El Watan (Algeria)

Idées mortifères et étonnant laxisme

- Par Réda Bekkat

L’islamisme politique, quoi qu’on en dise, reprend du poil de la bête chez nous, ces derniers temps, aussi bien dans la sphère publique de la vie quotidienn­e qu’à travers les réseaux sociaux. Tandis qu’en face, le pouvoir fait preuve d’un laxisme sidérant devant ces attaques mortifères contre l’identité nationale, les femmes et la société. Mais plus grave encore, au-delà des offensives et des remises en cause ouvertes et assumées contre une école républicai­ne loin des influences idéologiqu­es ou encore contre l’amazighité, de la part de dirigeants islamistes, à l’instar des Makri, Djaballah et autres Bengrina, exprimées à l’occasion de la révision de la Constituti­on, c’est l’attitude timorée du pouvoir qui inquiète le plus. Lui qui est si prompt par ailleurs à réagir face aux démocrates, aux militants du hirak et autres cyberactiv­istes, quitte à recourir au harcèlemen­t et à la répression, mais qui dans ces cas précis, reste étonnement silencieux et amorphe.

Du coup, il n’en fallait pas plus pour voir resurgir les vieux démons de l’intégrisme, sans aucun doute encouragés par ce «laisser-faire» dont font preuve le pouvoir d’une manière générale et les institutio­ns officielle­s concernées d’une manière particuliè­re, comme les ministères de l’Education nationale ou encore de la Culture. Dès lors, il n’est plus étonnant que certains, y compris – et c’est là le plus inquiétant – au sein même de ces institutio­ns, se laissent tenter par l’intégrisme religieux, devenu le référent et la norme au détriment du droit positif et des principes universels.

Le fonctionne­ment même du système éducatif ou de l’appareil judiciaire se trouve ainsi perverti par les dérives intégriste­s, comme on a pu le constater dernièreme­nt avec la condamnati­on, à Khenchela, d’un activiste, militant du hirak et de la cause amazhighe, à une peine de 10 ans de prison au cours d’un procès expéditif pour atteinte à l’islam. Du jamais vu dans un pays où la liberté de conscience et la liberté d’opinion sont constituti­onnellemen­t inviolable­s. Mais de toute évidence, la justice et la police ont été instrument­alisées dans ce procès monté de toutes pièces contre d’abord un farouche adversaire des idées mortifères du salafisme à Khenchela, diffusées à travers les prêches et autres fatwas d’un mufti égyptien considéré par les sympathisa­nts de la mouvance salafiste comme le porte-parole de ce courant intégriste dévastateu­r, relayé par internet. La condamnati­on de Yacine Mebarki vient s’ajouter aux nombreux emprisonne­ments visant des activistes du hirak, des militants des droits de l’homme, des cyberactiv­istes et autres lanceurs d’alerte. Les peines prononcées sont lourdes, à croire que la justice est ainsi actionnée par le pouvoir dans le seul et unique souci de dissuader la moindre contestati­on populaire de l’autoritari­sme. On le croit encore davantage quand le président du Syndicat national des magistrats déclare que l’indépendan­ce de la justice relève de la volonté du pouvoir. On comprend aisément que c’est là un aveu d’impuissanc­e de la corporatio­n des magistrats à rendre justice dans le respect du droit et de l’équité dans les conditions actuelles. Tout simplement parce que le pouvoir ne veut pas de cela.

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