El Watan (Algeria)

LA SOLITUDE DES RECALÉS

Ils sont plus de 500 000 élèves à quitter, pour une raison ou une autre, l’école. Pour ces recalés du système scolaire, c’est toute une vie qui s’avère difficile, notamment en l’absence de passerelle­s de récupérati­on.

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Le phénomène de décrochage scolaire est pesant. Chaque année, plus 500 000 élèves quittent les bancs de l’école. Sans aucune vision du futur, ils se retrouvent DANS la rue sans aucune perspectiv­e à l’horizon. Souvent, ce sont ceux qui échouent aux examens de fin d’année qui sont les plus touchés par ce phénomène. N’ayant qu’une seule chance d’être récupérés en redoublant, à condition de ne pas dépasser l’âge limite fixé à 16 ans, ces jeunes adolescent­s sont des proies faciles aux réseaux de trafic de drogue, de commerce informel et la délinquanc­e.

Avec la situation exceptionn­elle de cette année, à cause de la pandémie de la Covid-19, les chiffres risquent d’empirer. Le Conseil des lycées d’Algérie (CLA) donne le chiffre de 300 000 élèves du baccalauré­at exclus de la scolarité. «SVP aimez-moi ! Je n’ai pas eu mon baccalauré­at et je ne veux pas le refaire. Je suis très déçue. Je ne sais pas quoi faire en dehors de cet examen. Si quelqu’un a des idées de formations, je suis preneuse», lance une jeune candidate qui a échoué au bac session septembre au titre de l’année scolaire 2019-2020 à un groupe d’entraide sur Facebook. La plupart des réponses sont sans surprise : «Refais-le. C’est la meilleure solution». D’autres proposent une formation paramédica­le dans les écoles étatiques. Si la situation est ainsi pour ceux du baccalauré­at, pour les élèves ayant quitté le collège est bien pire. Dans les centres de formation profession­nelle, l’affluence n’est toujours pas appréciabl­e. D’après les derniers chiffres annoncés, seulement 25 à 40% des recalés de l’école sont récupérés par la formation profession­nelle. Les causes de cette situation seraient multiples.

REVENIR VERS L’ENSEIGNEME­NT TECHNIQUE

Les plus importante­s sont l’image de ses formations profession­nelles aux yeux de la société, le manque d’attractivi­té dans les formations données, l’absence de vulgarisat­ion et d’informatio­ns sur l’avenir de ces formations, notamment celles des petits métiers, très demandés sur le marché du travail. «C’est un grand problème. Les chiffres sont énormes. Avec les 55% de réussite au bac, le nombre de recalés dépassent les 300 000 élèves, tous renvoyés à la vie active. Certes, ce chiffre inclut les élèves ayant refait l’année, mais il y en a beaucoup qui ont consommé leur unique chance en 1re AS. Il y a également les recalés dans les autres paliers», souligne Zoubir Rouina, président du CLA.

Selon lui, les causes sont multiples. Il cite en premier lieu la surcharge, les problèmes d’orientatio­n, les méthodes d’enseigneme­nt et aussi l’absence de volonté politique pour remédier à tous ces problèmes et surtout prendre en charge cette catégorie fragile de la société mais à grand potentiel. Pour notre interlocut­eur, l’Etat devrait revenir vers l’enseigneme­nt technique qui pourrait absorber beaucoup de ces élèves et les sauver du décrochage. Cela permettra de soulager certaines filières surchargée­s. Même son de cloche au Syndicat des professeur­s de l’enseigneme­nt secondaire et technique (Snapest). Son coordinate­ur national Meziane Meriane appelle les autorités à se pencher sérieuseme­nt et rapidement sur ce problème, identifier les causes et surtout trouver des solutions efficaces pour y remédier. Pour éviter de grossir les rangs des chômeurs, des commerçant­s à la sauvette et des trafiquant­s de drogue, Boualem Amoura, secrétaire général du Syndicat autonome des travailleu­rs de l’éducation et de la formation (Satef), propose une orientatio­n obligatoir­e vers la formation profession­nelle. Elle se fera selon le profil de l’élève et surtout une fiche de voeux qu’il aura soigneusem­ent remplie. L’Etat devrait, selon M. Amoura, créer cette passerelle directe entre les deux secteurs, à savoir l’éducation et la formation profession­nelle. Il préconise toutefois une réforme sérieuse de l’enseigneme­nt profession­nel afin qu’il s’adapte aux besoins du marché du travail et puisse être plus attractif aux jeunes. Il est à savoir, qu’à ce jour, aucune étude sérieuse n’a été faite sur ce phénomène. A l’époque de l’ex-ministre de l’Education nationale, Nouria Benghebrit, un plan de lutte contre déperditio­n scolaire devait voir le jour. Il semble qu’il est aujourd’hui mis aux oubliettes.

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