Idées mortifères et étonnant laxisme
L’islamisme politique, quoi qu’on en dise, reprend du poil de la bête chez nous, ces derniers temps, aussi bien dans la sphère publique de la vie quotidienne qu’à travers les réseaux sociaux. Tandis qu’en face, le pouvoir fait preuve d’un laxisme sidérant devant ces attaques mortifères contre l’identité nationale, les femmes et la société. Mais plus grave encore, au-delà des offensives et des remises en cause ouvertes et assumées contre une école républicaine loin des influences idéologiques ou encore contre l’amazighité, de la part de dirigeants islamistes, à l’instar des Makri, Djaballah et autres Bengrina, exprimées à l’occasion de la révision de la Constitution, c’est l’attitude timorée du pouvoir qui inquiète le plus. Lui qui est si prompt par ailleurs à réagir face aux démocrates, aux militants du hirak et autres cyberactivistes, quitte à recourir au harcèlement et à la répression, mais qui dans ces cas précis, reste étonnement silencieux et amorphe.
Du coup, il n’en fallait pas plus pour voir resurgir les vieux démons de l’intégrisme, sans aucun doute encouragés par ce «laisser-faire» dont font preuve le pouvoir d’une manière générale et les institutions officielles concernées d’une manière particulière, comme les ministères de l’Education nationale ou encore de la Culture. Dès lors, il n’est plus étonnant que certains, y compris – et c’est là le plus inquiétant – au sein même de ces institutions, se laissent tenter par l’intégrisme religieux, devenu le référent et la norme au détriment du droit positif et des principes universels.
Le fonctionnement même du système éducatif ou de l’appareil judiciaire se trouve ainsi perverti par les dérives intégristes, comme on a pu le constater dernièrement avec la condamnation, à Khenchela, d’un activiste, militant du hirak et de la cause amazhighe, à une peine de 10 ans de prison au cours d’un procès expéditif pour atteinte à l’islam. Du jamais vu dans un pays où la liberté de conscience et la liberté d’opinion sont constitutionnellement inviolables. Mais de toute évidence, la justice et la police ont été instrumentalisées dans ce procès monté de toutes pièces contre d’abord un farouche adversaire des idées mortifères du salafisme à Khenchela, diffusées à travers les prêches et autres fatwas d’un mufti égyptien considéré par les sympathisants de la mouvance salafiste comme le porte-parole de ce courant intégriste dévastateur, relayé par internet. La condamnation de Yacine Mebarki vient s’ajouter aux nombreux emprisonnements visant des activistes du hirak, des militants des droits de l’homme, des cyberactivistes et autres lanceurs d’alerte. Les peines prononcées sont lourdes, à croire que la justice est ainsi actionnée par le pouvoir dans le seul et unique souci de dissuader la moindre contestation populaire de l’autoritarisme. On le croit encore davantage quand le président du Syndicat national des magistrats déclare que l’indépendance de la justice relève de la volonté du pouvoir. On comprend aisément que c’est là un aveu d’impuissance de la corporation des magistrats à rendre justice dans le respect du droit et de l’équité dans les conditions actuelles. Tout simplement parce que le pouvoir ne veut pas de cela.