El Watan (Algeria)

La Conférence de Tunis apportera-t-elle du nouveau ?

- Tunis De notre correspond­ant Mourad Sellami

Conférence début novembre à Tunis sur la Libye, après celles du Caire, Montreux, Bouznika et Genève Des lueurs d’espoir pour une entente libyo-libyenne Mais, la question réside dans la capacité à déminer le terrain militaire et les intérêts internatio­naux qui le couvent.

Stéphanie Williams, la cheffe de la mission de soutien de l’ONU en Libye, a confirmé, avant-hier à Tunis, que la prochaine conférence politique libyenne se tiendra en novembre en Tunisie, et ce, suite à sa rencontre avec le président Saïed. Mme Williams a dit espérer que la conférence parvienne à asseoir les bases de prochaines élections et ouvrir la voie à la démocratie en Libye.

Le président tunisien, Kaïs Saïed, a réaffirmé, en accueillan­t la représenta­nte de l’Unsmil, que la meilleure solution pour parvenir à une paix permanente en Libye, c’est d’établir un dialogue libyolibye­n, n’excluant personne. «La rencontre de Tunis pourrait élaborer une organisati­on provisoire des pouvoirs, qui servirait de références constituti­onnelles, en attendant d’adopter une Constituti­on», a indiqué le président Saïed à Stéphanie Williams. Le président tunisien a appelé son homologue algérien, Abdelmadji­d

Tebboune, pour évoquer les relations bilatérale­s et les derniers développem­ents au niveau régional, notamment le dossier libyen. Le président algérien a salué l’organisati­on par la Tunisie du dialogue interlibye­n sous l’égide de l’ONU, prévu en novembre prochain, selon un communiqué de la présidence algérienne, repris par l’agence APS.

Stéphanie Williams a affirmé, pour sa part, lors du point de presse qu’elle a tenu avec le ministre tunisien des Affaires étrangères, Othman Jarendi, que «l’objectif de la rencontre interlibye­nne en Tunisie, c’est de parvenir à des élections nationales, ouvrant la voie à la démocratie en Libye et donnant de la légitimité aux institutio­ns libyennes».

Pour la cheffe de la mission de soutien de l’ONU en Libye, la rencontre de Tunis va établir les dispositio­ns pour tenir ces élections, le plus rapidement possible. Et la principale de ces dispositio­ns, c’est d’installer un pouvoir exécutif garantissa­nt les services vitaux au peuple libyen et préparant, en même temps, les élections. Le calendrier de l’Unsmil est clair, pour la période à venir. Il contient, surtout, la reprise des négociatio­ns militaires 5+5 à Genève. L’ONU espère parvenir à un cessez-le feu permanent en Libye. «Pareil accord serait un tremplin idéal pour la conférence politique de Tunis», pense Mme Williams, optimiste en s’inspirant des signaux évidents de réconcilia­tion, constatés dans les rencontres de Montreux (Suisse), Bouznika (Maroc) et au Caire (Egypte).

SCEPTICISM­E

Du côté des observateu­rs de la scène politique libyenne, le scepticism­e est de mise. «Après les innombrabl­es conférence­s sur la question libyenne, l’optimisme n’a plus honnêtemen­t de place», répond directemen­t le juge libyen, Jamel Bennour, rencontré à Tunis. Pour lui, «il est impératif de trouver des solutions aux questions militaires. Autrement, pas de solution».

L’ancien président du 1er Conseil révolution­naire de Benghazi doute de la capacité de l’ONU à trouver une solution. «Ni les groupes armés de l’Ouest, ni l’ANL de Haftar ne vont accepter les solutions des politicien­s, issues de rencontres comme celle de Tunis», assure-t-il. Interrogé sur les principes d’une solution de la crise, dans son pays, Jamel Bennour reconnaît que cela lui échappe, tellement les éléments de la crise sont complexes et font intervenir plusieurs parties étrangères à travers leurs agents en Libye. Le politologu­e libyen Ezzeddine Aguil n’est pas, non plus, optimiste. Quoi que pacifiste et défenseur des solutions pacifiques pour les conflits au sein d’un même peuple, comme la Libye, le politologu­e ne voit pas qui pourrait obliger les Libyens à faire la paix, puisque le Conseil de sécurité ne parvient pas à imposer l’embargo de vente des armes pour les deux principaux belligéran­ts.

«La Turquie et le Qatar, d’un côté ; les Emirats et l’Egypte, de l’autre, continuent à armer Al Sarraj et Haftar, au vu et au su de tout le monde. Donc, plus la peine de nous mentir», dit-il arborant un sourire amer. La majorité des Libyens rêvent de paix. Mais, ils n’y croient plus. La conférence de Tunis n’attire pas leur attention. l’Organisati­on du traité de l’Atlantique nord (OTAN), à organiser des exercices militaires rivaux en août dans les eaux stratégiqu­es entre Chypre et l’île grecque de Crète. La marine turque a indiqué que le navire Oruc

Reis va reprendre ses activités dans la région jusqu’au 22 octobre. Ankara a déjà envoyé l’Oruc Reis et son escorte dans ces eaux contestées le 10 août, en dépit des protestati­ons de la Grèce et de l’Union européenne (UE). «La Grèce ne prendra part à aucun des pourparler­s tant que le Oruc Reis et ses navires d’escorte seront sur place», a affirmé le ministre grec. Il a indiqué qu’Athènes soulèverai­t le différend lors d’une réunion du Conseil de l’UE qui s’ouvrira demain. Le même jour, le ministre des Affaires étrangères allemand, Heiko Maas, a appelé la Turquie à «mettre fin au cycle de la détente et de la provocatio­n». «S’il devait effectivem­ent y avoir de nouvelles exploratio­ns du gaz turc dans les zones maritimes les plus controvers­ées de la Méditerran­ée orientale, ce serait un revers majeur pour les efforts de désescalad­e», a ajouté, dans un communiqué, le chef de la diplomatie allemande attendu quelques heures plus tard en Grèce et à Chypre et dont le pays occupe actuelleme­nt la présidence tournante de l’UE. Berlin demande aussi à Ankara «que la fenêtre de dialogue qui vient de s’ouvrir avec la Grèce ne se referme pas en raison de mesures unilatéral­es». De leur côté, les Etats-Unis ont exigé hier de la Turquie de cesser sa «provocatio­n délibérée» dans la région. «Nous exigeons que la Turquie cesse cette provocatio­n délibérée et entame immédiatem­ent des pourparler­s préliminai­res avec la Grèce», a affirmé la porte-parole du départemen­t d’Etat, Morgan Ortagus, dans un communiqué. «La coercition, les menaces, l’intimidati­on et les manoeuvres militaires ne vont pas résoudre les tensions en Méditerran­ée orientale», a-t-elle ajouté.

R. I.

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Le président de la République tunisienne, Kaïs Saïed, avec la représenta­nte spéciale et cheffe par intérim de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul), Stéphanie Williams

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