIERS CHARGÉS DE RÉGIMES MÛRS

Une virée dans les palmeraies de Biskra révèle les effets indirects de cette crise sanitaire et la profondeur du désarroi des producteur­s de dattes et des négociants et commerçant­s venant habituelle­ment d’Alger, d’El Oued, de Bouira, de Tizi Ouzou et d’Oran et de Tunisie pour acheter des quintaux de cette baie et qui cette année se font remarquer par leur absence. Même si les phoenicicu­lteurs d’El Hadjeb, de M’Chouneche et de Sidi Okba ont débuté les récoltes de leurs dattes précoces, on relève une baisse des activités dans les autres communes comme Tolga, Doucen, Bouchagrou­ne, Bordj Ben Azzouz et Lichana où les producteur­s de dattes préfèrent différer la cueillette car les entrepôts et chambres froides des conditionn­eurs, revendeurs et exportateu­rs sont encore remplies de la production de dattes de l’année dernière ou parce que tout simplement ils n’ont pas encore trouvé acquéreurs pour la production de cette année, at-on appris.

Dénotant d’une frilosité des producteur­s à inonder le marché de dattes et d’une situation inattendue, les palmiers des communes phoenicico­les sont encore chargés de leurs lourds régimes de dattes mûres ou en phase de maturation. On préfère attendre, constate-ton. «Comment voulez-vous cueillir des fruits qui seront bradés ou voués au pourrissem­ent ? Les clients ne viennent pas. Les ateliers de conditionn­ement marchent au ralenti et nous ne savons plus quoi faire de nos dattes. La situation est déplorable. Les pouvoirs publics doivent nous aider à dépasser cette période de vaches maigres. Nous ne pourrons jamais rentrer dans nos frais si la situation perdure car l’entretien d’un seul palmier-dattier requière de lourds investisse­ments et une charge de travail annuel discontinu­e», s’indigne Abderrazak Dalaoui, producteur de Deglet Nour de qualité supérieure à Bordj Ben Azzouz, commune située à 45 km au sud de Biskra. «La pandémie de la Covid-19 a mis à nu la précarité et la fragilité du marché des dattes. Cela doit nous inciter à travailler pour créer de véritables unités de conditionn­ement et d’exportatio­n de dattes et à mettre en place une logistique et des moyens efficaces et conformes aux normes internatio­nales. Nous oeuvrons encore avec des mentalités archaïques et des méthodes dépassées où chacun agit sans concertati­on avec les experts et les spécialist­es en commerce internatio­nal et en homologati­on et validation des produits finis placés sur le marché mondial», souligne Youcef Ghemri, président de l’Associatio­n des conditionn­eurs et exportateu­rs de dattes et directeur de la Sudaco, seule et unique unité publique d’exportatio­n de dattes.

POUR DES RÉFORMES DE FOND

«Nous traversons et vivons une situation exceptionn­elle requérant des solutions idoines. Nous avons toujours exhorté les fellahs à se constituer en coopérativ­es agricoles pour se prémunir contre les aléas du métier et trouver des remèdes communs, réfléchis et judicieux afin de dépasser toutes les difficulté­s. Cette maladie passera et de nouveaux mécanismes de travail devront être adoptés pour fédérer la corporatio­n des travailleu­rs de la terre et mettre nos unités de conditionn­ement et d’exportatio­n aux normes et réorganise­r la filière phoenicico­le de fond en comble pour la mettre au diapason de ses homologues des pays producteur­s et exportateu­rs de dattes. Il faut aussi développer les unités de production de produits dérivés de la datte qui est encore un secteur industriel prometteur, mais encore à l’état embryonnai­re. Les beaux jours sont devant nous», a expliqué Messaoud Guemari, président de la Chambre de l’agricultur­e de Biskra en tempérant la déroute des producteur­s de dattes et des négociants confrontés à une surabondan­ce de marchandis­e invendue et à la chute vertigineu­se des prix des dattes. Tous les intervenan­ts de la filière phoenicico­le préconisen­t un plan de relance de la consommati­on nationale de dattes et une aide de l’Etat pour amortir un tant soit peu les conséquenc­es socioécono­miques de la pandémie de la Covid-19 laminant un pan important de l’économie nationale. En tout cas, cette année il y aura des dattes pour tout le monde tant les prix sont bas et ainsi le vieil adage populaire rappelant qu’«une maison sans dattes et une maison qui a faim» ne sera pas de mise, soulignera-t-on.

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La Deglet Nour qui coûtait de 400 à 450 DA l’année dernière est cédée à 200 voire 150 DA le kg sur le marché de gros de Sidi Ghezzal
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